4 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-14.126

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00978

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Retraite - Départ à la retraite - Cas - Accord de gestion prévisionnelle des départs en retraite - Action en contestation de la rupture du contrat de travail - Prescription - Délai - Point de départ - Détermination - Portée

Aux termes de l'article L. 1471-1, alinéa 2, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. Il résulte de ce texte qu'en cas de départ à la retraite d'un salarié, la prescription de l'action en contestation de la rupture court à compter de la date à laquelle il a notifié à l'employeur sa volonté de partir à la retraite. Toutefois, lorsque le départ à la retraite s'inscrit dans un dispositif, auquel a adhéré le salarié, mis en place par un accord collectif réservant expressément une faculté de rétractation de la part du salarié, la prescription de l'action en contestation de la rupture ne court qu'à compter de la rupture effective de la relation de travail

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 octobre 2023




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 978 F-B

Pourvoi n° J 22-14.126




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

La société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-14.126 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à [J] [G], ayant été domicilié [Adresse 3], décédé,

2°/ à Mme [C] [M], veuve [G], domiciliée [Adresse 3],

3°/ à Mme [L] [G], épouse [B], domiciliée [Adresse 4],

4°/ à M. [P] [G], domicilié [Adresse 5],

pris tous les trois en leur qualité d'ayants droit de [J] [G],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Crédit foncier de France, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat, de Mme [C] veuve [G], de Mme [L] [G] et de M. [P] [G], tous les trois pris en leur qualité d'ayants droit de [J] [G], après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à Mme [C] veuve [G], Mme [L] [G] et M. [P] [G], en leur qualité d'ayants droit de [J] [G], décédé le [Date décès 2] 2022, de leur reprise d'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 27 janvier 2022), le Crédit foncier de France (la société) a conclu avec les organisations syndicales représentatives le 20 février 2017 un accord de gestion prévisionnelle des départs en retraite, dit GPDR2, permettant aux salariés concernés de bénéficier d'une aide financière au rachat de trimestres et d'une majoration des indemnités de départ à la retraite.

3. [J] [G], engagé par la société à compter du 19 mars 1979, occupant en dernier lieu le poste de directeur régional d'expertise, a adhéré à cet accord GPDR2 par lettre du 30 juin 2017.

4. Le 26 octobre 2018, la société a conclu un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

5. Par lettre du 21 décembre 2018, le salarié a révoqué son adhésion à l'accord GPDR2. Cette rétractation ayant été refusée par l'employeur, il a quitté l'entreprise le 1er février 2019.

6. Le 26 juin 2019, il a saisi la juridiction prud'homale afin de dire la rupture de son contrat de travail sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement de diverses indemnités.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième à sixième branches


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt de dire sans cause réelle et sérieuse la rupture du contrat de travail du salarié du 31 janvier 2019, de la condamner au paiement de sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, à titre d'indemnité de licenciement, à titre de dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle ni sérieuse, de dire qu'il y avait lieu de déduire la somme versée en février 2019 au titre des indemnités prévues par les articles 11 et 12 de l'accord de GPDR du 20 février 2017 et d'ordonner la rectification du dernier bulletin de paie, alors « que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ; que le délai de prescription de l'action en justice afin de contester une manifestation claire et non équivoque de volonté de partir en retraite court à compter du moment où cette volonté se manifeste, nonobstant l'éventuelle manifestation ultérieure contraire d'y renoncer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par lettre du 30 juin 2017, M. [G] avait ''adhéré de façon irrévocable au dispositif G.P.D.R. 2 prévu par l'accord précité et demande le bénéfice des mesures prévues par ce même accord'' et avait précisé '' être informé que (sa) présente adhésion à G.P.D.R. 2 emporte admission à la retraite à (son) initiative'' et avoir ''sollicité dans ces conditions, sous réserve des nécessités de service, la rupture de (son) contrat de travail en 2018, au plus tard le 31.12.2018'' ; que l'action en justice destinée à remettre en cause cette volonté, engagée en 21 juin 2019, était tardive ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 2219 du code civil et L. 1471-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

9. Aux termes de l'article L. 1471-1, alinéa 2, du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

10. Il résulte de ce texte qu'en cas de départ à la retraite d'un salarié, la prescription de l'action en contestation de la rupture court à compter de la date à laquelle il a notifié à l'employeur sa volonté de partir à la retraite. Toutefois, lorsque le départ à la retraite s'inscrit dans un dispositif, auquel a adhéré le salarié, mis en place par un accord collectif réservant expressément une faculté de rétractation de la part du salarié, la prescription de l'action en contestation de la rupture ne court qu'à compter de la rupture effective de la relation de travail.

11. L'arrêt retient que l'accord GPDR2 du 20 février 2017 prévoit en son article 15 « Expression des collaborateurs », à l'alinéa 3, que « l'engagement pris par le collaborateur sera alors irrévocable, ferme et définitif sauf dans les cas limitatifs suivants sur présentation d'un justificatif : [...] - exercice de la clause de revoyure telle que prévue à l'article 6.1. »

12. L'arrêt retient également que l'article 6.1 dudit accord prévoit, en son alinéa 2, que « dans l'hypothèse, ce qui n'est ni souhaité par la Direction ni d'actualité, où le Crédit Foncier se verrait contraint d'envisager un Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) sur la période couverte par le présent accord, une réunion de négociation avec les Organisations Syndicales Représentatives serait fixée ».

13. Ayant constaté, d'une part que le salarié avait adhéré, par lettre du 30 juin 2017, au dispositif GPDR2 emportant admission à la retraite à son initiative en 2018, au plus tard au 31 décembre 2018, puis que, par lettre du 21 décembre 2018, il avait renoncé au bénéfice des dispositions de l'accord GPDR2 en se prévalant de l'article 15 dudit accord prévoyant la possibilité de révoquer son consentement dans l'hypothèse de l'exercice de la clause de revoyure prévue à l'article 6.1, d'autre part que la rupture effective de la relation de travail était intervenue le 31 janvier 2019 lors de l'établissement par l'employeur du certificat de travail, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de prescription d'un an courait à compter de cette date, de sorte que l'action engagée le 26 juin 2019 n'était pas prescrite.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Crédit foncier de France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit foncier de France et la condamne à payer à Mme [C] veuve [G], Mme [L] [G] et M. [P] [G], en leur qualité d'ayants droit de [J] [G], la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.

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