3 novembre 2023
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 23/00627

Rétentions

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 23/00627 - N° Portalis DBVK-V-B7H-QAD4



O R D O N N A N C E N° 2023 - 635

du 03 Novembre 2023

SUR SECONDE PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur X se disant [W] [D]

né le 05 Mai 1994 à [Localité 3] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne



retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,



Comparant et assisté de Maître Dioma NDOYE, avocat commis d'office



Appelant,



et en présence de [I] [V], interprète assermenté en langue arabe,



D'AUTRE PART :



1°) MONSIEUR LE PREFET DU VAR

[Adresse 2]

[Localité 1]



Non représenté



2°) MINISTERE PUBLIC :



Non représenté





Nous, Sylvie BOGE conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Alexandra LLINARES, greffière,










EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



Vu l'arrêté 2 octobtre 2023 de MONSIEUR LE PREFET DU VAR portant obligation de quitter le territoire national sans délai pris à l'encontre de Monsieur X se disant [W] [D],



Vu la décision de placement en rétention administrative du 2 octobre 2023 de Monsieur X se disant [W] [D], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,



Vu l'ordonnance du 4 octobre 2023 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours, confirmée en appel le 6 octobre 2023,



Vu la saisine de MONSIEUR LE PREFET DU VAR en date du 30 octobre 2023 pour obtenir une seconde prolongation de la rétention de cet étranger,



Vu l'ordonnance du 31 octobre 2023 à 15 h 34 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,



Vu la déclaration d'appel faite le 02 Novembre 2023 par Monsieur X se disant [W] [D] , du centre de rétention administrative de [Localité 4], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 14h43,



Vu les télécopies et courriels adressés le 02 Novembre 2023 à MONSIEUR LE PREFET DU VAR, à l'intéressé et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 03 Novembre 2023 à 10 H 00,



Vu l'appel téléphonique du 02 Novembre 2023 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 03 Novembre 2023 à 10 H 00.









L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.



L'audience publique initialement fixée à 10 H 00 a commencé à 10 h 12.





PRETENTIONS DES PARTIES



L'avocat, Me Dioma NDOYE développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

- défaut de diligences de l'administration. M. [W] a été placé en rétention le 02/10 mais ses empreintes n'ont été envoyées au consulat tunisien pour identification que 15 jours après. Il s'agit d'un délai tardif et la procédure est irrégulière.

Pour le reste s'en remet à la déclaration admininistrative.



Assisté de [I] [V], interprète, Monsieur X se disant [W] [D] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'je souhaiterais bénéficier de 2-3 jours pour quitter la France et rejoindre ma copine qui m'attend en Italie'



Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 4] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.






SUR QUOI



Sur la recevabilité de l'appel :



Le 02 Novembre 2023, à 14h43, Monsieur X se disant [W] [D] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de PERPIGNAN du 31 Octobre 2023 notifiée à 15h 34, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.







Sur l'appel :



Sur les diligences et la violation de l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008



L'article L741-3 du CESEDA dispose : 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'



L'article 3 de l'annexe II de l'accord cadre franco-tunisien du 28 avril 2008 prévoit que la nationalité de la personne est notamment considérée comme « présumée » sur la base des déclarations de l'intéressé dûment recueillies par les autorités administratives ou judiciaires de la Partie requérante. Celle-ci transmet alors à l'autorité consulaire de la Partie requise l'original exploitable du relevé des empreintes décadactylaires ainsi que trois photographies d'identité de la personne concernée. « L'autorité consulaire de la Partie requise dispose d'un délai de cinq jours à compter de la réception de l'un des documents mentionnés ci-dessus pour examiner ce document et délivrer le laissez-passer consulaire si la nationalité de l'intéressé est établie ».



L'article 4 de cette annexe ajoute que, s'il subsiste des doutes sérieux quant à la nationalité de l'intéressé, il est procédé à son audition, « dans un délai de 72 heures à compter de la réception par l'autorité consulaire de la Partie requise, des éléments mentionnés ci-dessus». A l'issue de cette audition, si la nationalité de la personne concernée est établie, le laissez-passer consulaire est délivré dans un délai de quarante-huit heures.



En l'espèce, le placement en centre de rétention administrative de l'intéressé date du 2 octobre 2023.



Le consulat de TUNISIE a été sollicité le 2 octobre 2023 par courriel en vue de la délivrance d'un laissez-passer consulaire. Le courriel du 9 octobre 2023 mentionne qu'il a été convenu que l'intéressé serait présenté aux autorités consulaires le 18 octobre 2023 par visio-conférence. En l'absence de réponse suite à cette présention, une relance a été effectuée le 30 octobre 2023 auprès du consulat tunisien.



Les autorités françaises sont dans l'attente de la réponse des autorités tunisiennes.



Le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires pour effectuer une relance après une saisine du consulat, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse, et il n'y a pas lieu de vérifier les diligences éventuelles postérieures à la saisine du consulat ( 1er Civ, 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165).



Au regard du principe de la souveraineté des Etats, la responsabilité de l'autorité administrative française, qui a fait preuve de diligence, n'est pas engagée par le non-respect de l'accord cadre Franco-tunisien du 28 avril 2008, par les autorités consulaires tunisiennes.



Dès lors, l'adminstration préfectorale justifie des diligences suffisantes pour établir l'information de l'autorité consulaire et engager les mesures d'éloignement.



Le moyen de nullité sera donc rejeté.



SUR LE FOND



Selon l'article L742-4 du CESEDA': «'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'»



En l'espèce, la décision d'éloignement n'a pu être exécutée faute de délivrance du laissez-passer consulaire par les autorités consulaires tunisiennes. Il existe en outre d'une perspective d'éloignement dans la mesure où la procédure d'identification est en cours.



Monsieur X se disant [W] [D] ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure qui est considéré comme établi au visa des articles L 612-2, X et L 612-3, X du ceseda, étant sans documentité d'identité valide ni résidence effective et stable sur le territoire national.



Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.





PAR CES MOTIFS :



Statuant publiquement,



Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,



Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



Déclarons l'appel recevable,



Rejetons les moyens soulevés,



Confirmons la décision déférée,



Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,



Fait à Montpellier, au palais de justice, le 03 Novembre 2023 à 11 h 00.





Le greffier, Le magistrat délégué,

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