18 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.883

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C100618

Texte de la décision

CIV. 1

IJ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 octobre 2023




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 618 F-D

Pourvoi n° W 22-11.883




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 OCTOBRE 2023

1°/ Mme [L] [T],

2°/ M. [E] [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° W 22-11.883 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (chambre spéciale des mineurs, assistance éducative), dans le litige les opposant au conseil départemental de la Somme, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, plusieurs moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.



Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [T] et M. [Z], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 décembre 2021), M. [Z] et Mme [T] sont parents de trois enfants, le plus jeune, [P], né le [Date naissance 1] 2008, étant encore mineur.

2. A la suite d'actes de séquestration et de violence avec arme commis par M. [Z] et Mme [T] sur leur fille aînée, jeune majeure, et de violence sur leurs deux fils, le juge des enfants a ordonné le placement des enfants et organisé un droit de visite limité et médiatisé des parents.

3. Ces mesures ont été plusieurs fois renouvelées.

4. Par jugement du 17 février 2021, le juge des enfants a renouvelé le placement de [P] au service de l'aide sociale à l'enfance de la Somme pour une durée d'un an, accordé aux parents un droit de visite partiellement médiatisé en lieu neutre deux fois par mois et dit que ce droit de visite serait susceptible d'élargissement après évaluation du service gardien et accord du juge des enfants.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [Z] et Mme [T] font grief à l'arrêt de leur accorder seulement un droit de visite médiatisé deux fois par mois et de rejeter leur demande tendant à voir autoriser les sorties accompagnées, alors « que l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants ; que seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit ; que la cour d'appel devait donc rechercher si, comme il était soutenu, le fait que [P] ne soit "pas sécurisé dans la relation à ses parents et demeure dans une posture de défiance à leur égard" n'était pas aggravé par les limitations apportées à leur droit de visite qui excluait les sorties accompagnées ; qu'en omettant cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article 371-4 du code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que [P] ne présentait aucun problème de comportement, investissait de manière très positive la sphère scolaire et entretenait de bonnes relations avec autrui, mais qu'il demeurait traumatisé par les violences qu'il avait vécues, ce qui justifiait son suivi psychologique, tout en évoluant de façon perceptible dans son positionnement vis-à-vis de ses parents, qu'il souhaitait voir changer.

8. Elle a souligné la maturité et la constance du mineur, qui avait explicité les motifs pour lesquels il sollicitait le renouvellement de son placement, ajoutant que les tendances manipulatrices des parents repérées par lui avaient été confirmées lors de l'expertise psychologique.

9. Elle a estimé que [P] ne se sentait pas en sécurité avec ses parents et demeurait dans une posture de défiance à leur égard.

10. Elle en a conclu que la complexité et les difficultés relationnelles du mineur avec ses parents, ainsi que l'absence de demande de sa part et les craintes exprimées par lui, s'opposaient, en l'état, à toute modification du droit de visite.

11. La cour d'appel, qui a statué en considération de l'intérêt de l'enfant, a ainsi légalement justifié sa décision.

12. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. M. [Z] et Mme [T] font grief à l'arrêt de maintenir le placement de [P] auprès de l'aide sociale à l'enfance de la Somme et de rejeter leur demande de dessaisissement de la juridiction des mineurs d'Amiens au profit de celle de Créteil et de l'aide sociale à l'enfance de la Somme au profit de celle du Val-de- Marne, alors « que si les parents d'un mineur placé à l'aide sociale à l'enfance changent de lieu de résidence, le juge se dessaisit au profit du juge du lieu de la nouvelle résidence, ce qui implique que le département de la juridiction désormais saisie assure l'exécution des mesures ordonnées ; qu'il ne peut être fait exception à cette règle que par décision spécialement motivée ; qu'ainsi, le législateur ayant fait prévaloir la proximité géographique entre le mineur et sa famille sur la stabilité géographique, celle-ci ne peut constituer un motif d'exception au dessaisissement ; qu'en se bornant néanmoins à énoncer, pour refuser de se dessaisir au profit des juridictions des enfants compétentes pour le Val-de-Marne où demeuraient désormais les parents, que le mineur « a tous ses repères dans la Somme (famille d'accueil, collège, activités extra scolaires et suivi psychologique) et est en demande de stabilité, la cour d'appel a violé les articles 1181, alinéa 2 du code de procédure civile et L. 228-4 du code de l'action sociale et des familles. »

Réponse de la Cour

14. La cour d'appel a constaté que le mineur, qui souhaitait le renouvellement de son placement dans une famille d'accueil au sein de laquelle il s'épanouissait, avait tous ses repères dans la Somme et qu'il exprimait un besoin de stabilité.

15. La cour d'appel, qui en a déduit que le dessaisissement demandé était contraire à l'intérêt de l'enfant, a ainsi légalement justifié sa décision.

16. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [T] et M. [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.

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