25 octobre 2023
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 23/00227

C.E.S.E.D.A.

Texte de la décision

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 23/00227 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NPGM





ORDONNANCE









Le VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS à 18 H 00



Nous, Sylvie HERAS DE PEDRO, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur [U] [T], représentant du Préfet de La Charente,



En présence de Monsieur [S] [L], né le 31 Mai 1990 à [Localité 4] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, et de son conseil Maître Magali COSTE,



Vu la procédure suivie contre Monsieur [S] [L], né le 31 Mai 1990 à [Localité 4] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 31 octobre 2022 visant l'intéressé,



Vu l'ordonnance rendue le 23 octobre 2023 à 17h25 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [S] [L], pour une durée de 28 jours à l'issue du dlai de 48 heures de la rétention,



Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [S] [L], né le 31 Mai 1990 à [Localité 4] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, le 24 octobre 2023 à 14h53,



Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,



Vu la plaidoirie de Maître Magali COSTE, conseil de Monsieur [S] [L], ainsi que les observations de Monsieur [U] [T], représentant de la préfecture de La Charente et les explications de Monsieur [S] [L] qui a eu la parole en dernier,



A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 25 octobre 2023 à 18h00,























Avons rendu l'ordonnance suivante :




EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



X se disant M. [S] [L], né le 31 mai 1990, à [Localité 4], en Tunisie, de nationalité tunisienne, a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris par la préfet de la Gironde le 31 octobre 2022 avec interdiction de retour pendant 2 ans.



Il a été interpellé le 19 octobre 2023 à [Localité 1] pour des faits de conduite sans permis et placé en garde à vue.



Il a fait l'objet d'un placement en rétention administrative le 20 octobre 2023, à la levée de sa garde à vue, décision prise par le préfet de la Charente.



Saisi d'une requête en prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours et d'une contestation de son placement en rétention administrative par M. [S] [L], le juge des libertés et de la détention de [Localité 2] par ordonnance du 23 octobre 2023 a rejeté la contestation de son placement par l'intéressé et autorisé la prolongation pour 28 jours de la rétention administrative de l'intéressé.



M. [S] [L] a relevé appel de cette décision.



Par courriel motivé adressé au greffe de la cour le 24 octobre 2023 à 14h53, dans le délai d'appel, son conseil conclut à la réformation de la décision entreprise et demande :

- qu'il lui soit accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,

- l'infirmation de l'ordonnance du juge des libertés de la détention ;

- l'annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative,

- en conséquence rejeter la requête de la préfecture tendant à la prolongation de la rétention administrative de M. [S] [L] ;

- ordonner la remise en liberté immédiate de M. [S] [L] ;

- la condamnation du préfet à verser au conseil de M. [S] [L] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de celui de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Au soutien de sa déclaration d'appel tendant à la réformation de la décision entreprise, son conseil fait valoir :

- l'illégalité de l'arrêté de placement en rétention administrative pour erreur de fait et défaut d'examen sérieux de la situation de M. [S] [L] en ce qu'il ne s'est pas maintenu en situation irrégulière en France puisqu'il est reparti en Italie et que, s'il a fait des allers et retours entre la France et l'Italie, c'est parce qu'il n'avait pas compris qu'il avait une interdiction de retour,

- qu'il peut repartir en Italie par ses propres moyens, pays dans lequel il a demandé un renouvellement de son titre de séjour,

- qu'il peut, dans l'attente de son départ pour l'Italie, être assigné à résidence chez la personne qui l'héberge habituellement à [Localité 3].



Le conseil de M. [L] a produit ce jour, à 11h54, un mémoire complémentaire avec des pièces supplémentaires.



Le représentant du préfet de la Charente sollicite le rejet du mémoire et des pièces complémentaires, conclut à la confirmation de l'ordonnance et réplique que :

















- le placement en rétention administrative de M. [L] est proportionné à sa situation : dépourvu de document de voyage ou d'identité valide, de garanties de représentation en France, sans liens personnels ou familiaux en France ou d'intégration particulière dans notre pays,

- les diligences suffisantes pour assurer sa reconduite ont été accomplies.



L'affaire a été mise en délibéré et le conseiller délégué de la première présidente a indiqué que la décision sera rendue par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2023 à 18 heures.




MOTIFS DE LA DECISION



- Sur la recevabilité de l'appel



L'appel formé par M. [S] [L] le 24 octobre à 14h53 est recevable comme étant intervenu dans le délai de 24 heures prolongé au premier jour ouvrable suivant, la notification ayant été faite le 23 octobre 2023 à 17h25.



Les moyens énoncés dans l'acte d'appel peuvent être complétés par de nouveaux moyens développés dans le délai d'appel de 24 h (1re Civ., 20 mars 2013, pourvoi n°12-17.093, Bull. 2013, I, n°48, 1re Civ., 13 avril 2016, pourvoi n°15-17.647, Bull. 2016, I, n°85).

Il ressort a contrario de cette jurisprudence qu'aucun moyen ni pièce complémentaire n'est recevable émanant des parties si elle a été communiquée postérieurement à l'expiration du délai d'appel de 24 heures.

Si ces documents ont été communiqués contradictoirement à l'autorité administrative, cette dernière en sollicite le rejet de sorte qu'ils seront déclarés irrecevables.



- Sur le fond



- Sur la contestation du placement en rétention administrative :



Selon l'article L741-1 du Ceseda, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de 48 heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au 1er alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L612-3.



En application de l'article L730-1 du Ceseda, l'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement qui ne peut quitter immédiatement le territoire français.



Il est constant que M. [S] [L] a été interpellé sur le territoire français le 19 octobre 2023 en contravention avec l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 31 octobre 2022 et qu'il a indiqué lors de son audition du 20 octobre 2023 dans le cadre de sa garde à vue qu'il faisait des allers et retours entre la France et l'Italie.



C'est à tort qu'il argue qu'il avait respecté l'obligation de quitter le territoire français pour être reparti entre-temps en Italie, alors qu'il lui été également notifié le 31 octobre 2022 une interdiction de retour d'une durée de 2 ans.



M. [S] [L] a reconnu ne pas avoir de passeport ni aucun document d'identité valide mais seulement un titre de séjour italien périmé depuis plus d'un an, le 28 octobre 2022, dont copie figure au dossier.











Il produit des documents en langue italienne qui correspondraient, selon ses dires, à une demande de renouvellement de son titre de séjour italien. Il n'en demeure pas moins qu'à ce jour, il n'a aucun titre lui permettant de justifier d'une entrée régulière sur le territoire français et qu'au contraire, il a violé l'arrêté du 31 octobre 2022 précité lui faisant interdiction de retour en France pendant 2 ans, soit jusqu'au 31 octobre 2024.



C'est également, à tort, qu'il affirme que son placement en rétention administrative est disproportionné et qu'une assignation à résidence aurait été possible.



En effet, si un certain M. [K] se porte garant de son hébergement à [Localité 3] (16), M. [L] n'a aucunes ressources légales en France, qu'il a en effet a déclaré vivre de « petits boulots », n'avoir aucune famille en France mais, au contraire, que toute sa famille proche vivait en Tunisie.

De surcroît, il a reconnu conduire, de manière habituelle, la voiture de son ami sans être titulaire d'un permis de conduire, raison qui lui avait déjà valu une garde à vue en octobre 2022.



Enfin, il a déclaré : « je voudrais faire ma vie ici », exprimant ainsi nettement son refus de respecter l'interdiction du territoire français qui lui a pourtant été dûment été notifiée ce qui laisse craindre des risques de fuite.



Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que l'autorité administrative a justement apprécié la situation de M. [S] [L] et que le placement en rétention administrative était la seule mesure permettant d'assurer sa reconduite effective hors du territoire français.



L'ordonnance déférée qui a rejeté la contestation de son placement en rétention administrative par M. [L] sera confirmée.



- Sur les perspectives raisonnables d'éloignement et les diligences :



Selon l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.



Il est constant que la charge de la preuve des diligences accomplies incombe à l'autorité administrative.



Néanmoins, il est constant que le placement ou le maintien en rétention de l'étranger ne saurait sans méconnaître l'objet assigné par la loi être décidé lorsque les perspectives d'éloignement effectif sont inexistantes et il appartient au juge d'apprécier concrètement dans chaque dossier l'existence de telles perspectives.



En l'espèce, c'est également à tort que M. [S] [L] fait grief à l'autorité administrative de s'être contentée de solliciter un laissez-passer consulaire auprès des autorités tunisiennes et de n'avoir pas saisi les autorités italiennes, alors qu'aucun motif légitime de l'y contraignait, qu'en effet il sera rappelé que M. [S] [L] est à ce jour dépourvu de tout titre de séjour valide dans ce pays dont il n'a pas la nationalité.



L'ordonnance déférée qui a rejeté ce moyen sera confirmée.



Il conviendra, par ailleurs, d'accorder à M. [S] [L] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en raison de l'urgence, et en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, et de le débouter de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 -2° du code de procédure civile et fondé sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.









PAR CES MOTIFS,



Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en dernier ressort,



- ORDONNE le rejet du mémoire avec pièces annexées complémentaire en date du 25 octobre 2023 ;



- DECLARE l'appel régulier, recevable et bien fondé ;



- ACCORDE à M. [S] [L] le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;



- CONFIRME l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 2] en date du 23 octobre 2023 ;



- REJETTE la demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et fondé sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;



- DIT que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 



Le Greffier, La Conseillère déléguée,

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