27 septembre 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/01244

Pôle 6 - Chambre 9

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2023

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01244 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDC2T



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section Commerce chambre 4 - RG n° 20/01606



APPELANTE



Madame [U] [I]

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représentée par Me Delphine BORGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2081



INTIMÉES



SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE

[Adresse 11] -

[Adresse 11] -

[Localité 2]



Représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100



SNC STORETOP

[Adresse 11] -

[Adresse 11] -

[Localité 2]



Représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100



SELARL AXYME prise en la personne de Maître [N] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la société MASSENADIS sous enseigne CARREFOUR CITY

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Sally DIARRA, avocat au barreau de PARIS, toque : P159



PARTIE INTERVENANTE



ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 8]



Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL de la SAS DUVAL LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Stéphane MEYER, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère



Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats





ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Madame [U] [I] a initialement été engagée par la société ED, en contrat à durée indéterminée à compter du 23 octobre 2008 en qualité d'employée commerciale caisse au sein du magasin situé [Adresse 1]).



Au cours de la relation contractuelle, elle a été promue au poste d'adjoint chef de magasin, statut agent de maîtrise, niveau 5.



Elle a été affectée au sein du magasin ED situé [Adresse 10] à [Localité 9].



Son contrat de travail a ensuite été successivement transféré :

- à la société DIA,

- à compter de fin 2014, à la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE qui a repris l'exploitation du magasin [Adresse 10],

- à compter du 4 septembre 2017, à la société MASSENADIS qui a repris la location-gérance du magasin.



A chaque fois le contrat de travail de Madame [I] a été repris en application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail.



Madame [I] :

- a bénéficié d'un congé parental pour la période du 12 juillet 2016 au 30 juin 2017,

- a été placée en arrêt de travail à compter du 28 octobre 2017, lequel a été régulièrement prolongé,

- était en congé maternité du 22 février au 16 juin 2020,

- a ensuite à nouveau était arrêtée pour maladie et l'est toujours à ce jour.



Par jugement du 1er décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société MASSENADIS et a nommé la SELARL AXYME en la personne de Maître [N] [O] en qualité de mandataire liquidateur.



Le mandataire liquidateur a informé la salariée que son contrat de travail était transféré à la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE à compter du 10 décembre 2020, par suite de la restitution du fonds de commerce suite à résiliation de la location-gérance.



Il s'agissait toutefois d'une erreur du mandataire liquidateur car les contrats ont en réalité été transférés à la SNC STORETOP, filiale du groupe CARREFOUR. La salariée en a été informée par ladite société par courrier du 24 décembre 2020.



Depuis le 19 mai 2021, les salariés affectés au sein du magasin situé [Adresse 10] ont été transférés auprès de la société CHIMENDIS qui en a repris la location gérance.



Madame [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 25 février 2020, d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, et de condamnation de son employeur à diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail, de rappels de salaire en application de la prévoyance collective, et de dommages et intérêts pour préjudices subis au cours de l'exécution de son contrat de travail du fait des manquements de l'employeur à ses obligations de bonne foi et de sécurité.



Par un jugement en date du 13 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Madame [I] de sa demande de résiliation judiciaire et a condamné la SARL MASSENADIS à lui verser les sommes suivantes :

-20.425,27 € à titre de rappel de salaire au titre de la prévoyance collective jusqu'en 2019,

-2.103,97 € à titre de rappel de salaire au titre de la prévoyance collective jusqu'en 2020,

-336 € au titre des tickets restaurant,

-1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 janvier 2021 , en visant expressément les dispositions critiquées.



Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 janvier 2023, la procédure de liquidation judiciaire de la société MASSEDENIS a été clôturée pour insuffisance d'actif. Par jugement du 28 mars 2023, le tribunal a ordonné la réouverture de la procédure de liquidation à la demande du mandataire liquidateur.



Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 20 avril 2021, Madame [U] [I] demande à la cour de :



-Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société MASSENADIS au paiement des sommes suivantes :

-20.425,27 € à titre de rappel de salaire au titre de la prévoyance collective jusqu'en 2019,

-2.103,97 € à titre de rappel de salaire au titre de la prévoyance collective jusqu'en septembre 2020,

-336 € au titre des tickets restaurant,

-1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



-Fixer lesdites sommes au passif de la société MASSENADIS qui a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 1er décembre 2020,



-Infirmer le jugement sur la demande de résiliation judiciaire et sur les autres demandes, et statuant à nouveau :



-Juger que la société a manqué à son obligation de bonne foi et à son obligation de sécurité dans l'exécution du contrat de travail,



-Juger la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,



-Juger que la rupture du contrat a les mêmes conséquences qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,



-Juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité,



-Condamner solidairement la société MASSENADIS représentée par son mandataire liquidateur Maître [N] [O] de la SELARL AXYME, la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et la société SNC STORETOP au paiement des sommes suivantes :

- Dommages et intérêts réparant les préjudices subis au cours de l'exécution du contrat de travail sur le fondement du non respect de l'obligation de bonne foi et du non respect de l'obligation de santé sécurité : 20.000 €

- Congés payés afférents au rappel de salaire au titre de la prévoyance collective en 2019 : 2.042,52 €

- Rappel de salaire au titre de la prévoyance collective depuis octobre 2020 : à parfaire

- Congés payés afférents au rappel de salaire au titre de la prévoyance collective de janvier à septembre 2020 : 210 €

- Indemnité compensatrice de préavis : 4.173,96 €

- Congés payés afférents : 417,39 €

- Indemnité de licenciement : 6.260,94 € (à parfaire à la date de l'audience devant la cour)

- Indemnité compensatrice de congés payés : 6.000 € (à parfaire à la date de l'audience devant la cour)

-Dommages et intérêts pour rupture abusive : 30.000 €,



-Fixer au passif de la société MASSENADIS les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts réparant les préjudices subis au cours de l'exécution du contrat de travail sur le fondement du non respect de l'obligation de bonne foi et du non respect de l'obligation de santé sécurité : 20.000 €

- Congés payés afférents au rappel de salaire au titre de la prévoyance collective en 2019 : 2.042,52 €

- Rappel de salaire au titre de la prévoyance collective depuis octobre 2020 : à parfaire

- Congés payés afférents au rappel de salaire au titre de la prévoyance collective de janvier à septembre 2020 : 210 €

- Indemnité compensatrice de préavis : 4.173,96 €

- Congés payés afférents : 417,39 €

- Indemnité de licenciement : 6.260,94 € (à parfaire à la date de l'audience devant la cour)

- Indemnité compensatrice de congés payés : 6.000 € (à parfaire à la date de l'audience devant la cour)

-Dommages et intérêts pour rupture abusive : 30.000 €,



-Déclarer la décision opposable à l'AGS CGEA,



-Condamner le liquidateur de la société MASSENADIS à délivrer les bulletins de salaire rectifiés et manquants de novembre 2017 à novembre 2020 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,



-Condamner solidairement la société CARREFOUR PROXIMITE et la société SNC STORETOP à délivrer les bulletins de salaire de décembre 2020 à ce jour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,



-Ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la décision avec réserve du droit de liquidation par la cour,



-Condamner au paiement des intérêts légaux sur le montant des dommages et intérêts alloués à compter du jour de l'introduction de l'instance, à titre de réparation complémentaire,



-Ordonner la capitalisation des intérêts,



-Condamner aux entiers dépens,



Y ajoutant :



- Allouer à Madame [I] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 12 juillet 2021, le liquidateur judiciaire de la société MASSENADIS demande à la cour de :



- Juger Madame [I] recevable mais mal fondée en son appel,



- En conséquence, l'en débouter,



- Condamner Madame [I] aux entiers dépens de l'instance.



Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 16 juillet 2021, la société CARREFOUR PROXIMITE France SAS demande à la cour de :



- La mettre hors de cause,



- Débouter en conséquence Madame [I] de ses demandes de condamnation solidaire à l'égard de la société CARREFOUR PROXIMITE France SAS,



- Condamner Madame [I] aux dépens.



Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 16 juillet 2021, la société SNC STORETOP demande à la cour de :



- La mettre hors de cause,



- Débouter en conséquence Madame [I] de ses demandes de condamnation solidaire à l'égard de la société SNC STORETOP,



- Condamner Madame [I] aux dépens.



Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 19 novembre 2021, l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST demande à la cour de :



- Prononcer la mise hors de cause de l'AGS,



- Débouter Madame [I] de ses demandes, fins et conclusions,



- Subsidiairement, rejeter les demandes de fixation de créances qui ne sont ni fondées dans leur principe ni justifiées dans leur montant et en tout état de cause, réduire aux seuls montants dûment justifiés les montants des créances susceptibles d'être fixées, notamment à titre de salaires et à titre d'indemnités,



- Donner acte à la concluante des conditions et limites de l'intervention de l'AGS et des conditions, limites et plafonds de sa garantie.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mai 2023.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.








MOTIFS



Sur la demande de résiliation du contrat de travail



Il résulte des dispositions des articles 1224 et 1228 du code civil qu'un contrat de travail peut être résilié aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de sa part à ses obligations contractuelles.



Toutefois, en l'espèce, ni la société MASSENADIS, ni les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et SNC STORETOP ne sont encore employeur de Madame [I] dans la mesure où son contrat a été transféré à la société CHIMENDIS depuis le 19 mai 2021, celle-ci ayant repris la location-gérance du magasin.



A défaut d'être dirigée contre son actuel employeur, la demande de résiliation de la salariée est mal fondée, et il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la salariée.



Sur la demande de dommages et intérêts en réparation des manquements aux obligations d'exécution de bonne foi et de sécurité



L'article 1134 du code civil dispose que les contrats doivent être exécutés de bonne foi.



S'agissant du contrat de travail, l'article L 1222-1 du code du travail rappelle précisément cette obligation, en disposant que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.



Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l'article L 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.



Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.



En l'espèce, Madame [I] soutient que son employeur a manqué à ses obligations de bonne foi et de sécurité, dans la mesure où dès la reprise du fonds par la société MASSENADIS à compter du 4 septembre 2017, la gérante a fait pression sur les salariés transférés afin qu'ils quittent l'entreprise. Madame [I] précise ainsi que dès le mois de septembre 2017, celle-ci lui adressait des textos comprenant des ordres et contre-ordres, perturbant son travail, qu'elle lui a notifié le 2 octobre 2017 un avertissement injustifié, qu'elle a été contrainte de relancer à de nombreuses reprises l'entreprise afin de réclamer l'application de ses droits et avantages sans que celle-ci ne donne suite, et qu'elle a finalement dû solliciter l'inspection du travail qui a adressé un rappel à l'ordre à l'employeur.



La salariée ajoute que ces conditions de travail dégradées ont eu des conséquences sur sa santé et qu'elle dû être arrêtée à compter du 28 octobre 2017, son arrêt de travail étant régulièrement prolongé depuis. Elle expose également qu'à défaut de pouvoir bénéficier de la mutuelle d'entreprise, elle a dû souscrire à celle de son mari, ce qui a entraîné des frais préjudiciables pour elle.



La cour relève en premier lieu que la demande de dommages et intérêts est dirigée contre le liquidateur de la société MASSENADIS ainsi que les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et SNC STORETOP, alors que les faits fautifs invoqués ne concernent qu'un seul des employeurs, à savoir la société MASSENADIS. Aucune responsabilité des sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et SNC STORETOP ne peut donc être retenue.



S'agissant du grief de la salariée tenant aux ordres et contre-ordres qui lui auraient été donnés par la gérante de la société MASSENADIS pour les commandes du magasin, il n'apparaît pas établi au vu des échanges de SMS produits. Si le ton des échanges est sec, il n'est toutefois pas discourtois. La salarié conteste l'avertissement qui lui a été notifié le 2 octobre 2017 relativement à un problème de commande mais n'en a pas contesté la validité. Elle n'établit pas plus les pressions qui auraient été exercées par la gérante à l'encontre des anciens salariés repris.



Il ressort en revanche des pièces versées aux débats que malgré plusieurs demandes écrites de la salariée et un rappel de l'inspection du travail par courrier du 16 février 2018, la société MASSENADIS n'a mis en oeuvre ni le régime de prévoyance favorable ni la mutuelle prévus par la convention collective « commerce de gros et de détails à prédominance alimentaire », qui demeurait applicable pendant une durée de 15 mois après sa dénonciation, de sorte que Madame [I] a dû souscrire une mutuelle à hauteur de 1.500 € sur la période, alors qu'elle aurait dû en bénéficier de la part de son employeur, et qu'elle n'a pas bénéficié du régime de prévoyance pendant ses arrêts de travail.



Ces derniers éléments constituent un manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, qui a causé à la salariée un préjudice qui sera évalué à la somme de 2.000 €, étant rappelé que celle-ci a été indemnisée distinctement de son préjudice matériel tenant à la non application du régime de prévoyance applicable lors de ses arrêts de travail.



Sur la demande d'indemnité compensatrice de congés payés



Aux termes de l'article L. 3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.



Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un État membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit État (CJUE 20 janv. 2009, aff. C- 350/06, Schultz-Hoff, pt 41 ; 24 janv. 2012, aff. C-282/10, Dominguez, pt 20).



Il convient en conséquence d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail.



En l'espèce, contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes, Madame [I] avait droit à des congés payés pour la période durant laquelle elle a été en arrêt de travail. N'ayant pas pu exercer ses droits à congés, elle a droit à une indemnité correspondante ainsi qu'elle le sollicite, pour les années 2018 à novembre 2020 inclus, soit 6.000 €.



La salariée sollicite dans le dispositif de ses conclusions que cette somme soit « à parfaire à la date de l'audience devant la cour ». Toutefois, la cour n'est saisie que de la demande chiffrée de la salariée, soit 6.000 €.



Il convient en conséquence d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ce point et statuant de nouveau, de fixer au passif de la société MASSENADIS la somme de 6.000 € à ce titre.



Les autres sociétés dans la cause n'étant pas l'employeur de la salariée sur la période concernée, il n'y a pas lieu de les condamner solidairement au paiement de cette somme. La salariée sera déboutée de la demande formée à leur encontre.



Sur la demande de fixation au passif des rappels de salaires au titre de la prévoyance collective



Le conseil de prud'hommes a condamné la société MASSENADIS au paiement des sommes suivantes :

-20.425,27 € à titre de rappel de salaire au titre de la prévoyance collective jusqu'en 2019,

-2.103,97 € à titre de rappel de salaire au titre de la prévoyance collective jusqu'en septembre 2020.



La salariée demande la fixation de ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société MASSENADIS, celle-ci étant survenue entre l'audience de jugement et le prononcé de la décision de première instance.



Au regard de l'ouverture de la procédure de liquidation, il y a lieu de faire droit à la demande de la salariée et de fixer les sommes concernées au passif de la liquidation de la société MASSENADIS.



La salariée sollicite dans le dispositif de ses écritures que la somme soit « à parfaire ». Toutefois, la cour n'est saisie que de la demande chiffrée de la salariée.



Sur la demande de congés payés afférents aux rappels de salaires au titre de la prévoyance collective



La salariée sollicite l'attribution des congés payés afférents aux rappels de salaires au titre de la prévoyance collective.



Toutefois, dans la mesure où il a déjà été fait droit plus haut à sa demande d'indemnité de congés payés pour la période considérée sur la base d'un salaire à taux plein, elle ne peut se voir attribuer deux fois des sommes au titre des congés payés sur la même période.



En conséquence, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes à ce titre.



Sur la remise des documents



Il convient d'ordonner au liquidateur judiciaire de la société MASSENADIS ainsi qu'aux sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et SNC STORETOP la remise en tant que de besoin des bulletins de salaire rectificatifs, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



Il y a lieu d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et statuant de nouveau, de fixer au passif de la société MASSENADIS les dépens de la première instance et de l'appel, ainsi que la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Sur les intérêts



En vertu de l'article L621-48 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux.



En conséquence, la salariée sera déboutée de ses demandes au titre des intérêts.



Sur la garantie de l'AGS



Il convient de déclarer le présent arrêt opposable à l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.



L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties, à l'exception de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,



Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Madame [I] de ses

demandes :

-de dommages et intérêts en réparation des manquements aux obligations d'exécution de bonne foi et de sécurité,

-d'indemnité compensatrice de congés payés,



Statuant de nouveau et y ajoutant,



Fixe au passif de la société MASSENADIS les sommes suivantes au profit de Madame [I]:

-20.425,27 € à titre de rappel de salaire au titre de la prévoyance collective jusqu'en 2019,

-2.103,97 € à titre de rappel de salaire au titre de la prévoyance collective jusqu'en septembre 2020,

-2.000 € de dommages et intérêts en réparation des manquements aux obligations d'exécution de bonne foi et de sécurité,

-6.000 € d'indemnité compensatrice de congés payés,

-2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute Madame [I] des demandes indemnitaires et au titre des rappels de salaires formées contre les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et SNC STORETOP,



Déboute Madame [I] de ses demandes au titre des intérêts,



Ordonne au liquidateur judiciaire de la société MASSENADIS ainsi qu'aux sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et SNC STORETOP la remise en tant que de besoin des bulletins de salaire rectificatifs, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire,



Fixe au passif de la société MASSENADIS les dépens tant de la première instance que de la procédure d'appel,



Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,



Dit que l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties, à l'exception de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.



LE GREFFIER LE PRESIDENT

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