18 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-20.428

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C100558

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 octobre 2023




Cassation


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 558 F-D

Pourvoi n° J 22-20.428




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 OCTOBRE 2023

La société Innovent, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-20.428 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant à la société Boralex énergie France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Innovent, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Boralex énergie France, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 9 juin 2022), rendu en référé, la société Boralex énergie France (la société Boralex), en litige avec la société Innovent avec laquelle elle a conclu un contrat de développement, a mis en ligne sur son site internet des communiqués lui imputant d'avoir commis une escroquerie à un jugement et menti aux juridictions françaises et aux investisseurs en bourse.

2. Estimant que ces communiqués avaient un caractère dénigrant, la société Boralex l'a assignée en référé en suppression de ceux-ci.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Innovent fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle ordonne la suppression, de son site internet, de la fenêtre pop-up intitulée « [Y] Boralex », de l'onglet sur la page d'accueil intitulé « [Y] Boralex », et des communiqués publiés du 6 juillet au 25 octobre 2021, sous astreinte, alors « que, hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1240 du code civil ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les publications dont se plaignait la société Boralex imputait à cette société, nommément désignée, des "magouilles", une "escroquerie", une "escroquerie au jugement", le fait d'avoir abusé de la bonne foi des magistrats français et de leur avoir menti ou d'avoir menti aux investisseurs en bourse, certaines d'entre elles figurant sous une bannière représentant un homme doté d'un nez qui s'allonge, ou étant illustrées par les image d'un homme affublé d'un bonnet d'âne, montrant le personnage de "Mister Magoo", "une main scrutant à la loupe le sexe d'un homme vêtu d'un caleçon", un homme dont la tête était enfouie dans le sable, le dessin "d'un bonhomme rieur dénommé "Mr. [Y]", ainsi que le personnage de "Monsieur [X]" ou encore d'un vautour ; qu'en retenant, pour dire inopérants les développements consacrés à la diffamation, et un trouble manifestement illicite constitué, que ces propos et images caractérisaient un "dénigrement au sens de l'article 1240 du code civil", quand les imputations litigieuses ne portaient nullement sur les produits ou services de la société Boralex, la cour d'appel a violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 1240 du code civil, et 873 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

4. Il résulte de ce texte qu'une atteinte à la réputation d'une personne physique ou morale, qui est constitutive de diffamation, ne peut relever que des dispositions de la loi susvisée.

5. Pour ordonner à la société Innovent de supprimer sur son site internet la fenêtre pop-up intitulée « [Y] Boralex », l'onglet sur la page d'accueil intitulé « [Y] Boralex » et les communiqués publiés du 6 juillet au 25 octobre 2021, l'arrêt retient que ces propos consistent à répandre des informations péjoratives sur la société Boralex en concurrence directe avec la société InnoVent, à la décrier ouvertement et à rabaisser sa renommée dans l'esprit de la clientèle ou encore à la discréditer et qu'ils sont donc constitutifs de dénigrement au sens de l'article 1240 du code civil.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ces constatations que n'étaient pas visés les produits ou services de la société mais sa réputation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Boralex énergie France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Boralex énergie France et la condamne à payer à la société Innovent la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.

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