18 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-80.924

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01210

Titres et sommaires

COUR D'ASSISES

Lorsque le huis clos est prononcé devant la cour d'assises, tous les arrêts incidents, même non contentieux, sont rendus durant l'audience se tenant à huis clos


COUR D'ASSISES

Selon l'article 316, alinéa 2, du code de procédure pénale, les arrêts incidents ne peuvent préjuger du fond. Encourt par conséquent la cassation l'arrêt qui se prononce par des motifs affirmant la culpabilité de l'accusé

Texte de la décision

N° R 22-80.924 F-B

N° 01210


ECF
18 OCTOBRE 2023


CASSATION


M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 OCTOBRE 2023


M. [W] [Y] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises des Alpes-Maritimes, en date du 8 décembre 2021, qui, pour viol et vol, aggravés, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle et dix ans d'interdiction de séjour, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W] [Y], les observations de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [D] [N], partie civile, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 16 août 2019 du juge d'instruction, M. [W] [Y] a été mis en accusation devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône des chefs de viol et vol aggravé.

3. Par arrêt de ladite cour d'assises du 24 juin 2020, l'accusé a été condamné, pour viol et vol, aggravés, à dix-huit ans de réclusion criminelle et cinq ans d'interdiction de séjour. Par arrêt du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils.

4. M. [Y] a relevé appel de ces décisions et le ministère public a interjeté appel incident de l'arrêt pénal.

Examen de la recevabilité des pourvois formés le 9 décembre 2021


5. Le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 8 décembre 2021, le droit de se pourvoir contre les arrêts attaqués, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre les mêmes décisions.

6. Seul est recevable le pourvoi formé le 8 décembre 2021.


Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt incident attaqué ayant ordonné le remplacement du juré de jugement numéro 21 empêché en ce qu'il a été rendu à huis clos, alors « qu'en l'absence de tout incident contentieux, le remplacement du juré empêché ne pouvait intervenir qu'en audience publique ; que la cour a violé les articles 293, 306 et 316 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. La cour, qui avait ordonné que les débats auraient lieu à huis clos, a, par un arrêt rendu à huis clos, ordonné le remplacement d'un juré de jugement empêché.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

10. En effet, lorsque le huis clos est prononcé, tous les arrêts incidents, même non contentieux, sont rendus durant l'audience se tenant à huis clos.

11. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Y] coupable de viol en état d'ivresse manifeste et sous l'emprise manifeste de stupéfiants et de vol par effraction dans un local d'habitation, alors :

« 1°/ qu'en rejetant, par arrêt incident, les conclusions de la défense demandant une expertise ADN complémentaire comme étant inutile à la manifestation de la vérité, aux motifs que « l'accusé reconnaît avoir pénétré la victime avec son sexe contre sa volonté après l'avoir « maîtrisée » par la force et exclut formellement à l'audience de la Cour, la présence sur les lieux de tout homme appartenant à sa lignée paternelle de sorte que l'haplotype Y ne saurait être que le sien », la cour, qui a ainsi affirmé la culpabilité de l'accusé, a préjugé du fond en violation de l'article 316 du code de procédure pénale et des droits de la défense. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 316, alinéa 2, du code de procédure pénale :

13. Selon ce texte, les arrêts incidents ne peuvent préjuger du fond.

14. Pour rejeter la demande de supplément d'information aux fins d'expertise génétique, l'arrêt incident énonce qu'au vu des résultats de l'instruction à l'audience qui vient de prendre fin, la cour est en mesure de s'assurer que les mesures sollicitées ne sont pas nécessaires à la manifestation de la vérité.

15. La cour indique que l'expertise a révélé que l'ADN de l'accusé avait été retrouvé sous les ongles de la victime, et l'haplotype Y correspondant, dans son vagin, sur sa culotte ainsi que sur le cordon d'alimentation de la télévision volée.

16. Elle ajoute que l'accusé reconnaît avoir pénétré la victime avec son sexe, contre sa volonté, après l'avoir maîtrisée par la force et exclut formellement à l'audience, la présence sur les lieux de tout homme appartenant à sa lignée paternelle, de sorte que l'haplotype Y ne saurait être que le sien.

17. Elle en conclut que la demande d'expertise, fondée sur la possibilité d'identifier un suspect potentiel, n'est pas pertinente, alors même qu'il s'agit pour la cour de se prononcer sur la culpabilité ou l'innocence du seul accusé M. [Y].

18. En se déterminant ainsi, par des motifs affirmant la culpabilité de l'accusé, la cour, qui a préjugé du fond, a méconnu le texte susvisé.

19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.

Portée et conséquences de la cassation

20. La cassation de l'arrêt pénal entraînera par voie de conséquence celle de l'arrêt civil.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé, la Cour :

Sur les pourvois formés par M. [W] [Y] le 9 décembre 2021 :

Les DECLARE irrecevables ;

Sur le pourvoi formé pour M. [W] [Y] le 8 décembre 2021 :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises des Alpes-Maritimes, en date du 8 décembre 2021, ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;

CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises du Var, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises des Alpes-Maritimes et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.

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