9 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.900

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300727

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 novembre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 727 F-D

Pourvoi n° P 22-13.900




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2023

1°/ M. [R] [L],

2°/ Mme [Z] [S], épouse [L],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° P 22-13.900 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société A2C Alpes constructions contemporaines, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. et Mme [L], après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 janvier 2022), par acte du 29 mars 2017, la société Alpes constructions contemporaines (la société A2C) a consenti une promesse de vente à M. et Mme [L], portant sur un bien immobilier, sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt d'un montant de 241 000 euros remboursable en deux ans maximum au taux nominal de 2 % l'an, une somme de 5 000 euros étant consignée par les acquéreurs à titre de dépôt de garantie.

2. L'acte comportait une clause au terme de laquelle, au cas où toutes les conditions étant remplies, l'une des parties ne régulariserait pas l'acte authentique, elle devrait verser à l'autre une somme de 22 500 euros à titre de dommages-intérêts.

3. La réitération de la vente n'ayant pas eu lieu, la société A2C, soutenant que la non réalisation de la vente leur était imputable, a assigné M. et Mme [L] en paiement de cette somme.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [L] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société A2C la somme de 5 000 euros à titre de clause pénale et de dire que la somme de 5 000 euros séquestrée entre les mains du notaire sera reversée à la société A2C, alors « que l'arrêt attaqué a relevé que les demandes de financement faites auprès du Crédit mutuel et de la Caisse d'épargne n'étaient pas conformes à l'acte de vente, que le Crédit mutuel avait opposé un refus et la Caisse d'épargne n'avait donné qu'un accord de principe, et que la situation patrimoniale des époux [L] ne leur permettait pas d'obtenir le financement érigé en condition par l'acte de vente ; qu'il en résultait que cette condition avait défailli sans que ce fût imputable aux époux [L], tandis que ne pouvait pas davantage leur être reprochée la stipulation de ladite condition dans l'acte de vente, fruit de la commune intention des parties ; qu'en décidant qu'ils s'étaient engagés sous la condition en question avec une légèreté blâmable et qu'ils avaient obtenu le principe d'un accord de financement, de sorte que la non-réitération de la vente leur était imputable à tort et que l'application de la clause pénale était justifiée, la cour d'appel a violé les articles 1304-3 et 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1304-3 du code civil :

5. Selon ce texte, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

6. Pour condamner M. et Mme [L] au paiment de la somme de 5 000 euros, l'arrêt retient, d'abord, qu'aucune faute ne pouvait être reprochée aux emprunteurs pour avoir sollicité un prêt non conforme aux stipulations du contrat, dès lors que la banque leur aurait de toutes façons refusé le prêt en raison de l'insuffisance de leurs capacités financières.

7. Puis, après avoir relevé que M. et Mme [L] étaient propriétaires d'un bien immobilier acquis en décembre 2010 pour une valeur de 125 325 euros financé au moyen d'un prêt en cours, dont le capital restant dû s'élevait à la somme de 21 342,73 euros, et que leurs ressources mensuelles, d'un montant de 3 063 euros ainsi que la valeur de leur bien immobilier même s'il était vendu, ne leur permettaient en aucun cas de rembourser la somme de 241 000 euros à l'issue d'un délai de deux ans, il retient que les acquéreurs, d'une part, ont agi avec une légèreté blâmable en s'engageant à l'égard de la société A2C, d'autre part, ont obtenu le principe d'un accord de financement, de sorte que la non réitération de la vente leur était imputable et justifiait l'application de la clause pénale.

8. En statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations relatives à l'absence de faute des acquéreurs dans la défaillance de la condition suspensive, et alors qu'un accord de principe ne constitue pas une offre ferme et sans réserve caractérisant l'obtention d'un prêt, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne la société Alpes constructions contemporaines aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Alpes constructions contemporaines à payer à M. et Mme [L] la somme globale de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-trois.

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