8 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.369

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02007

Texte de la décision

SOC.

HP



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 novembre 2023




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 2007 F-D

Pourvoi n° N 22-11.369



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023

L'association OGEC Apraxine, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-11.369 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à Mme [C] [W], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association OGEC Apraxine, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 décembre 2021), Mme [W] a été engagée en qualité d'animatrice, à compter du 1er février 2006, par l'association OGEC Apraxine (l'association). Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle occupait le poste d'animatrice aux nouvelles technologies à temps complet.

2. Par lettre du 23 janvier 2017, l'association lui a notifié qu'en application de l'article L. 1226-2 du code du travail elle disposait d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette correspondance pour faire connaître son acceptation ou son refus d'une proposition de réduction de son temps de travail hebdomadaire à 20 heures.

3. L'association ayant considéré que la modification de son temps de travail était valablement intervenue dès lors qu'elle n'avait pas fait connaître son refus dans le délai d'un mois, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et de demandes en paiement de sommes subséquentes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'association fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée et de la condamner à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité pour perte de salaire, alors :

« 1°/ que l'employeur qui propose au salarié une modification de son contrat de travail dans le cadre de l'article L. 1222-6 du code du travail n'est pas tenu d'énoncer, dans la lettre de proposition, l'un des motifs de l'article L. 1233-3 du code du travail ; qu'en énonçant à l'appui de sa décision, après avoir rappelé les termes des courriers adressés par l'association OGEC Apraxine à la salariée, que l'association ne pouvait valablement invoquer les dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail sans préciser les difficultés économiques susceptibles de justifier à son sens la modification envisagée, la cour d'appel a violé le texte susvisé dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;

2°/ qu'il résulte de l'article L. 1222-6 du code du travail que la procédure qu'il prévoit est applicable lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs énoncés à l'article L. 1233-3 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par courriers recommandés des 17 et 23 janvier 2017, l'association OGEC Apraxine avait fait savoir à sa salariée qu'elle envisageait de modifier son contrat de travail en réduisant son temps de travail à 20 heures hebdomadaires avec une réduction de sa rémunération en indiquant que l'activité de l'établissement ne permettait pas de l'employer à temps complet et la conduisait à mettre en place une nouvelle organisation, qu'elle l'avait informée qu'en application de l'article L. 1222-6 du code du travail, elle disposait d'un délai d'un mois à compter de la réception de la proposition pour faire connaître son acceptation ou son refus et avait précisé qu'en l'absence de réponse pendant ce délai, elle serait réputée avoir accepté la proposition ; qu'il ressort donc de l'arrêt que l'employeur envisageait la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs énoncés à l'article L. 1233-3 du code du travail ; qu'en jugeant cependant que l'association OGEC Apraxine ne pouvait valablement invoquer les dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1222-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;

3°/ que l'employeur qui propose au salarié une modification de son contrat de travail dans le cadre de l'article L. 1222-6 du code du travail n'est pas tenu d'énoncer, dans la lettre de proposition, les conséquences d'un éventuel refus de la modification ; qu'en énonçant que l'association OGEC Apraxine ne pouvait valablement invoquer les dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail sans préciser l'incidence sur l'emploi de la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;

4°/ que lorsque le salarié auquel une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique a été faite dans le cadre de l'article L. 1222-6 du code du travail, a gardé le silence durant un mois, il est réputé avoir accepté la proposition de modification ; que l'employeur n'est en pareil cas pas tenu de justifier de la réalité du motif économique à l'origine de la modification ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que par courriers des 17 et 23 janvier 2017, l'association OGEC Apraxine avait fait savoir à sa salariée qu'elle envisageait de modifier son contrat de travail en réduisant son temps de travail à 20 heures hebdomadaires avec une réduction de sa rémunération en raison de l'activité de l'établissement qui ne permettait pas de l'employer à temps complet et la conduisait à mettre en place une nouvelle organisation, qu'elle l'avait informée qu'en application de l'article L. 1222-6 du code du travail, elle disposait d'un délai d'un mois à compter de la réception de la proposition pour faire connaître son acceptation ou son refus et avait précisé qu'en l'absence de réponse pendant ce délai, elle serait réputée avoir accepté la proposition ; qu'il était constant que la salariée avait gardé le silence dans le mois suivant le courrier du 23 janvier 2017, n'ayant manifesté son refus de la proposition que par lettre datée du 25 février 2017 postée le 2 mars suivant ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que l'employeur n'établissait pas la réalité de la cause économique justifiant la proposition formulée en janvier 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 1222-6 du code du travail, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 du même code, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. À défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification.

6. Il en résulte que la procédure qu'il prévoit n'est applicable que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs énoncés à l'article L. 1233-3 du code du travail, de sorte que l'employeur, qui n'a pas mentionné dans la lettre de proposition de modification du contrat de travail le motif économique pour lequel cette modification est envisagée ne peut se prévaloir, en l'absence de réponse du salarié dans le mois, d'une acceptation de la modification du contrat de travail.

7. La cour d'appel a constaté que l'association avait proposé à la salariée une modification de son contrat de travail consistant en une réduction de son temps de travail avec une réduction de sa rémunération, en raison de l'activité de l'établissement qui ne permettait pas de l'employer à temps complet et la conduisait à mettre en place une nouvelle organisation et qu'il n'était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.

8. Elle en a exactement déduit que l'association ne pouvait valablement invoquer l'application de l'article L. 1222-6 du code du travail en sorte que la réduction du temps de travail ne pouvait être imposée à la salariée.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association OGEC Apraxine aux dépens;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association OGEC Apraxine et la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.

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