14 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.146

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00818

Titres et sommaires

SOCIETE CIVILE - Responsabilité - Mise en oeuvre - Faute séparable - Prescription - Durée - Prescription quinquennale

L'action en responsabilité intentée à l'encontre d'un dirigeant d'une société civile à raison d'une faute séparable de ses fonctions est soumise, en l'absence de disposition dérogatoire, au délai de prescription quinquennale prévu à l'article 2224 du code civil

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2224 du code civil - Domaine d'application - Responsabilité d'un dirigeant d'une société civile - Faute séparable de ses fonctions

Texte de la décision

COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 novembre 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 818 F-B

Pourvoi n° V 21-19.146




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2023

M. [R] [N], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° V 21-19.146 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [R] [G], domicilié [Adresse 1],

2°/ à M. [K] [H], domicilié [Adresse 2],

3°/ à la société MJS Partners, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [U] [M], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Artois matériel,

défendeurs à la cassation.

M. [H] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [N], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [G] et [H], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société MJS Partners, ès qualités, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 avril 2021), après avoir sollicité de M. [H], notaire, l'évaluation d'un immeuble lui appartenant, la société civile immobilière du [Adresse 5] (la SCI), représentée par son gérant, M. [N], a, par acte du 29 novembre 2004 dressé par M. [G], notaire, vendu ce bien à la société par actions simplifiée Artois matériel, également représentée par M. [N], son dirigeant.

2. Contestant l'évaluation faite par M. [H] et invoquant des manœuvres dolosives commises par M. [N] lors de la vente de l'immeuble, la société Bernard et [U] [M], liquidateur judiciaire de la société Artois matériel, a assigné MM. [N] et [H] en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal et sur les premier et second moyens du pourvoi incident


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, de le condamner, in solidum avec M. [H], à payer à M [M], de la société Bernard et [U] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Artois matériel, la somme de 719 000 euros au titre de la réparation du préjudice lié à la surévaluation de l'ensemble immobilier et de dire que la contribution à la dette incombe à M. [N] à hauteur de 75 % et à M. [H] à hauteur de 25 %, alors « que l'action exercée contre le gérant d'une SARL auquel est reproché d'avoir commis une faute séparable de ses fonctions ou un dol est soumise à la prescription triennale de l'article L. 223-23 du code de commerce ; que la cour d'appel a constaté que M. [N] était à la fois dirigeant de la société venderesse et de la société acheteuse et qu'il avait à ce titre accompli des manœuvres dolosives ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en responsabilité exercée à l'encontre de M. [N], que l'action était fondée sur la responsabilité délictuelle de l'article 1382 ancien du code civil et était soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2224 du code civil et, par refus d'application, l'article L. 223-23 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article 1850 du code civil que la responsabilité personnelle d'un dirigeant de société civile ne peut être retenue à l'égard d'un tiers que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions.

6. Après avoir relevé que les consentements réciproques des deux sociétés contractantes, toutes deux représentées par M. [N], leur dirigeant, ne pouvaient s'exprimer que par l'intermédiaire de ce dernier, l'arrêt retient qu'en prenant la décision de vendre un immeuble à la société Artois matériel à un prix dont il savait qu'il excédait très largement celui du marché, M. [N] a commis une faute dolosive engageant sa responsabilité civile envers cette société.

7. Ayant fait ainsi ressortir que M. [N] avait commis une faute séparable de ses fonctions de gérant de la SCI, venderesse, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'action en responsabilité délictuelle exercée à son encontre par le liquidateur judiciaire de la société Artois matériel était soumise, en l'absence de disposition dérogatoire, au délai de prescription quinquennale de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne MM. [N] et [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par MM. [N] et [H], condamne chacun d'eux à payer à la société MJS Partners, prise en la personne de M. [U] [M], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Artois matériel, la somme de 2 000 euros et condamne M. [N] à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois.

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