27 octobre 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/18614

Pôle 5 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2023



(n°145, 5 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 21/18614 - n° Portalis 35L7-V-B7F-CERT5



Saisine de la Cour d'appel de PARIS sur assignation délivrée le 18 octobre 2021







APPELANT





M. [K] [D]

Né le 14 avril 1961 à [Localité 6]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 3]



Représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque L 0010

Assisté de Me Laurent BIDAULT, avocat au barreau de PARIS, toque C 1024







INTIME





MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (INPI)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représenté par M. [S] [U], responsable du service contentieux







EN PRESENCE DE





MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D'APPEL DE PARIS

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Mme Monica D'ONOFRIO, Avocate Générale











COMPOSITION DE LA COUR :





L'affaire a été débattue le 29 juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :



Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère



qui en ont délibéré





Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT





Le Ministère public, représenté lors des débats par Mme Monica D'ONOFRIO, Avocate Générale, a été entendu en ses observations.







ARRET :



Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.










Vu l'assignation devant la cour d'appel de Paris délivrée le 18 octobre 2021 à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), établissement public pris en la personne de son directeur général, à la demande de M. [K] [D] aux fins de voir condamner l'INPI à payer':

* la somme de 2 000 000 d'euros en réparation du préjudice financier que M. [D] a subi du fait de la publication de sa demande de brevet au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle (BOPI),

* la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* les dépens,



Vu les dernières conclusions de M. [D] remises au greffe par RPVA le 22 juin 2022 et notifiées à l'INPI,



Vu l''audience du 29 juin 2023 au cours de laquelle il a été indiqué à l'avocat de M. [D] et au représentant de l'INPI, en présence du ministère public, que la cour envisageait de solliciter l'avis de la Cour de cassation sur la recevabilité du mémoire et des pièces adressées directement par le directeur général de l'INPI par courrier reçu au greffe le 29 avril 2022,













Vu les avis adressés à M. [D], à l'INPI et au parquet général de la cour d'appel, le 15 septembre 2023, indiquant que,'conformément aux dispositions de l'article 1031-1, alinéa 1 du code de procédure civile, la juridiction envisageait de solliciter l'avis de la Cour de cassation, en application des articles L. 441-1 et L. 441-3 du code de l'organisation judiciaire, sur les questions de droit suivantes :



- Lors d'une procédure visant à mettre en cause la responsabilité de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) et obtenir sa condamnation à paiement de dommages et intérêts dont est saisie par assignation la cour d'appel en vertu du bloc homogène de compétence judiciaire pour l'ensemble des contestations liées aux décisions du directeur général de l'INPI prévues par l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, l'INPI est-il tenu de constituer un avocat pour le représenter ou peut-il se défendre seul par l'envoi d'un mémoire et par des observations orales à l'audience''



- Existe-il des délais impératifs de procédure, notamment pour présenter une défense à l'assignation ainsi délivrée et pour répliquer à une éventuelle demande reconventionnelle, et quelles sont les sanctions applicables au non-respect de ces éventuels délais''



et demandant à chacune d'entre elles de formuler ses observations écrites éventuelles avant le 12 octobre 2023,



Vu les observations du parquet général en date du 9 octobre 2023,



Vu les observations du directeur général de l'INPI reçues au greffe le 12 octobre 2023,



Vu les observations de M. [D] remis au greffe par RPVA le 12 octobre 2023.






SUR CE, LA COUR :



Il sera seulement rappelé que M. [D] a déposé le 13 septembre 2018 une demande de brevet ayant pour titre «'Multiplicateur de force à manivelle et roue à masse'».



Le 17 décembre 2018, l'INPI l'a informé que sa demande était susceptible d'être rejetée en application des dispositions de l'article L. 612-12, 6° du code de la propriété intellectuelle.

Le 8 février 2019, M. [D] répondait par courrier qu'il réfutait les objections avancées par l'INPI et qu'il maintenait ses revendications.



Le 29 janvier 2020, l'INPI lui notifiait un projet de décision de rejet, en précisant que la demande de brevet serait définitivement rejetée sauf s'il produisait dans les deux mois des éléments de nature à infléchir cette position.



Le 7 mars 2020 l'INPI informait le requérant qu'il procédait à la publication de sa demande de brevet au BOPI du 20 mars 2020 en application de l'article R. 612-39 du code de la propriété intellectuelle.



Le 17 mars 2021, M. [D] demandait à l'INPI de retirer cette publication qui lui causerait préjudice.



Le 8 avril 2021, l'INPI refusait de faire droit à cette demande expliquant que la publication était une obligation légale.



Le 1er juin 2021, M. [D] adressait à l'INPI un recours afin d'obtenir réparation d'un préjudice allégué du fait de la publication de sa demande de brevet au BOPI auquel l'INPI n'apportait pas de réponse.



M. [D], par un acte délivré le 18 octobre 2021, faisait alors assigner l'INPI devant la cour d'appel de Paris en indemnisation de son préjudice subi du fait de la publication estimée fautive de sa demande de brevet.



L'INPI n'a pas constitué avocat et a adressé un mémoire et ses pièces reçus le 29 avril 2022 au greffe de la cour faisant valoir que la procédure relative à la demande de brevet en cause devant l'INPI ne souffre pas la critique et que la publication de la demande de brevet de M. [D] ne lui a causé aucun préjudice arguant en outre que n'étant pas partie à la procédure, il ne pouvait être condamné au versement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La compétence de la cour d'appel de Paris pour connaître d'une action en responsabilité engagée à l'encontre de l'INPI relativement à des fautes qu'il aurait pu commettre à l'occasion de l'exercice de ses attributions n'est pas discutée.



La cour rappelle que par un arrêt du 13 mai 1997 la Cour de cassation a retenu la compétence de la cour d'appel pour statuer sur les conséquences dommageables des fautes commises par le directeur de l'INPI à l'occasion de l'exercice des compétences prévues à l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle.



Puis par un arrêt du 5 juin 2000 le tribunal des conflits, saisi par la Cour administrative d'appel de Paris a considéré que «'la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, édictée par les articles L. 411-4 et L. 712-14 du code de la propriété intellectuelle pour statuer sur les recours contre les décisions du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) à l'occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle en matière de marque s'étend aux actions relatives aux conséquences dommageables des fautes qu'il aurait pu commettre à l'occasion de l'exercice de ces attributions'», consacrant ainsi un bloc de compétence au profit des juridictions de l'ordre judiciaire.



La compétence de la cour d'appel pour connaître des actions en responsabilité contre l'INPI, au regard du bloc homogène de compétence judiciaire pour l'ensemble des contestations liées aux décisions prévues par l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, a été régulièrement rappelée par les cours d'appel saisies et par la Cour de cassation qui a en outre jugé, par un arrêt du 13 novembre 2016, que la compétence de la cour d'appel s'exerçait en premier et dernier ressort.



Lors des précédentes procédures, la question de l'obligation de l'INPI de constituer avocat pour défendre n'a pas été posée, étant précisé qu'il apparaît que l'INPI avait alors fait le choix de constituer avocat, ce qui n'est pas le cas dans le cadre de la présente instance.



L'article 761 du code de procédure civile énonce que'les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi et le règlement et dans des cas énoncés expressément qui ne concernent pas la présente procédure.



Une procédure spécifique a été mise en place pour les recours contre les décisions du directeur général de l'INPI concernant la délivrance, le rejet ou le maintien des titres de propriété industrielle décrite aux articles R.411-19 et suivants du code de la propriété intellectuelle qui ont été modifiés par le décret n° 2019-1326 du 9 décembre 2019 en vigueur depuis le 1er avril 2020.



Désormais les parties sont tenues de constituer avocat (nouvel article R. 411-22 du code de la propriété intellectuelle) et doivent respecter des délais identiques à ceux prévus par le code de procédure civile applicables aux procédures devant la cour d'appel avec représentation obligatoire.







L'INPI se prévalant de l'article R. 411-23 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que l'Institut n'est pas partie à l'instance ouverte sur un recours formé à l'encontre de ses décisions considère qu'il n'est pas partie à l'instance et n'est pas tenu par les délais prescrits.



La cour s'interroge sur l'application de cet article R. 411-23'à la présente espèce s'agissant d'une action en responsabilité exercée à l'encontre de l'INPI et non d'un recours contre une de ses décisions.



Les questions de la représentation obligatoire par avocat de l'INPI et de son obligation, sous peine de caducité ou d'irrecevabilité, de respecter des délais impératifs de procédure, notamment pour présenter une défense à l'assignation, sont des questions nouvelles de droit procédural et présentent une difficulté sérieuse.



Ces questions procédurales ne sont pas résolues et se posent ou vont se poser dans de nombreux litiges d'autant que les missions de l'INPI ont été élargies par l'article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue des ordonnances n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 et n° 2020-116 du 12 février 2020.



Dès lors, il y a lieu, par application des articles L. 441-1 et L. 441-3 du code de l'organisation judiciaire, de solliciter l'avis de la Cour de cassation dans les termes du dispositif ci-après.



Il sera, conformément à l'article 1031-1 du code de procédure civile, sursis à statuer sur l'ensemble des demandes jusqu'à la réception de l'avis, ou à défaut, jusqu'à l'expiration du délai prévu à l'article 1031-3 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





Statuant publiquement, par décision non susceptible de recours,



La cour sollicite l'avis de la Cour de cassation sur les questions de droit suivantes':



- Lors d'une procédure visant à mettre en cause la responsabilité de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) et obtenir sa condamnation à paiement de dommages et intérêts dont est saisie par assignation la cour d'appel en vertu du bloc homogène de compétence judiciaire pour l'ensemble des contestations liées aux décisions du directeur général de l'INPI prévues par l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, l'INPI est-il tenu de constituer un avocat pour le représenter ou peut-il se défendre seul par l'envoi d'un mémoire et par des observations orales à l'audience''



- Existe-il des délais impératifs de procédure, notamment pour présenter une défense à l'assignation ainsi délivrée et pour répliquer à une éventuelle demande reconventionnelle, et quelles sont les sanctions applicables au non-respect de ces éventuels délais''



Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes jusqu'à la réception de l'avis, ou à défaut, jusqu'à l'expiration du délai prévu à l'article 1031-3 du code de procédure civile.





La Greffière La Présidente

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.