25 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-22.993

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00691

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 octobre 2023




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 691 F-D

Pourvoi n° B 21-22.993











R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 OCTOBRE 2023

La société Bred banque populaire (Bred), société coopérative de banque populaire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-22.993 contre l'arrêt rendu le 15 juillet 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [F] [J], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Chaudronnerie ferronnerie plomberie, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Bred banque populaire (Bred), de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [J], ès qualités, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 15 juillet 2021), le 4 mai 2017, la société Chaudronnerie ferronnerie plomberie (la société CFP) a été mise en liquidation judiciaire, Mme [J] étant désignée liquidateur.

2. La société CFP était titulaire d'un compte bancaire dans les livres de la société Bred banque populaire (la banque). Celle-ci a restitué au liquidateur la somme de 2 869,39 euros correspondant, selon elle, au solde créditeur du compte.

3. Le 31 octobre 2019, soutenant que des débits intervenus sur le compte postérieurement au jugement d'ouverture étaient inopposables à la procédure collective, le liquidateur a assigné la banque devant le tribunal aux fins d'obtenir sa condamnation à lui restituer diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer à Mme [J], ès qualités, la somme de 6 634,84 euros au titre du solde du compte bancaire de la société CFP au 17 mai 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2017, et de la condamner à lui restituer la somme de 5 084,14 euros au titre d'un avis à tiers détenteur prélevé le 5 juin 2017 avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2017, alors « que l'avis à tiers détenteur emportant, à concurrence des sommes pour lesquelles il est pratiqué, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers, la banque à qui un avis à tiers détenteur a été notifié avant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire est tenue, à due concurrence, de verser les sommes à l'administration fiscale ; qu'en retenant au contraire que la Bred, à qui un avis à tiers détenteur avait été notifié le 22 mars 2017, ne pouvait valablement, le 5 juin 2017, prélever les sommes saisies sur le compte du débiteur à l'égard duquel une procédure de liquidation avait été ouverte le 4 mai 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 262 du Livre des procédures fiscales et L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble, par fausse application, l'article L. 641-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 641-9 du code de commerce, les articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2017/1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, et l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution :

5. Selon le premier texte, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, et les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. Selon les autres textes, l'avis à tiers détenteur emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles il est pratiqué, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers qui est alors rendu personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation, peu important que le paiement de la créance saisie intervienne postérieurement, la survenance d'un jugement portant ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne remettant pas en cause cette attribution.

6. Pour condamner la banque à restituer au liquidateur la somme de 6 634,84 euros, au titre du solde créditeur du compte au 17 mai 2017, et celle de 5 084,14 euros prélevée le 5 juin 2017 au titre de l'avis à tiers détenteur délivré par l'administration fiscale, l'arrêt retient d'abord que la banque avait l'obligation de restituer au liquidateur le solde du compte au jour du jugement d'ouverture, incluant les règlements reçus postérieurement. Il relève ensuite que ce n'est que le 5 juin 2017 que la banque a prélevé du compte la somme de 5 084,14 euros, objet de l'avis à tiers détenteur, en procédant à un virement sur le compte « opposition trésor public » débiteur de cette même somme pour obtenir un nouveau solde nul et en déduit que la banque ne pouvait déduire cette somme du solde créditeur de 9 504,23 euros à la date du 17 mai 2017.

7. En statuant ainsi, alors que, dès le 22 mars 2017, soit antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société CFP, la somme de 5 084,14 euros figurant au crédit du compte était sortie de son patrimoine pour entrer dans celui de l'administration fiscale, et que le liquidateur n'avait aucun droit d'en obtenir la restitution, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

8. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'un débiteur ne saurait être condamné deux fois à payer la même dette ; qu'en condamnant la Bred à restituer à Mme [J], ès qualités, non seulement la somme de 6 634,84 euros au titre du solde du compte bancaire de la SARL Chaudronnerie ferronnerie plomberie au 17 mai 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2017, mais également celle de 5 084,14 euros au titre de l'avis à tiers détenteur prélevé le 5 juin 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2017, tout en jugeant que la restitution de la somme de 6 634,84 euros était justifiée par l'impossibilité pour la Bred de déduire du solde arrêté au jour de l'ouverture de la procédure collective la somme de 5 084,14 euros prélevée en exécution de l'avis à tiers détenteur, la cour d'appel l'a condamnée à restituer deux fois la même somme, et a ainsi violé l'article 1342 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1302 du code civil :

9. Il résulte de ce texte que tout paiement suppose une dette.

10. Après avoir décidé que la banque ne pouvait déduire la somme de 5 084,14 euros, correspondant au montant de l'avis à tiers détenteur, du solde créditeur du compte à la date du 17 mai 2017, de sorte qu'elle devait restituer au liquidateur la somme de 6 634,84 euros à ce titre, l'arrêt retient qu'il n'appartenait pas davantage à la banque d'effectuer une opération de débit de la somme de 5 084,14 euros sur le compte de la société CFP à la date du 5 juin 2017, et en déduit que cette somme, irrégulièrement débitée du compte postérieurement au jugement d'ouverture, doit être rapportée à la procédure collective.

11. En statuant ainsi, alors que la somme de 5 084,14 euros avait déjà été incluse dans le montant de la condamnation à restituer le solde créditeur du compte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

Condamne Mme [J], en sa qualité de liquidateur de la société Chaudronnerie ferronnerie plomberie, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.