14 novembre 2023
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/07502

1re chambre 2e section

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 56C



1re chambre 2e section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 NOVEMBRE 2023



N° RG 22/07502 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VSE3



AFFAIRE :



S.A. GROUPE CANAL +

...



C/

UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Novembre 2022 par le Juge de la mise en état de NANTERRE

N° Chambre : 6ème



N° RG : 21/03624



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 14/11/23

à :



Me Martine DUPUIS



Me Julien SEMERIA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



S.A. GROUPE CANAL +

N° Siret : 420 624 777 RCS Nanterre

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



S.A.S. SOCIETE D'EDITION DE CANAL PLUS

N° Siret : 329 211 734 RCS Nanterre

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentant : Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2270205

Représentant : Maître Jean-louis FOURGOUX de l'AARPI Fourgoux Djavadi et associes - FDA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0069 et Maitre Jean-Louis GUIN avocat au barreau de Paris, vestiaire : C 1626 avocats plaidants.



APPELANTES

****************



Association UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentant : Maître Julien SEMERIA de la SELARL 9 JANVIER, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 211 - N° du dossier 2391483 -

Représentant : Maître Erkia NASRY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0060



INTIMEE

****************



Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller, et Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :









Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,



Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,










EXPOSE DU LITIGE



La société Canal +, qui commercialise des offres de programmes de télévision Canal + et Canalsat sous forme d'abonnements mensuels ou annuels reconductibles tacitement et sauf résiliation avant l'échéance, a décidé de lancer, au mois de novembre 2016, de nouvelles offres d'abonnement.



Par courrier reçu par voie postale ou électronique le 11 décembre 2017, une communication dont l'objet était « Votre abonnement évolue » a été adressée aux abonnés de la S.A Groupe Canal +, afin de leur proposer soit de souscrire à une nouvelle offre soit de rester sur la formule en cours, en indiquant que « si toutefois vous souhaitez rester sur votre offre actuelle, rendez-vous sur ESPACECLIENT.FR ».



L'association UFC Que choisir, considérant que la société Canal + et la société Groupe Canal + ont manqué à leurs obligations légales en prélevant, au préjudice des consommateurs, des sommes dues au titre d'abonnement, sans avoir recueilli l'engagement exprès et préalable desdits consommateurs à la souscription de ces abonnements, a par acte d'huissier de justice délivré le 27 avril 2021, fait assigner la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de :



Vu l'article L.811-1 du Code de la Consommation,

Vu les articles L.623-1 et suivants du Code de la consommation,

Vu les articles R.632-1 et suivants du Code la consommation,

Vu les articles 1194, 1104, 1231-1, 1231-2, 1231-3 et 1353 du Code civil,

Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu les articles L.121-12 et L.132-16 du Code de la consommation,

Vu 1378 ancien du Code civil et l'article 1352-7 nouveau même Code,

Vu l'agrément de l'association Ufc Que Choisir,

Vu les cas de consommateurs visés par l'association Ufc Que Choisir 



- déclarer l'association Ufc Que Choisir recevable et bien fondée en son action et y faire droit,



En conséquence,

- dire que la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus ont manqué à leurs obligations légales en prélevant, au préjudice des consommateurs, des sommes au titre d'abonnements, sans avoir recueilli l'engagement exprès et préalable desdits consommateurs à la souscription de ces abonnements,

- dire que la perception de ces sommes constitue un agissement illicite de la société Groupe Canal + et de la société d'Edition de Canal Plus et un paiement perçu de mauvaise foi par ces sociétés au préjudice des consommateurs,



En conséquence :

- condamner solidairement ou, à défaut, in solidum, la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus à rembourser, directement, à l'ensemble des consommateurs se trouvant dans une situation identique ou similaire aux cas exposés par l'association Ufc Que Choisir dans la présente procédure, les sommes perçues par elles et ce, avec intérêt au taux légal à compter de la perception de ces sommes,

- dire que ce remboursement, capital et intérêts, se fera, par la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus selon la modalité de paiement choisie par les parties pour l'exécution du contrat d'abonnement initial ayant été volontairement souscrit par les consommateurs,

- Pour les consommateurs qui ne sont plus abonnés de la société Groupe Canal + et de la société d'Edition de Canal Plus,

- dire que ce versement se fera par chèque libellé directement à l'ordre de chaque consommateur ayant adhéré à la présente action ; Ordonner, aux frais de la société Groupe Canal + et de la société d'Edition de Canal Plus les mesures de publicités suivantes afin d'informer les consommateurs de leur droit à indemnisation :

- envoi d'un courriel aux consommateurs, ledit courriel étant exclusivement dédié à la possibilité d'adhérer à l'action de groupe et aux conditions de cette adhésion et comportant comme unique objet la mention en lettres majuscules « action de groupe abonnement Canal + ».

- envoi d'un courrier simple aux consommateurs, ledit courrier étant exclusivement dédié à la possibilité d'adhérer à l'action de groupe et aux conditions de cette adhésion et comportant comme unique objet la mention en lettres majuscules « action de groupe abonnement Canal+ ».

- envoi d'un courrier recommandé avec accusé de réception aux consommateurs, ledit courrier étant exclusivement dédié à la possibilité d'adhérer à l'action de groupe et aux conditions de cette adhésion et comportant comme unique objet la mention en lettres majuscules« action de groupe abonnement Canal+ ».

- diffusion d'un communiqué écrit en police en haut de la page d'accueil des sites internet exploités par la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus : https://boutique.canalplus.com et https://www.canalplus.com/ , au niveau de la ligne de flottaison autrement appelée l'ancrage, précédé du titre « communique judiciaire action de groupe » pendant une durée de 6 mois,

- diffusion de ce même communiqué sous forme de bandeau sur la page d'accueil des sites https://boutique.canalplus.com et https://www.canalplus.com/ , pendant une durée de 6 mois,

- publication de ce même communiqué judiciaire, avec ce même titre sur les pages d'accueil de ses applications mobiles, sur la page d'accueil de ses réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn et tout autre réseau qu'il plaira au Tribunal de désigner) en tant que publication épinglée (ou le cas échéant tweet épinglé), pendant une durée de 6 mois.



- dire que les consommateurs souhaitant adhérer à la procédure initiée par l'association Ufc Que Choisir disposent d'un délai de 3 mois, à compter de l'achèvement des mesures de publicité, pour solliciter auprès de la société Groupe Canal + et de la société d'Edition de Canal Plus la réparation des préjudices subis et ce, par tout moyen permettant à la société Groupe Canal + ou à la société d'Edition de Canal Plus d'accuser réception de cette adhésion,

- dire qu'à l'expiration du délai d'adhésion de 3 mois, la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus sont tenues d'indemniser tout consommateur qui en fait la demande dans le délai maximal de trois mois à compter de la réception de l'adhésion de chaque consommateur,

- condamner solidairement ou, à défaut, in solidum, la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus à verser à l'association Ufc Que Choisir la somme de 150 000 euros à titre de provision à valoir sur les frais exposés par elle en vue notamment de représenter les consommateurs auprès de la société Groupe Canal + ou de la société d'Edition de Canal Plus en cas de contestation de leur demande d'indemnisation,

- dire qu'à l'expiration du délai de trois mois accordé à la société Groupe Canal + et à la société d'Edition de Canal Plus pour indemniser les consommateurs qui en font la demande, l'association Ufc Que Choisir est autorisée à saisir le Juge de la mise en état dans un délai de 3 mois de toute demande d'indemnisation non satisfaite par la société Groupe Canal + ou de la société d'Edition de Canal Plus,

- débouter la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus à verser à l'association Ufc Que Choisir la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Erkia Nasry en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Sous toutes réserves. »



En cours de procédure devant le tribunal judiciaire de Nanterre, les sociétés d'Edition de Canal + et la société Groupe Canal + SA ont saisi le juge de la mise en état aux fins de :



- nullité de l'acte introductif d'instance, invoquant une violation de l'article 56 du code de procédure civile et de l'article R.623-3 du code de la consommation;



- d'irrecevabilité, aux motifs que l'association serait dépourvue du droit d'agir et d'intérêt à agir,



- subsidiairement de communication de la 'pièce n°20" dans 'une version lisible' sous astreinte de 100 euros par jour de retard.



Par ordonnance contradictoire du 25 novembre 2022, le conseiller de la mise en état du Tribunal judiciaire de Nanterre a statué comme suit :



- constatons que la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus se sont désistées de leur incident de communication de pièces conformément au bordereau de pièces joint aux conclusions de l'association Ufc Que Choisir notifiées le 15 février 2022,

- rejetons l'exception de nullité de l'assignation délivrée à la demande de l'association Ufc Que Choisir soulevée par la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus,

- déclarons le juge de la mise en état incompétent au profit du tribunal lui-même pour statuer sur les conditions de recevabilité tirées du code de la consommation opposées par la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus à l'encontre de l'association Ufc Que Choisir pour non-respect des dispositions de l'article L.623-1 du code de la consommation,

- déclarons l'association Ufc Que Choisir recevable à agir à l'encontre de la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus,

- déboutons la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus de leur demande de mise hors de cause de la société d'Edition de Canal Plus,

- déboutons la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus de sa demande de production forcée de la pièce n°20 au fond de l'association Ufc Que Choisir,

- déboutons l'association Ufc Que Choisir de sa demande de production forcée de la pièce n°2 à l'incident de la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus,

- rejetons toute demande plus ample ou contraire,

- réservons les demandes des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens,

- renvoyons les parties à l'audience de mise en état électronique du 13 mars 2023 à 9h30 pour: - les conclusions au fond de la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus,

A défaut, clôture ».



Par déclaration reçue au greffe du 14 décembre 2022, la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus ont relevé appel de cette ordonnance du juge de la mise en état.



Aux termes de leurs conclusions signifiées le 25 mai 2023, la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus, appelantes, demandent à la cour de :



- déclarer recevable et bien fondées la société Groupe Canal + et la société d'Edition de Canal Plus en leur appel,

Y faisant droit,

- infirmer, l'ordonnance du juge de la mise en état du 25 novembre 2022, et

- déclarer l'association Ufc Que Choisir irrecevable à agir à l'encontre de la société d'édition de Canal + et de la société Groupe Canal +,

- condamner l'association Ufc Que Choisir au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris-Versailles en application 699 du code de procédure civile.



Aux termes de ses conclusions signifiées le 17 mai 2023, l'association Ufc Que Choisir, intimée, demande à la cour de :

Vu les articles 30 et 31 du Code de procédure civil,



- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de Nanterre en date du 22 novembre 2022,

- déclarer l'association Ufc Que Choisir recevable à agir contre la société d'édition de Canal + et la société Groupe Canal +,

- débouter la société d'édition de Canal + et la société Groupe Canal + de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions exposées tant en première instance qu'en cause d'appel,

- condamner la société d'édition de Canal + et la société Groupe Canal + à verser chacune à l'association Ufc Que Choisir la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement la société d'édition de Canal + et la société Groupe Canal + aux dépens dont distraction au profit de Maître Julien Semeria pour ceux le concernant conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 mai 2023.



Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.








MOTIFS DE LA DÉCISION



I) Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir



Moyens des parties



Les sociétés appelantes font valoir, à hauteur de cour, que l'association intimée n'étant pas en mesure de justifier d'un intérêt direct, légitime et personnel à solliciter un remboursement pour les consommateurs dont elle a protégé les droits, sa demande est irrecevable.



Elles exposent à la cour que :



- le 1er janvier 2018, un juriste de l'association intimée a pris contact a pris contact avec la société Canal + pour l'informer que l'évolution de ses anciennes offres étaient contraires aux dispositions du code de la consommation du fait qu'elles s'accompagnaient d'une augmentation tarifaire automatique des abonnements des clients en cours de période contractuelle,



- suite à cette communication, une réunion a eu lieu avec le responsable juridique au sein de L'UFC à l'issue de laquelle s'est dégagée une solution consistant à étendre pour les abonnés concernés la période de retour arrière jusqu'à l'échéance de leur contrat et à procéder au remboursement rétroactif du surplus facturé pour tout retour arrière effectué avant la date d'échéance,



- un projet de communication aux abonnés explicitant cette solution a été approuvé par le juriste de l'association, Mme [D], par courrier électronique du 16 février 2018, adressé au directeur juridique de L'UFC et à la direction générale de Canal +,



- L'UFC ayant, par cette approbation, considéré que la solution dégagée protégeait valablement les droits des consommateurs, l'association n'a plus d'intérêt à agir,



- L'UFC est mal fondée à soutenir que les abonnés n'ont jamais été remboursés ni même informés de leur droit à remboursement, comme elle est mal fondée à soutenir que Mme [D] serait une simple salariée sans pouvoir décisionnaire au sein de l'association et donc sans pouvoir de négocier avec Canal +, comme le démontrent le profil professionnel de cette dernière et le fait, qu' elle se trouve être une ancienne élève avocate au sein du cabinet Linklaters à [Localité 3], et qu'elle a représenté L'UFC auprès du bureau européen des unions de consommateurs à [Localité 6] et [Localité 5] et a été à l'origine de plusieurs mises en demeure adressées à d'autres sociétés dans des affaires médiatiques retentissantes.



- Mme [D] avait le pouvoir d'engager l'association dans un accord et dans un processus de règlement à l'amiable et la société Canal + a pu légitiment croire au pouvoir de représentation de Mme [D], dès lors qu'elle a participé aux négociations et s'est portée partie intégrante à l'acceptation de l'accord portant sur le projet de communication, ces éléments ayant l'apparence d'un mandat régulier de représentation donnée par l'UFC,



- la procédure parallèle qui a conduit la direction départementale de la protection des populations du département des Hauts-de-Seine à enjoindre, le 20 avril 2018, à la société Canal + de se mettre en conformité avec les dispositions de l'article L.121-12 du code de la consommation, dans un délai de deux mois, n'est pas de nature à remettre en cause la position adoptée par L'UFC Que Choisir qui a reconnu que la communication soumise, le 15 février 2018, était satisfaisante et permettait de mettre un terme au litige qu'elle alléguait pour les abonnés qu'elle représentait, et cette procédure ne peut, par suite, justifier l'intérêt à agir de Que Choisir,



- en choisissant la voie de l'action judiciaire, après avoir donné un satisfecit sur la modification de la communication de Canal +, l'association fait preuve de mauvaise foi, ce qui lui interdit d'invoquer légitimement la mauvaise foi des sociétés appelantes et se contredit au détriment de la partie adverse.



L'association intimée concluant à la confirmation pure et simple de l'ordonnance querellée, de répliquer que :



- Mme [D], juriste salariée au sein de L'UFC QUE CHOISIR a informé la société Canal + que les augmentations tarifaires automatiques des abonnements, appliquées en cours de période contractuelle, violaient la grille tarifaire faisant corps avec le contrat conclu par les consommateurs et était contraire au code de la consommation,



- Mme [D] était une simple salariée pas même responsable du service juridique et non investie d'un quelconque pouvoir décisionnaire au sein de l'association, ce que les sociétés Canal +, qui connaissaient la structure hiérarchique de l'association, savaient pertinemment ; les captures d'écran réalisées plus de quatre ans après l'envoi du courriel et produites par les appelantes sont dépourvues de force probante et n'autorisaient pas, comme le fait que Mme [D] occupait au sein de l'association un poste de juriste salariée depuis plus de cinq ans, à considérer qu'elle avait pouvoir pour agir au nom et pour le compte de l'association ; pareillement, les échanges de courriel entre les salariés du service d'assistance des adhérents de L'UFC et un membre des sociétés Canal + au sujet des difficultés rencontrées par certains consommateurs adhérents ou au sujet de la participation à une ' matinée débats'ne pouvaient donner aux sociétés appelantes la croyance que Mme [D] pouvait disposer d'un pouvoir pour se prononcer sur le caractère satisfaisant ou non de leur communication ; il incombait au responsable juridique du groupe Canal + de s'assurer que Mme [D] avait obtenu le pouvoir de sa hiérarchie avant d'écrire dans un courriel du 16 février 2018 que le projet de communication était satisfaisant,



- le courriel adressé le 16 février 2018 par Mme [D] n'emporte pas renonciation à exercer une action de groupe pour obtenir réparation des préjudices économiques individuels subis par les abonnés, renonciation au droit d'agir en justice si les abonnés n'étaient pas remboursés au titre du surplus facturé depuis le mois de février 2018, ni renonciation à son droit d'agir en cas de réclamation individuelle ou si les consommateurs n'étaient pas informés de leurs droits à remboursement ou même si ce droit à remboursement étaient refusé dans les faits aux abonnés et il ne peut être opposé à Que Choisir une quelconque renonciation à exercer une action de groupe au motif que l'une de ses salariées s'est déclarée satisfaite d'un projet de communication à destination des abonnés des sociétés Canal +,



- les termes du courriel du 6 février 2018 - compte rendu de la réunion du 5 février 2018 - n'engagent que ses rédacteurs - responsable juridique du groupe Canal + et médiateur de ce même groupe - et ne s'analysent pas comme une renonciation de l'association à son droit d'agir en justice et à exercer une action de groupe en particulier, d'autant moins que des consommateurs - cinq cas sont cités par l'association au soutien de son action de groupe - n'ont jamais été remboursés ni informés de leur droit à remboursement et se sont heurtés à un dysfonctionnement du lien ' refuser la nouvelle offre',



- postérieurement au courriel du 16 février 2018, les appelantes se sont abstenues de recueillir préalablement à la reconduction des contrats le consentement exprès des consommateurs à la nouvelle formule d'abonnement, l'absence de cessation des pratiques illicites de souscription ayant conduit la DDPP des Hauts-de-Seine à adresser au groupe Canal + une injonction de respecter les dispositions de l'article L.121-12 du code de la consommation,



- le communiqué de presse du procureur de la République de Nanterre du 9 juillet 2020 témoigne de l'absence de remboursement des prélèvements indûment opérés par les sociétés Canal +, le tribunal judiciaire de Nanterre ayant homologué le 8 juillet 2020 un accord par lequel la société Canal + a reconnu sa culpabilité du chef du délit d'obligation mise à la charge des abonnés de refuser une offre imposée pour ne pas avoir à payer le montant correspondant à celle-ci et a accepté la peine proposée par le procureur de la République,



- les abonnés n'ont jamais été informés sur les pratiques illicites ayant fait l'objet d'une reconnaissance de culpabilité par les sociétés Canal +, la simple mise en place d'un lien internet confirmant que les abonnés n'ont pas bénéficié d'une information directe et personnalisée,



- il s'ensuit que l'association n'a jamais renoncé même implicitement à son droit d'intenter un action judiciaire ni a fortiori une action de groupe si les préjudices économiques des consommateurs n'étaient pas réparés l'article L.623-32 du code de la consommation interdisant ce type d'accord concernant les actions de groupe,



- l'association n'a jamais admis que l'envoi d'une communication aux abonnés des sociétés Canal + était de nature à épuiser le droit à réparation de ces derniers.



Réponse de la cour



Les appelantes soutiennent que l'association n'aurait plus d'intérêt à agir pour avoir renoncé à son droit à agir en justice, en reconnaissant la cessation des préjudices allégués.



La renonciation est une manifestation de volonté unilatérale, par laquelle une personne éteint un droit dont elle est titulaire et l'existence de la renonciation ne se présume pas et doit résulter d'actes positifs non équivoques.



Il est constant que :



le 1er janvier 2018, un juriste de l'association intimée a pris contact a pris contact avec la société Canal + pour l'informer que l'évolution de ses anciennes offres étaient contraires aux dispositions du code de la consommation du fait qu'elles s'accompagnaient d'une augmentation tarifaire automatique des abonnements des clients en cours de période contractuelle,



- suite à cette communication, une réunion a eu lieu avec le responsable juridique au sein de L'UFC à l'issue de laquelle s'est dégagée une solution consistant à étendre pour les abonnés concernés la période de retour arrière jusqu'à l'échéance de leur contrat et à procéder au remboursement rétroactif du surplus facturé pour tout retour arrière effectué avant la date d'échéance,



- un projet de communication aux abonnés explicitant cette solution a été approuvé par le juriste de l'association, Mme [D], par courrier électronique du 16 février 2018, adressé au directeur juridique de L'UFC et à la direction générale de Canal +, et libellé en ces termes :



' Chère Madame,



nous vous remercions pour ce retour rapide et sommes satisfaits du projet de communication qui sera adressé à vos abonnés.



Bien à vous



[B] [D]

Juriste technologies de l'information et de la communication

UFC- Que Choisir'





Il résulte des termes de ce courrier que l'association n'a jamais admis que l'envoi d'une communication aux abonnés des sociétés appelantes était de nature à épuiser le droit à réparation de ces derniers et, en outre, l'action de l'association ne vise pas à faire reconnaître un droit propre mais est exercée, par le truchement d'une action de groupe, à la seule fin d'obtenir réparation de préjudices économiques subis par des consommateurs formant un groupe identifié.



Dès lors, et sans même qu'il soit besoin de chercher une justification de l'intérêt à agir de l'association dans la procédure ultérieure ayant trouvé son épilogue, le 8 juillet 2020, dans un accord avec le parquet du tribunal judiciaire de Nanterre, les appelantes ne peuvent utilement soutenir que le courrier électronique litigieux emporte cessation des préjudices allégués et, partant, renonciation, même implicite, de l'association à exercer une action de groupe contre les appelantes aux fins d'obtenir réparation des préjudices économiques individuels subis par ses abonnés s'étant vu imposer une souscription forcée à de nouvelles offres des appelantes, et de son droit d'agir si des abonnés n'étaient pas remboursés au titre des surplus de facturation, ou n'étaient pas informés de leur droit à remboursement des sommes prélevées ou ne pouvaient exercer ce droit dans les faits.



Il résulte des pièces versées aux débats par l'association - pièce n°10 de l'intimée - a recueilli au soutien de son action de groupe les témoignages de cinq consommateurs - M. [S], Mme [F], M. [T] et M. [M] - justifiant de la pratique illicite de vente forcée.



Les appelantes justifient, s'agissant de M. [M], l'envoi d'un courrier le 24 février 2018 indiquant notamment ' nous vous confirmons que les démarches effectuées via votre compte 'espace client' ont été prise en compte et que nous avons bien enregistré votre volonté de conserver votre abonnement actuel'. Cependant, aucune justification n'est produite pour les quatre autres consommateurs aux fins de rapporter la preuve qu'ils ont pu conserver leur ancienne formule d'abonnement.



De plus, il résulte des échanges épistolaires postérieurs au courrier électronique litigieux entre les appelantes et l'association, que les abonnés des appelantes ont subi un préjudice, dès lors que, du fait du prélèvement automatique, et de l'absence de mise en place d'une information directe et personnalisée, dont un simple lien internet ne pouvait faire office, ont subi un préjudice par ce qu'ils ne se sont pas rendus compte de la souscription forcée à de nouvelles offres avec augmentation du prix de l'abonnement et n'ont point sollicité le remboursement des sommes indûment prélevées par les sociétés Canal +.



En outre, Mme [D] n'avait pas le pouvoir d'engager l'association et comme l'a à bon droit relevé le juge de la mise en état, l'impression des pages des sites Viadeo et Linkedin est insuffisante pour justifier la croyance des sociétés appelantes aux pouvoirs de Mme [D] pour engager l'association intimée.



Est insuffisante, en effet, à rapporter la justification requise, le fait que Mme [D] se trouve être une ancienne élève avocate au sein du cabinet Linklaters à [Localité 3], et qu'elle ait représenté L'UFC auprès du bureau européen des unions de consommateurs à [Localité 6] et [Localité 5] et ait été à l'origine de plusieurs mises en demeure adressées à d'autres sociétés dans des affaires médiatiques, dès lors que les sociétés appelantes n'ignoraient point que Mme [D], simple juriste salariée au sein de l'UFC- Que Chosir, n'exerce pas les fonctions de représentant légal de l'association ni de délégué général de cette association, ni même de responsable du service juridique, que les captures d'écran des sites Le figaro.fr et Challenge.fr, sont dénuées de valeur probante pour avoir été réalisées plus de quatre ans après l'envoi du courrier électronique litigieux, et qu'il incombait aux dirigeants, et plus particulièrement, au responsable juridique du groupe Canal +, qui avaient participé à la réunion préalable du 5 février 2018, démontrant ainsi l'importance du sujet, que cette juriste salariée avait obtenu pouvoir de sa hiérarchie avant que d'écrire le courriel du 16 février 2018.



Enfin, c'est en vain que les appelantes font valoir, à hauteur de cour, que l'action de groupe introduite par l'association intimée après avoir acquiescé, par le truchement de Mme [D], à la communication qui lui a été soumise le 15 janvier 2018, caractérise la mauvaise foi de l'association intimée, et constitue une violation du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.



En effet, pour être sanctionné par une fin de non-recevoir, le principe d'estoppel nécessite un changement de position du plaideur au cours d'une même instance (Cass. 2ème civ. 15 mars 2018, n°17-21.991), et, en l'espèce, l'acquiescement par Mme [D] à la communication de la société Canal + ne peut être prise en compte pour considérer que l'association se contredirait au détriment de son adversaire en ayant introduit ultérieurement une action de groupe ultérieure, dès lors que, comme il a été explicité ci-avant, l'association n'a jamais admis que l'envoi d'une communication aux abonnés de Canal + était de nature à épuiser le droit à réparation de ces derniers.



Aucune irrecevabilité n'est, par suite, encourue de ce chef.



Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance entreprise mérite confirmation en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de l'association UFC- Que Choisir, motif pris de ce qu'elle justifiait d'un intérêt à agir.



II) Sur les demandes accessoires



Les appelantes, qui succombent, seront condamnées aux dépens d'appel.







PAR CES MOTIFS



La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe



Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;



Déboute la société d'Edition de Canal + et la société Groupe Canal + SA de la totalité de leurs demandes ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société d'Edition de Canal + et la société Groupe Canal + SA à verser chacune à l'association UFC- Que Choisir une indemnité de 3 500 euros ;



Condamne in solidum la société d'Edition de Canal + et la société Groupe Canal + SA aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Me Julien Semeria, avocat en ayant fait la demande.







- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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