18 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-19.329

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00679

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - fin de non-recevoir - méconnaissance prétendue des droits d'un tiers à l'instance - qualité d'une partie pour opposer la fin de non-recevoir

Une partie n'a pas qualité pour opposer à une demande formée contre elle une fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance prétendue des droits d'un tiers à l'instance

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 octobre 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 679 F-B

Pourvoi n° Q 22-19.329




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 OCTOBRE 2023

La société Schmidt groupe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée SALM, a formé le pourvoi n° Q 22-19.329 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. [J] [K], domicilié [Adresse 2],

défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Schmidt groupe, de Me Descorps-Declère, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2022), la société Schmidt groupe, anciennement SALM (la société Schmidt), qui exploite le réseau Cuisines Schmidt, fabrique et propose la distribution de meubles de cuisines et de salles de bains par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires.

2. Le 26 janvier 2011, la société Sophil concept, immatriculée le 27 décembre 2010 par M. [K], qui en a été désigné gérant, a conclu avec la société Schmidt un contrat de concession l'autorisant à exploiter la marque « Schmidt ».

3. Le 15 janvier 2013, la société Sophil concept a été mise en liquidation judiciaire. Le 2 décembre 2014, la clôture de la liquidation judiciaire a été prononcée pour insuffisance d'actif.

4. Invoquant la responsabilité de la société Schmidt à son égard pour manquement à son obligation précontractuelle d'information, M. [K] l'a assignée en paiement de dommages et intérêts. La société Schmidt a soulevé l'irrecevabilité des demandes.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en ses première, deuxième, cinquième et sixième branches


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Schmidt fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de M. [K], alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que le juge, saisi de la responsabilité d'une partie pour manquement contractuel, ne peut donc apprécier l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat sans que toutes les parties au contrat ne soient attraites à la procédure ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que M. [K] n'avait pas attrait à la procédure la société Sophil concept, pourtant seule cocontractante de la société Schmidt
dans le cadre du contrat de franchise au titre duquel les manquements étaient allégués ; que l'action de M. [K], en ce qu'elle tendait à faire apprécier les manquements contractuels d'une partie à l'égard d'un cocontractant non présent à la cause, était donc irrecevable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Une partie n'a pas qualité pour opposer à une demande formée contre elle une fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance prétendue des droits d'un tiers à l'instance.

8. Il s'ensuit que la société Schmidt n'est pas recevable à invoquer une prétendue méconnaissance, par M. [K], du principe de la contradiction au détriment de la société Sophil concept.

9. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le troisième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

10. La société Schmidt fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de M. [K] et de la condamner à lui payer la somme de 51 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors :

« 3°/ que le franchisé a une obligation de se renseigner lui-même en procédant à une étude du marché local de nature à lui permettre de d'assurer de la faisabilité de son projet d'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Schmidt soutenait que M. [K] s'était abstenu d'effectuer ou de faire effectuer une étude de marché préalable ; qu'en retenant une faute de la société Schmidt motif pris de ce que "la société SALM est mal fondée à reprocher à M. [K] de ne pas s'être renseigné par lui-même et de n'avoir pas procédé à une étude du marché local alors que le dossier présenté aux banques avec l'assistance de la société SLAM, contient une étude sur la zone de chalandise et la concurrence présente et qu'il y est également inséré les conclusions de l'étude Géomarketing" quand ces deux documents ne reflétaient pas les informations contenues dans une étude de marché, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 330-3 du code de commerce et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ que le franchisé a une obligation de se renseigner lui-même en procédant à une étude du marché local de nature à lui permettre de d'assurer de la faisabilité de son projet d'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Schmidt soutenait que M. [K] s'était abstenu d'effectuer ou de faire effectuer une étude de marché préalable ; qu'en retenant une faute de la société Schmidt motif pris de ce que "la société SALM est mal fondée à reprocher à M. [K] de ne pas s'être renseigné par lui-même et de n'avoir pas procédé à une étude du marché local alors que le dossier présenté aux banques avec l'assistance de la société SLAM, contient une étude sur la zone de chalandise et la concurrence présente et qu'il y est également inséré les conclusions de l'étude Géomarketing" quand elle avait précédemment relevé que la zone de chalandise apparaissait dans les conclusions de "l'étude de marché du franchiseur" et que l'étude géo-marketing était un document que "la société SALM avait transmis à M. [K]", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ».

Réponse de la Cour

11. Si l'article L. 330-3 du code de commerce ne met pas à la charge de l'animateur d'un réseau une étude du marché local, il lui impose, dans le cas où une telle information est donnée, une présentation sincère de ce marché.

12. L'arrêt relève que le compte prévisionnel réalisé par l'expert-comptable mandaté par M. [K], faisant apparaître que le chiffre d'affaires de 1 200 000 HT euros était atteignable, a été établi en fonction d'éléments fournis par la société Schmidt et qu'il y est précisé que les conclusions de « l'étude de marché du franchiseur » font état de ce chiffre. Il relève que la société Schmidt a également transmis à M. [K] un document intitulé « étude géo-marketing », proposé comme aide à la décision pour l'implantation d'un nouveau magasin, qui évalue à 1 328 584 euros HT le chiffre d'affaires prévisionnel. L'arrêt ajoute que le dossier présenté aux banques par M. [K], avec l'assistance de la société Schmidt, contenait une étude sur la zone de chalandise et la concurrence locale et qu'y étaient également insérées les conclusions de l'« étude géo-marketing ». Il retient que M. [K] ne disposait pas de la compétence pour évaluer les chiffres d'affaires potentiels, tandis que le concédant connaissait parfaitement les chiffres d'affaires réalisés par ses magasins dans des zones comparables en fonction des effectifs et des ventes réalisées.

13. L'arrêt retient, enfin, que le franchiseur a validé des prévisions de chiffre d'affaires exagérément optimistes et que les prévisions annoncées par celui-ci manquaient de fondement objectif, de rigueur et s'appuyaient sur des hypothèses absconses.

14. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que le franchiseur avait transmis au franchisé des éléments d'étude du marché local qui présentaient un caractère irréaliste et dénué de sérieux, la cour d'appel, a pu, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations et en statuant par des motifs opérants, retenir qu'il ne pouvait dès lors être reproché à M. [K] de n'avoir pas procédé lui-même à une étude du marché local.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Schmidt groupe aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Schmidt groupe et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.

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