18 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.014

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO01042

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 octobre 2023




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1042 F-D

Pourvoi n° M 21-24.014




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 OCTOBRE 2023

La société Style & Design Group, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-24.014 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à M. [G] [S], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Style & Design Group, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameux, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 septembre 2021), M. [S] a été engagé en qualité de directeur technique et production le 11 juillet 2012 par la société Style & Design Print, qui a ensuite été absorbée par la société Style & Design Group (la société). Dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de directeur animation de gamme.

2. Son contrat de travail a été rompu le 12 juillet 2016 pour motif économique suite à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé le 21 juin 2016.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de cette rupture.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes reconventionnelles en condamnation du salarié à lui restituer les sommes perçues au titre de la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence et à lui payer l'indemnité prévue au contrat de travail pour violation de cette clause, alors :

« 1°/ qu'interdiction est faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le rapport d'enquête du 5 juillet 2017 versé aux débats par la société Style & Design témoignait de la présence continue du salarié dans les locaux de la société Brand's Stories le 27 juin 2017 entre 8h05 et 17h45, le 4 juillet 2017 entre 9h00 et 18h45, ainsi que de son arrivée dans les locaux de la société le 29 juin 2017 à 9h20 et du fait qu'il possédait les clés de la porte d'entrée de cette société ; que dès lors en affirmant que ses visites auprès de la société Brand's Stories peu de temps avant l'expiration de son obligation de non-concurrence révélées par ce rapport pouvaient être interprétées comme des visites préparatoires à une relation d'affaires ultérieure, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'enquête du 5 juillet 2017 en violation du principe susvisé ;

2°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner ni analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour établir que le salarié avait violé son obligation de non-concurrence en travaillant pour le compte de la société concurrente Brand's Stories, la société Style & Design versait aux débats l'attestation de Mme [H] [M], ancienne compagne du dirigeant de la société Brand's Stories, M. [K] [J], qui témoignait que M. [G] [S] était bien dès l'origine à la création de cette société concurrente à Style & Design" ; qu'en affirmant qu'au regard des pièces produites, la société Style & Design ne rapporte pas la preuve de la concurrence déloyale du salarié auprès de la société Brand's Stories, sans analyser ni même viser cette attestation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. C'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, du rapport d'enquête produit par la société ainsi que par une appréciation souveraine des autres éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la cour d'appel, sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, a retenu que l'ancien employeur ne démontrait pas la concurrence déloyale qu'il reprochait à son ancien salarié auprès de la société Brand's Stories ni la violation de la clause de non-concurrence qui s'imposait à lui et l'a débouté de ses demandes formées à ce titre.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l'arrêt de juger que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner en conséquence à lui payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors « qu'interdiction est faite au juge de dénaturer les conclusions des parties ; que pour justifier de l'impossibilité de reclasser le salarié faute de poste disponible, la société se prévalait non seulement du procès-verbal du comité de direction du 17 juin 2016, mais également de son registre d'entrée et de sortie du personnel qu'elle versait aux débats dont elle tirait que les seuls recrutements réalisés fin 2016, qui correspondaient aux contrats signés avec Zodiac aerospace pour le développement design de pièces aéronautiques, étaient sans rapport avec les compétences et expériences professionnelles du salarié ; qu'en affirmant que la société se fondait sur sa seule pièce n° 21, le procès-verbal du comité de direction du 17 juin 2016, pour justifier du respect de l'obligation de reclassement", ce qui l'a conduite à s'abstenir d'examiner le registre d'entrée et de sortie du personnel dont la société se prévalait, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile et du principe susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

8. Pour déclarer le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et lui allouer une indemnité à ce titre, l'arrêt retient que le procès-verbal du comité de direction du 17 juin 2016, seule pièce sur laquelle l'employeur se fonde pour justifier du respect de son obligation de recherche d'un reclassement, ne permet pas de s'assurer qu'il a respecté cette obligation de manière loyale et sérieuse.

9. En statuant ainsi, sans analyser l'autre pièce n° 63 figurant au bordereau de communication de pièces, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui jugent le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnent la société à lui payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entraîne la cassation du chef de dispositif qui déboute le salarié de sa demande d'indemnité pour inobservation des critères d'ordre des licenciements, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge le licenciement de M. [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamne la société Style & Design Group à lui payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, déboute de M. [S] de sa demande d'indemnité pour inobservation des critères d'ordre des licenciements et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne M. [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.

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