19 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-15.947

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300697

Texte de la décision

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 octobre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 697 F-D

Pourvoi n° P 22-15.947




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023

La société Dumez Ile-de-France, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° P 22-15.947 contre l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Distribution sanitaire chauffage (DSC), société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société Brossette,

3°/ à la société Chubb European Group, société européenne, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société Sferaco, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la société Costa, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Dumez Ile-de-France, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Sferaco, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat des sociétés Distribution sanitaire chauffage et Chubb European Group, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, et après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 février 2022), la commune de Montrouge a confié la réalisation des travaux de construction d'un immeuble à la société Dumez Ile-de-France (la société Dumez), qui a sous-traité le lot chauffage - ventilation - rafraîchissement - désenfumage à la société Costa (le sous-traitant), assurée auprès de la société Allianz IARD (la société Allianz).

2. Le sous-traitant a acheté des vannes à la société Brossette Bti, assurée auprès de la société Chubb European Group (la société Chubb), qui s'est approvisionnée auprès de la société Sferaco.

3. Se plaignant, après réception, de fuites sur le réseau d'eau glacée du système de climatisation, la commune a adressé une déclaration de sinistre à son assureur dommages-ouvrage, la SMABTP, qui a émis, à la suite de l'expertise amiable, une offre chiffrée d'indemnisation, qu'elle a contestée devant le tribunal administratif.

4. Par ordonnance du 30 janvier 2015, la SMABTP a été condamnée à lui payer une certaine somme à titre de provision pour remédier aux désordres.

5. Sur requête enregistrée le 13 mai 2014, la SMABTP a obtenu, après expertise, la condamnation de la société Dumez à lui payer le montant de cette provision, diminué de celui des intérêts majorés.

6. Par actes des 4 et 5 février 2015, la société Dumez a assigné les sociétés Costa et Allianz en paiement des sommes versées à la SMABTP. Les sociétés Distribution sanitaire chauffage venant aux droits de la société Brossette Bti, Chubb et Sferaco ont été appelées en garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Dumez fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action en garantie dirigée à l'encontre des sociétés Costa et Allianz, et de rejeter toute autre demande, alors « que le délai de prescription quinquennale de l'action récursoire d'un entrepreneur principal tendant à obtenir de son sous-traitant et de son assureur la garantie des condamnations prononcées ou susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit du maître de l'ouvrage ou de toute autre personne, ne commence à courir qu'au jour de la mise en cause de la responsabilité de l'entrepreneur principal par ces derniers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'action en justice de la société Dumez , engagée les 4 et 5 février 2015 à l'encontre de son sous-traitant, la société Costa, et de son assureur, la société Allianz, tendait à obtenir de celles-ci la garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de la SMABTP, assureur dommage-ouvrage, par les juridictions administratives ; qu'elle a également constaté que la société Dumez avait été mise en cause par la société SMABTP par requête du 13 mai 2014 déposée devant le tribunal administratif, qui avait donné lieu à sa condamnation au profit de celle-ci par jugement du 22 novembre ; qu'il résultait de ces constatations que le délai de prescription quinquennale de l'action récursoire de la société Dumez à l'encontre des sociétés Costa et Allianz n'avait pas commencé à courir avant la date de la mise en cause de la société Dumez par la SMABTP le 13 mai 2014, en sorte que l'action de l'exposante, engagée les 4 et 5 février 2015, soit dans le délai de prescription, était recevable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2219 et 2224 du code civil et l'article L. 110-4, I, du code de commerce :

8. Aux termes du premier de ces textes, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

9. Il résulte des deux derniers que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

10. Par un arrêt rendu le 14 décembre 2022 (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié), la Cour de cassation a jugé que le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction de ces demandes principales puis en a déduit que, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.

11. Pour déclarer irrecevable la demande de la société Dumez, l'arrêt relève que cette société a assigné les sociétés Costa et Allianz plus de cinq ans après le compte-rendu de réunion du 19 janvier 2010, date à laquelle elle disposait d'informations suffisantes pour agir en responsabilité contre son sous-traitant.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Dumez avait assigné en garantie les sociétés Costa et Allianz par actes des 4 et 5 février 2015, moins de cinq ans après l'enregistrement de la requête de la SMABTP sollicitant sa condamnation à la garantir des sommes allouées à la commune de Montrouge pour remédier aux désordres, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne les sociétés Allianz IARD, Costa, Distribution sanitaire chauffage, Chubb European Group et Sferaco aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois.

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