14 septembre 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/22491

Pôle 5 - Chambre 9

Texte de la décision

16Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22491 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4KN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018000910





APPELANTS



SAS HAVEA GROUP anciennement dénommée LILAS 3

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 2]

immatriculée au RCS de la-Roche-Sur-Yon sous le numéro 823 334 578



Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de Me Didier MALKA, avocat au barreau de Paris, toque : L132



SARL AZIMUT Société de droit luxembourgeois

Prise en la personne de ses représentants légaux et statutaires domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3] ( LUXEMBOURG)



Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assistée de Me Daniel ROTA, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE et Me Valérie VERNET SIBEL, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEES



SARL AZIMUT Société de droit luxembourgeois

prise en la personne de ses représentants légaux et statutaires domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3] (LUXEMBOURG)



Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assistée de Me Daniel ROTA, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE et Me Valérie VERNET SIBEL, avocat au barreau de MONTPELLIER



SAS HAVEA GROUP anciennement dénommée LILAS 3

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 2]

immatriculée au RCS de la-Roche-Sur-Yon sous le numéro 823 334 578



Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de Me Didier MALKA, avocat au barreau de Paris, toque : L132



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 25 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie MOLLAT, Présidente

Mme Isabelle ROHART, Conseillère

Mme Déborah CORICON, Conseillère



qui en ont délibéré



Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.



GREFFIER : Mme Saoussen HAKIRI lors des débats.



ARRET :



- contradictoire,

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier présent lors de la mise à disposition.






*******************



Exposé des faits et de la procédure



La société [R] est une société spécialisée dans le développement, la fabrication et la distribution de compléments alimentaires et de produits de phytothérapie et de cosmétiques pour le grand public.



La société Azimut détenait la totalité des titres et droits de vote de la société [R].



Elle a engagé un processus de vente du groupe [R].



Le fonds d'investissement 3I a remis une offre indicative le 8 juillet 2016 indiquant souhaiter procéder à une acquisition sur la base d'une valorisation d'entreprise à hauteur de 310 millions d'euros pouvant être uniquement ajustée à la hausse puis une offre confirmative le 5 aout 2016 du même montant et un addendum du 23.08.2016 portant le prix de cession à 320 millions d'euros.



La cession s'est réalisée le 26.10.2016 avec une société véhicule du fonds d'investissement 3I, la société LILAS 3, pour une valeur de 310 millions d'euros outre un complément de prix en fonction de l'EBITDA 2016.



Le résultat de l'EBITDA 2016 n'a pas permis le versement du complément de prix.



Un litige s'élevait entre les parties, la société Lilas 3 soutenant avoir été trompée sur la valeur des titres acquis dans la mesure où la réintégration des provisions inscrites au titre des remises et participations publicitaires pour les années 2006, 2007 et 2008 dans les comptes intermédiaires de Vitarmonyl arrêtés au 30.03.2016 relevait d'un changement de pratique qui n'avait pas été porté à sa connaissance et où l'intégration de la CET 2015 dans les comptes 2016 de la société [R] Sanré relevait d'une opération dont le caractère exceptionnel n'avait pas été portée à sa connaissance, ce qui avait faussé son appréciation de la valeur du groupe.

Par ailleurs la société Lilas 3 a réclamé la mise en oeuvre de la garantie de passif suite au refus par l'administration fiscale en septembre 2017 d'un dégrèvement de contribution éonomique territoriale.



Par acte signifié le 22.12.2017 la société Lilas 3 a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société Azimut pour:

- à titre principal juger que la société Azimut a commis un dol qui a vicié le consentement de la société Lilas 3 à la cession en dissimulant intentionnellement d'une part les reprises de provision portant sur les RFA et PP inscrites au 30 juin 2016 dans les opérations courantes du résultat d'exploitation de la société Vitarmonyl, une des filiales du groupe [R] cédée, et d'autre part la comptabilisation le 17 juin 2016 dans les comptes de [R] du dégrèvement de CET octroyé au groupe [R] au titre de l'exercice 2015 et la voir condamner à lui verser la somme de 34.567.578 euros

- à titre subsidiaire de dire que la société Azimut a manqué à son devoir précontractuel d'information en n'informant pas la société Lilas 3 de l'existence des opérations litigieuses et réclamant la même indemnisation

- à titre infiniment subsidiaire de dire que la société Azimut a formulé une déclaration inexacte en déclarant à l'article 6.7 du contrat de cession que les comptes consolidés intermédiaires et les comptes 2015 ont été arrêtés et préparés conformément aux principes comptables et de condamner la société Azimut à la même somme

- en tout état de cause de dire que la société Azimut est tenue de garantir la société Lilas 3 du préjudice cause par suite de la remise en cause par l'administration fiscale du dégrèvement de CET qui devait être octroyé au groupe [R] au titre de l'exercice 2016 et de condamner la société Azimut à indemniser Lilas 3 en versant entre ses mains la somme de 2.767.126,80 euros.



Par jugement du 12.11.2021 le tribunal de commerce de Paris a:

- débouté la société LILAS 3 de sa demande de 34.567.578€ pour dol ;

- Condamné la société de droit luxembourgeois AZIMUT SARL à payer à la société LILAS 3 la somme de 2M€ de dommages et intérêts pour manquement à son devoir d'information sur les reprises de provisions au 30 juin 2016 ;

- Débouté la société LILAS 3 de sa demande de 2.767.126,80€ suite à la remise en cause par le fisc du dégrèvement de CET 2015 comptabilisé dans les comptes au 30 juin 2016 ;

- Débouté la société de droit luxembourgeois AZIMUT SARL de sa demande de prononcé de la résiliation du contrat de cession en ses modalités de paiement de la quote-part de prix de 20M€ et de remboursement de cette somme à la société LILAS 3 avec intérêts ;

- Débouté la société de droit luxembourgeois AZIMUT SARL de ses demandes reconventionnelles de 3,5M€ au titre de préjudice financier, de 1M€ au titre de préjudice moral de perte d'image et de 200.000€ pour procédure abusive ;

- Condamné la société de droit luxembourgeois AZIMUT SARL aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe,

- Condamné la société de droit luxembourgeois AZIMUT SARL à payer à la société LILAS 3 la somme de 100.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Débouté les parties de leurs demandes supplémentaires, autres ou contraires ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présentjugement.



Le 11.10.2022 la société Lilas 3 a revendu le groupe [R].



La société Azimut a formé appel par déclaration d'appel du 20.12.2021..



Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 9 mai 2023, la société Azimut demande à la cour de:

CONFIRMER le jugement du 12 novembre 2021 en ce qu'il a débouté la société HAVEA GROUP (anciennement LILAS 3) de sa demande de condamnation d'AZIMUT à lui payer les sommes :

- de 34.567.578 € à titre principal pour dol, à titre subsidiaire pour manquement au devoir précontractuel d'information et à titre infiniment subsidiaire pour Déclaration inexacte à l'article 6.7 du Contrat de cession.

- de 2.767.126,80 € suite à la remise en cause par le fisc du dégrèvement de CET 2015

comptabilisé dans les comptes de la SAS [R] SANTE au 30 juin 2016.

INFIRMER le jugement du 12 novembre 2021 en ce qu'il a :

- Condamné la société AZIMUT à payer à la société HAVEA GROUP (Anciennement

LILAS 3) la somme de 2M€ de dommages et intérêts pour manquement à son devoir d'information sur les reprises de provisions au 30 juin 2016 ;

- Débouté la société AZIMUT de ses demandes reconventionnelles de 3,5 M€ au titre du préjudice financier, de 1M€ au titre de préjudice moral de perte d'image et de 200.000 € pour procédure abusive ;

- Condamné la société AZIMUT aux dépens et à payer à la société HAVEA GROUP (Anciennement LILAS 3) la somme de 100.000€ au titre de l'article 700 du CPC;

- Débouté du surplus la société AZIMUT de ses demandes ;

STATUANT A NOUVEAU DE CES CHEFS :

- DEBOUTER la société HAVEA GROUP (anciennement LILAS 3) de l'ensemble de ses demandes.

- CONDAMNER la société HAVEA GROUP (anciennement LILAS 3) à payer à la société AZIMUT la somme de 3.500.000€ à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier.

- CONDAMNER la société HAVEA GROUP (anciennement LILAS 3) à payer à la société AZIMUT la somme de 1.000.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de perte d'image.

- CONDAMNER la société HAVEA GROUP (anciennement LILAS 3) à payer à la société AZIMUT la somme de 200.000 € pour procédure abusive,

-CONDAMNER la société HAVEA GROUP (anciennement LILAS 3) à payer à la société AZMIUT la somme de 600.000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.



Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 9.05.2023 la société Havea Group anciennement dénommée Lilas 3 demande à la cour de:

INFIRMER LE JUGEMENT DU 12 NOVEMBRE 2021 en ce qu'i1 :

- « déboute la société Lilas 3 de sa demande de 34.567.576 € pour dol » ;

- « condamne la société de droit luxembourgeois Azimut SARL à payer à la société Lilas 3 la somme de 2 millions d'euros de dommages-intérêts pour manquement à son devoir d'information sur les reprises de provisions au 30 juin 2016 » ;

- « déboute la société Lilas 3 de sa demande de 2. 767.126, 80 euros suite à la remise en cause par le fisc du dégrèvement de CET 2015 comptabilisé dans les comptes au 30 juin 2016 » ;

- « déboute les parties de leurs demandes supplémentaires, autres ou contraires » ;

STATUANT A NOUVEAU,

Sur les reprises de provisions et le dégrèvement de CET 2015:

CONDAMNER Azimut à payer à Havea Group la somme de 34.567.578 euros ;

Sur la remise en cause par l'administration fiscale du dégrèvement de CET 2016:

CONDAMNER Azimut à payer à Havea Group la somme de 2.767.126,80 euros ;

Sur les demandes d'Azimut:

CONFIRMER le jugement entrepris et DEBOUTER Azimut de l'ensemble de ses demandes ;

Sur l'article 700 du CPC et les dépens:

CONFIRMER le jugement entrepris,

CONDAMNER Azimut à payer à Havea Group une somme supplémentaire de 100.000 euros au titre des frais engagés pour la procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER Azimut aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP GRV en application de l'article 699 du code de procédure civile.








MOTIFS DE LA DECISION



Sur les informations dont la communication est en litige



La société Azimut soutient que tant la reprise des provisions 2006,2007 et 2008 que l'intégration dans les comptes de la CET 2015 ont été portée à la connaissance de la société Lilas 3.



Elle souligne que la société 3I est un professionnel de l'investissement, accompagné par des professionnels dans le cadre des nombreux audits diligentés, que l'information du cessionnaire a été complète: du fait des audits, qui démontrent qu'il a pris connaissance de tous les documents sans que rien ne lui soit caché, étant précisé que cette dissimulation n'était pas de l'intérêt des cédants qui restaient s'agissant de Monsieur [D] [R] et du DG, Monsieur [I], dans la société après la cession et n'avaient donc pas d'intérêt à cacher quoi que ce soit, il a en outre fait réaliser des audits complets.



Elle soutient ainsi que le cessionnaire a été informé des reprises de provision qui étaient dans les comptes remis pour 2016 qui ont été discutées entre les parties dans une réunion du 19.09.2016, qu'il lui appartenait de poser les questions si des interrogations restaient et qu'il n'appartenait pas au cédant demettre en exergue cette reprise des provisions comme l'a retenu le le tribunal de commerce pour retenir le défaut d'information.



Elle fait valoir que le CAC a certifié les comptes consolidés intermédiaires au 30 juin 2016, n'a émis aucun document correcteur sur les comptes consolidés au 31.12.2016 et fait preuve de mauvaise foi en remettant en cause la reprise des provisions un an après.



S'agissant du remboursement de la CET elle expose que le changement de méthode de l'administration fiscale n'a pas permis d'intégrer le dégrèvement 2015 aux comptes 2015, et que le traitement comptable est conforme s'agissant de l'imputer sur les comptes 2016 et non 2015 en l'absence de connaissance du montant du produit à recevoir fin 2015.



Elle soutient que la cessionnaire était parfaitement informée de cette intégration au regard des échanges intervenus entre les parties.



La société Lilas 3 soutient qu'aucune information n'a été portée à sa connaissance concernant cette reprise des provisions et le caractère exceptionnel du remboursement fiscal voire même que ces informations lui ont été sciemment dissimulées au regard des échanges intervenus entre les parties.



Sur ce



sur la reprise des provisions



Le groupe [R] Santé était composé de 4 filiales dont la société Vitarmonyl.



La société Vitarmonyl distribue des produits en grande distribution, elle a conclu des accords commerciaux avec des enseignes de grande distribution prenant la forme de remise sur facture, de remises de fin d'année (RFA) et de participations publicitaires PP. Elle comptabilise chaque année des provisions pour charges à payer en attente de l'émission des factures correspondantes par les enseignes concernées.



A l'issue d'une certaine période correspondant initialement aux délais de prescription des actions en paiement avant la réforme de 2008, soit 10 ans, délai qui n'a pas été modifié après que le délai de prescription soit passé de 10 à 5 ans, des reprises de provision sont effectuées si les sommes payées au titre des remises et des participations publicitaires sont inférieures aux provisions passées.





Ainsi chaque année sont reprises les provisions passées 10 ans auparavant et non utilisées dans le cadre des accords commerciaux.



Il n'est pas contesté qu'au cours de l'exercice 2016 ont été reprises les provisions des années 2006, 2007 et 2008 pour un montant total de 1.081.887 euros se décomposant en 369.884 euros pour l'année 2006, 365.842 euros pour l'année 2017, 346.161 euros pour l'année 2018.



Ces reprises de provision ont été inscrites le 30.06.2016 dans les comptes de la société Vitarmonyl qui sont intégrés dans les comptes consolidés intermédiaires de la société [R].



Il ressort des éléments du dossier que pour les années précédentes la reprise sur provision avait concerné uniquement les provisions passées au cours de la 10ème année précédente et que la reprise de provision était effectuée dans les comptes annuels arrêtés au 31.12 car correspondant à une opération annuelle.



Il n'est pas rapporté la preuve par la société Azimut, débitrice de cette information, que cette modification dans les principes comptables appliqués jusque là par la société Vitarmonyl ait été spécifiquement portée à la connaissance de la cessionnaire au cours des opérations d'audit des comptes intermédiaires arrêtés au 30.06.2016 diligentés dans le cadre de la cession.



Sur le remboursement de la CET



Il ressort des écritures même de la cédante qu'en 2015 l'administration fiscale a modifié pour le groupe [R], le calcul de la cotisation économique territoriale qui est constituée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la cotisation foncière des entreprises. La valeur foncière du site industriel du groupe qui était jusqu'alors répartie entre les différentes sociétés du groupe occupant le site, a été affectée en totalité à la société propriétaire, le groupe [R] Santé.



Il en est résulté que la société holding a pu demander la mise en oeuvre du plafonnement prévu par le texte et effectuer une demande de dégrévement.



Un remboursement de CET a ainsi été obtenu par la société [R] Santé d'un montant de 208.000 euros qui a été réglé le 17.06.2016.



Or il avait été décidé, s'agissant des comptes annuels de l'exercice 2015, d'inscrire dans les comptes le montant de la CET pour un montant inchangé à celui supporté précédemment par les différentes sociétés du groupe et de ne pas constater de produit à recevoir découlant du changement d'affectation de la valeur du site industriel, compte tenu du fait que la décision de l'administration fiscale avait été portée à la connaissance de la cédante oralement.



Ce n'est que dans le courant de l'année 2016 que la société [R] a obtenu au titre du dégrèvement de CET 2015 la somme de 208.000 euros.



Cette somme a été incluse dans les comptes intermédiaires du 30.06.2016.



Il n'apparait pas des éléments versés aux débats que cette somme ait été portée en produits exceptionnels et donc non incluse dans l'EBITDA au 30.06.2016.



Il importe peu de déterminer le traitement comptable qui aurait du être celui de cette somme, il importe par contre de souligner que ledit remboursement relevait d'une opération exceptionnelle car résultant d'un changement de pratique de l'administration fiscale et qu'il n'est pas établi que l'attention du cessionnaire ait été attirée spécifiquement sur l'intégration de cette somme dans le résultat d'exploitation des comptes intermédiaires du 30.06.2016.



En effet, si il ressort du rapport de la SAS Ledouble mandatée par la société Lilas 3 dans le présent litige que l'échange de mails entre Monsieur [Y] du groupe [R] Santé et Monsieur [C] du cabinet Paris Corporate Finance, qui accompagnait la société Azimut dans le cadre de la cession, a été porté à la connaissance de la cessionnaire s'agissant de question sur le plafonnement de la CET et sur la baisse de la charge de la CET, ces échanges ne précisent pas qu'un dégrèvement pour 2015 a été obtenu qui a été inclus dans les comptes 2016 et ne permettent donc pas de considérer que l'attention du cessionnaire a été attirée sur l'affectation du remboursement exceptionnel au résultat courant.



Enfin, la cour constate qu'il a été procédé à un calcul de l'EBITDA consolidé et retraité au 30.06.2016 et que cette pièce a été placée dans la data room le 7.10.2016 ainsi qu'en rapporte la preuve la pièce 34 de l'appelante.



Il ne ressort pas de ce calcul que le remboursement de la CET ait été déduit, ni que les provisions 2006, 2007 et 2008 aient été déduites de l'EBITDA intermédiaire au 30.06.2016.

Les opérations litigieuses, non portées à la connaissance de la cessionnaire, ont donc impacté l'EBIDTA au 30.06.2016 du groupe [R] Santé.



Sur le dol



La société Lilas 3 soutient que ces dissimulations doivent être qualifiées de dolosives en ce qu'elles sont intentionnelles, et en ce qu'elles ont impacté l'Ebitda de la société qui était un élément déterminant de la fixation du prix comme le savait parfaitement la cédante e au regard des éléments contractuels échangés.



Elle expose en conséquence que les conditions du dol sont réunies.



La société Azimut soutient pour sa part qu'il n'est pas entré dans le champs contractuel que le prix de vente de la société était fondé sur l'Ebitda de telle sorte que le fait que celui ci soit impacté par les informations dont il est soutenu qu'elles sont été cachées au cessionnaire n'a pas de caractère déterminant permettant de retenir un dol par omission.



Sur ce



L'article1137 du code civil dispose que le dol est le fait pour un cocontractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant.



Il appartient à la partie qui soutient l'existence d'un dol, en l'espèce la société Lilas 3, de caractériser les manoeuvres pratiquées par son cocontractant.



En l'espèce force est de constater que les informations litigieuses ont été portées dans les comptes qui ont été communiqués au cessionnaire et n'ont pas fait l'objet d'une dissimulation de la part de la société cédante.



S'agissant de la réticence dolosive qui serait constituée par le fait pour la société Azimut de ne pas avoir attiré, de manière intentionnelle, l'attention de la cessionnaire sur le changement de pratique concernant les provisions et l'imputation dans les comptes 2016 du remboursement de la CET2015, elle n'est pas caractérisée par la société Lilas 3 étant précisé que :

- la cession a concerné un groupe constitué de 5 entités: la hodling de tête et 4 filiales LaboratoiresVitarmonyl, Institut de recherches biologiques, [R] Vitarmonyl Industries, Laboratoire Biopha générant un chiffre d'affaire au 31.12.2015 de 156 millions d'euros et comprenant plus de 400 salariés et vendant ses produits dans plusieurs pays,

- la société Lilas 3 s'est fait accompagner dans le processus d'acquisition entre autre par Natixis qui a élaboré un document d'évalution de la société cédée, de 61 pages et Pwc qui a établi un document d'analyse financière de la société de 121 pages

- 18.000 documents ont été placés en data room

- plusieurs réunions de travail ont été organisées et de très nombreuses questions qui étaient mi- septembre supérieures à 500, ont été posées et ont fait l'objet de réponses.

Au regard de l'ampleur des informations communiquées par écrit et oralement sur les sociétés cédées et de la qualité et de la transparence de ces informations reconnue par les auditeurs dans leurs rapports respectifs,l'absence d'information retenue ne présente pas de caractère volontaire de dissimulation.



En outre il n'est pas rapporté la preuve que les représentants de la société Azimut ont menti en répondant aux questions posées.



La question n°10 qui a été posée s'agissant de l'augmentation des provisions pour les remises et les participations publicitaires entre les chiffres au 30.06.2016 par rapport aux chiffres au 30.06.2015 ne concerne nullement la reprise comptable des provisions passées en 2006,2007 et 2008 mais concerne uniquement les provisions passées au cours des premiers 6 mois 2016 et donc ne saurait caractériser la dissimulation intentionnelle d'informations.



De la même façon et comme il a été déjà été expliqué ci-dessus, la question posée de la baisse des taxes à fin juin 2016 par rapport à fin juin 2015, question à laquelle il a été répondu, ne concerne nullement l'affectation comptable du remboursement reçu en suite du dégrèvement obtenu par la société [R] santé.



En conséquence en l'état d'une opération de cession au cours de laquelle tous les documents financiers et comptables de la société ont été communiqués à la société souhaitant acquérir, au cours de laquelle des audits complets et détaillés sur les comptes et sur la valorisation de la société ont été opérés par les professionnels mandatés par la cessionnaire, au cours de laquelle des centaines de questions ont été posées aux représentants de la société cédante sur la société cédée, il n'apparait pas que l'absence d'informations de la société Lilas 3 s'agissant de la reprise des provisions et du remboursement de la CET puisse être caractérisée de dolosive.



Le jugement de première instance est confirmé s'agissant du rejet du dol.



Sur le manquement à l'obligation d'information précontractuelle



La société Azimut conteste le fait que l'EBIDTA à fin 2016 ait constitué un élément essentiel du contrat exposant que le prix de cession n'a pas été fixé sur la base des comptes 2016 mais 2015 puisque l'offre ferme a été effectuée sur la base des comptes 2015 et avant la communication des comptes intermédiaires de juin 2016 dans lesquels ont été intégrées les deux éléments litigieux.



Elle souligne qu'elle n'était pas au courant du calcul effectué par le cessionnaire s'agissant d'appliquer à un EBITDA un multiple dont elle n'avait pas plus connaissance et qu'en conséquence les éléments de calcul ne peuvent lui être opposés.



Elle rappelle qu'elle a refusé tout montant non ferme sauf s'agissant du complément de prix et il ne peut lui être opposé aujourd'hui un prix variant selon l'EBIDTA car ce n'est pas l'accord des parties.



Elle fait valoir enfin que que la décision d'acquérir et la fixation du prix par le cessionnaire ne peut se résumer à un EBIDTA dont les éléments ne sont pas définis mais correspond à l'ensemble de la société: produits, RetD, réseau commercial etc.



La société Lilas 3 soutient que les informations non portées à sa connaissance avaient un caractère essentiel pour elle et expose que contrairement à ce que soutient l'appelante l'EBITDA est rentré dans le champs contractuel au regard des documents contractuels, s'agissant de l'EBIDTA au 30.06.2016 et au 31.12.2016, comme étant la base de calcul du prix de cession et donc présentant un caractère déterminant pour la fixation du prix, que la définition du calcul de l'EBITDA est rentrée dans le champs contractuel s'agissant d'un calcul n'intégrant pas les éléments non récurrents.



Elle fait valoir que l'EBITDA a été affectée par la reprise des provisions et l'intégration de la CET 2015, qui sont des éléments non récurrents qui auraient du être pour les provisions comptabilisés en produits exceptionnels et non en produits d'exploitation, et elle expose en outre que les provisions reprises ont été supérieures à celles qui auraient du l'être si la cédante avait continué à appliquer ses normes comptables, que seules les provisions de 2006 auraient du être reprises et non de 2007 et 2008, que s'agissant de la CET 2015 elle aurait du être rattachée à l'exercice 2015.



Elle soutient qu'un prix moindre aurait été proposé si ces informations avaient été connues en ce qu'ils affectaient l'EBITDA au 30.06.2016 et au 31.12.2016.



Sur ce



L'article 1112-1 du code civil dispose que celle des parties qui connait une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entrainer l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.



Ainsi qu'il a été rappelé supra l'absence d'informations par la société Azimut de la société Lilas 3 concernant d'une part les reprises de provision et d'autre part l'imputation dans les comptes 2016 du remboursement de la CET 2015, est établie et ces opérations ont affecté l'EBIDTA de la société.



Il n'est pas décrit dans le contrat de cession les éléments sur lesquels la société Lilas 3 s'est fondée pour déterminer la valeur de l'entreprise.



Il n'en demeure pas moins que dans sa lettre d'intention du 8 juillet 2016 la société 3I indique que la valorisation proposée de 310.000 millions d'euros s'appuie notamment sur la perspective de ventes nettes à fin 2016 de 112.000.000 euros et d'un EBITDA normatif consolidé à fin 2016 de 23.600.000 telle que présenté dans l' Information Memorandum. Ce niveau de valorisation correspond à un multiple de ventes nettes FY 16 de 2.75x et d'EBITDA normatif consolidé à fin 2016 de 13,1x, tous deux supérieurs à l'ensemble des résultats induits par différentes méthodes de valorisation (...).

Cette valeur d'entreprise de 310 millions d'euros constituera un prix minimum garanti, sous réserve que nous puissions valider les éléments financiers historiques et l'EBIDTA FY 16 normatif consolidé présentés dans l' Information Memorandum.



Dans son offre ferme et définitive du 5.08.2016 la société 3I confirme une valeur d'entreprise minimale de 310 millions d'euros malgré un EBIDTA normatif consolidé à fin 2016 légèrement revu à la baisse lors des diligences financières et indique en page 4 de son offre que cette valorisation minimale repose sur la perspective d'un EBIDTA normatif consolidé à fin 2016 de 23,2 millions d'euros correspondant à l'EBITDA de 23,6 millions présenté dans l'Information Memorandum, retraité de 0,3 millions d'euros de provisions sur stock qui présentent selon les analyses de PwC un véritable caractère opérationnel et qui doit être ainsi classifié en EBIDTA selon les normes comptables françaises et OFRS ainsi que l'ajustement sur la C3D de 0,3 million d'euros qui sera finalement maintenue dans le projet de loi de finance pour 2017.



La société 3I indique que le multiple d'EBIDTA correspondant à la valeur d'entreprise de 310 millions d'euros s'établit donc à 13,4x (vs 13,1x dans la LOI).



La société Azimut était donc informée de l'importance pour la cessionnaire de l'EBITDA de l'année 2016 et donc de la nécessité qui en découlait pour la société 3I de disposer de l'ensemble des éléments lui permettant d'apprécier l'EBIDTA devant être réalisé au terme de l'année 2016 au cours de laquelle la cession devait avoir lieu.



En n'informant pas sa cocontractante des éléments litigieux alors que ceux ci étaient déterminant du consentement de la société 3I, la société Azimut a engagé sa responsabilité contractuelle.



Le jugement de première instance est confirmé à ce titre.



Sur le préjudice



La société Lilas 3 évalue son préjudice à la somme de 34.567.578 euros en indiquant que le montant majoré de l'EBIDTA au 30.06.2016 était de 1.289.835 euros, qu'il s'ensuit que l'EBITDA normatif consolidé au 31.12.2016 a ainsi été surévalué de 2.579.670 euros, que la valeur de l'entreprise a donc été surévaluée de cette somme multipliée par le coefficient indiqué dans l'acte de 13,4. Elle indique donc qu'elle a versé 11% de plus que ce qu'elle aurait payé si elle avait eu connaissance des informations litigieuses et que c'est une offre diminuée de ce montant qu'elle aurait offerte.



La société Azimut indique que le préjudice ne peut être, s'agissant du défaut d'information, qu'une perte de chance de ne pas avoir contracté à un prix moindre et expose qu'il n'existe aucune perte de chance car d'une part les cédants avaient informé la cessionnaire qu'ils vendaient à 310.000.000 euros, et que ce prix n'était pas susceptible de révision et qu'il n'y aurait pas eu de vente pour un prix moindre, et d'autre part, au regard de la communication de la société 3I celle ci ne voulait pas rater cette vente.



S'agissant de la fixation de la valeur de la baisse qui aurait pu obtenue ils soulignent que la reprise des provisions a été absorbée par l'augmentation des dépenses promotionnelles en 2016 qui a été au bénéfice uniquement du cessionnaire puisqu'ayant porté ses fruits à compter de 2016 et qu'en conséquence il n'existe aucun préjudice pour celui ci lié à une surélévation de l'EBITDA qui n'existe pas de ce fait.



Sur ce



Il y a lieu de rappeler aux parties que le préjudice découlant du défaut d'information qui a été retenu ne peut consister qu'en une perte de chance pour la société cessionnaire d'avoir acquis à un prix plus bas que celui qu'elle a payé en exécution du contrat de cession.



A ce titre la cour doit évaluer le préjudice économique indemnisable pour perte de chance en :

-déterminant la valeur de la baisse de prix manquée par la cessionnaire du fait du défaut d'information retenue à l'encontre de la société Azimut qui constitue l'absence de survenance de l'évènement favorable empêché par le fait générateur ;

-déterminant la probabilité de l'évènement favorable avant la survenance du fait générateur, en l'espèce quelles auraient été les chances de la société Lilas 3 d'obtenir une baisse du prix de cession si elle avait été pleinement informée

-multipliant ensuite la valeur du gain manqué par la probabilité de son occurrence.



A ce titre il convient dans un premier temps d'évaluer la baisse de prix maximum à laquelle elle aurait pu prétendre et dans un second temps de déterminer à partir de cette base quelle était le pourcentage de chance qu'elle réussisse à faire baisser le prix du montant maximum calculé.





Sur la valeur de la baisse de prix manquée



Il ressort du contrat de cession en date du 28.10.2016 que:

- la valeur de l'entreprise pour 100% du capital est fixée à un montant de 310.000.000 euros

- le prix pour la totalité des actions est déterminé en déduisant la dette nette consolidée 2016 de la valeur initiale de l'entreprise

- que le prix pourra faire l'objet d'un complément de prix si L'EBITDA 2016 est égal à 23.600.000 euros.



Il n'est pas décrit dans le contrat de cession les éléments sur lesquels la société Lilas 3 s'est fondée pour déterminer la valeur de l'entreprise mais il a été rappelé ci-dessus qu'il est fait référence tant dans la LOI que dans l'offre ferme à l'EBIDTA prévisible fin 2016.



S'agissant de la provision pour les remises et participations publicitaires 2006 il a été constaté qu'elle avait été incluse dans les comptes intermédiaires alors qu'elle aurait du être incluse en fin d'année car s'agissant d'une écriture annuelle. Elle n'a donc pas imputé la perpective de l'EBIDTA 2016 puisqu'elle aurait été prise en compte.



La cour souligné à ce titre que la société 3I a indiqué dans son offre ferme, avoir effectué un retraitement de l'EBIDTA 2016 attendue en prenant en compte les provisions sur stock qui sont un écriture annuelle et non intermédiaire. Cela démontre que des charges annuelles et non semestrielles ont été prises en compte dans l'évaluation de l'EBIDTA 2016 par la société 3I.



En outre la société Lilas 3 ne donne aucun élément s'agissant du calcul de la prévision de l'EBIDTA 2016 et en particulier ne rapporte pas la preuve que celui ci consisterait en un simple 'doublement' de l'EBIDTA au 30.06.2016.



Cette formule de calcul ne résulte d'aucun élément qui aurait porté à la connaissance de la société cédante étant précisé en outre que la simple lecture des comptes intermédiaires aurait du permettre à la société acquéreur de se rendre compte que des écritures présentant un caractère annuel et non semestrielles étaient incluses et donc d'opérer les retraitements nécessaires. En effet il résulte de la balance des comptes généraux et auxiliaires pour la période du 1.01.2016 au 30.06.2016 produite en annexe du rapport Ledouble que des écritures à caractère annuel sont déjà inscrites tel que les amortissements et les provisions.



En conséquence il convient de retenir qu'il n'a pas été porté à la connaissance de la société acquéreur des opérations exceptionnelle ou différant des pratiques de la société affectant la prévision d'EBIDTA 2016 pour un montant de 712.002 (provisions reprises de 2007 et 2008)+ 208.000 euros (remboursement de la CEF) soit 920.002 euros et d'écarter du calcul la reprise des provisions 2006.



Le fait que la reprise des provisions ait été, selon le cédant, absorbée par l'augmentation des dépenses promotionnelles en 2016 qui a été au bénéfice uniquement du cessionnaire puisqu'ayant porté ses fruits à compter de 2016, importe peu. En effet ce qui est reproché au cédant ce n'est pas un EBIDTA prévisible plus bas que celui annoncé dans le Memorandum Information établie par lui mais le fait que des éléments permettant au cessionnaire d'évaluer lui même la prévisibilité des chiffres annoncés n'ont pas été portés à sa connaissance. Si cette information avait été délivrée une discussion aurait pu être engagée entre les parties sur cette 'compensation' et donc sur le fait que la prévisibilité de l'EBITDA n'était pas affectée malgré le changement d'usage mais en l'espèce cette négociation n'a pas pu se tenir.



La prévision d'EBIDTA 2016 a donc été améliorée de 920.002 euros.

Le coefficient multiplicateur de 13.4 que la société acquéreur a indiqué avoir appliqué sur l'EBIDTA 2016 à venir pour parvenir à son offre de prix aux termes de son offre ferme s'applique sur cette somme.

La base du calcul de la perte de chance s'établit donc à 12.328.026,80 euros (920.002 x 13,4).



Sur la perte de chance



Pour évaluer les chances qu'avait la société Lilas 3 d'obtenir une baisse du prix de 12.328.026 euros la cour retient les éléments suivants.



En premier lieu, après avoir pris connaissance de la letter of interest de la société 3I, les actionnaires de la société Azimut société qui cédait le groupe [R] Santé ont écrit au directeur général de la société Azimut qui pilotait les négociations:

- qu'ils avaient comme référence l'offre de Warenburg du 17.04.2016 qui situait la valeur du groupe entre 300 et 370 millions d'euros

- qu'ils estimaient que l'offre de 310 millions d'euros se situait donc dans la fourchette basse et demandaient de négocier cette valeur à la hausse éventuellement sous forme de bonus en cas de dépassement des objctifs budgétaires

- que néanmoins et comme il avait été déjà demandé à Warenburg il était impératif pour eux d'obtenir un prix minimum garanti, ferme et définitif, non discutable et sans aucune possibilité de révision et qu'à défaut d'obtenir cet agrément le groupe familial ne céderait pas ses titres.



Ce courrier en date du 12.07.2016 démontre la volonté ferme des actionnaires de la société Azimut cédante du groupe [R] Santé de ne pas descendre en dessous d'une valorisation de 310.000 euros et démontre qu'une offre précédente a été refusée, ce qui rapporte la preuve qu'un refus de vendre aurait pu intervenir si les conditions posées n'avaient pas été acceptées.

La conur constate que l'offre effectuée par la société 3I est une offre ferme et définitive pour un montant de 310 millions d'euros, non révisable, conformément aux demandes du groupe familial.



Il importe peu que ce courrier n'ait pas été porté à la connaissance de la société 3I, étant précisé que son contenu était connu de celle ci au regard de l'offre ferme établi le 5 août, pour apprécier la perte de chance, la cour pouvant se fonder sur tous les éléments de nature à permettre d'apprécier celle ci.



En second lieu le caractère non discutable de l'offre a en outre été bien prise en compte par la société 3I.



En effet suite aux premiers travaux d'audit le calcul d'EBITDA prévisible à fin 2016 a été fixé à un niveau plus bas que celui annoncé dans le Memorandum Informations établi par la société cédante en juin 2016. Pour autant le montant de la valeur de la société n'a pas baissé, seul le coefficient calculateur a été adapté dans l'offre définitive du 5.08.2016 par la cessionnaire pour que la valorisation de la société reste la même, le coefficient calculateur passant de 13,1 à 13,4.



En troisième lieu la cour souligne que la valeur de l'entreprise, comme l'indique d'ailleurs la LOI, ne peut être basée uniquement sur l'EBIDTA prévisible à la fin de l'année pendant laquelle la cession intervient mais repose aussi sur de multiples éléments comme le rappelle à juste titre la société Azimut: produits, RetD, réseau commercial, et prend en compte tant le passé et le présent pour apprécier le potentiel de celle ci.



A ce titre aucune critique n'est effectuée concernant les éléments dont les éléments financiers mis à disposition de la cessionnaire et celle ci a donc pu se faire une idée très juste de l'état du groupe [R] et évaluer son potentiel de développement. Il ne peut donc être soutenu par la société Lilas 3 que le résultat d'exploitation à venir , en l'absence de toute clause de révision du prix à la baisse en fonction desdits résultats, était un élément prépondérant dans la décision d'acquisition et dans la proposition de prix.



En quatrième lieu il ressort des déclarations même de Monsieur [E] qui dirigeait la filiale française et espagnole de 3I et qui a été l'un des acteurs de l'opération d'acquisition du Groupe [R] sur BFM Business le 20.05.2017 que la société 3I s'intéresse au groupe [R] depuis 2003, soit 13 ans avant la cession, et a suivi son développement pour être présent lorsque la famille [R] allait se décider à vendre.



La société 3I présente donc une volonté ancienne et réitérée d'acquérir la société qui permet de présumer un maintien de la valeur proposée face aux exigences du groupe familial concernant la valorisation minimum de la société cédée pour assurer la cession à son profit.



En conséquence il appert de ces différents éléments que la chance pour la société 3I de faire baisser la valeur de la société était très réduit, principalement en raison de la position très ferme de la famille [R], et en conséquence la perte de chance doit être évaluée à 5%.



Il s'ensuit que le préjudice subi par la société 3I s'établit à 12.328.026,80 euros x 5%, soit 616.401,34 euros.



Le jugement de première instance est infirmé sur le montant du préjudice et la société Azimut est condamnée à payer à la société Lilas 3 la somme de 616.401,34 euros.



Sur la garantie d'actif et de passif



La société Lilas 3 mobilise la garantie de passif consentie pour demander la condamnation de la société Azimut à lui verser la somme de 2.767.126,80 euros correspondant à la charge révélée après la cession mais relevant d'un exercice précédent la cession.

Elle expose qu'en effet l'administration fiscale a par des courriers en date du 27.12.2016 et du 5.09.2017 remis en cause le dégrèvement de CET octroyé au groupe [R] pour la somme de 209.222 euros.

En réponse au moyen soulevé par la société Azimut du plancher minimum de montant permettant la mobilisation de la garantie elle expose que le seuil de 1 million d'euros doit s'entendre comme le montant total des préjudices réclamés.



La société Azimut expose que la demande est inférieure au plafond minimum prévu dans le contrat: 1.000.000 euros.

Elle indique ensuite que la cessionnaire est de mauvaise foi car l'administration fiscale dans son courrier du 5.09.2017 annonce en contrepartie, un dégrèvement de CET 2016 de 275.004 euros rendant sans objet la demande de dégrèvement au titre du plafonnement soit un excédent de 65.782 euros.



Sur ce



L'article 8 du contrat de cession intitulé 'Garantie-Indemnisation' stipule que le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire selon les modalités précisées ci-après, de tout préjudice supporté par le cessionnaire ou ses sociétés:

i) qui résulterait du défaut d'exactitude, de sincérité ou du caractère incomplet d'une déclaration ou garantie figurant à l'article 6 ci dessus et/ou

ii) qui résulterait d'une gestion qui ne serait pas conforme aux stipulations de l'article 15 et qui aurait sa source dans des faits antérieurs à la date de réalisation et/ou

iii) qui résulterait du montant de tout impôt ou contribution sociale qui serait supporté par le cessionnaire ou l'une des sociétés et de tout avantage en matière d'impôt (notamment crédits d'impôt ou autre régime de report ou de sursis d'imposition) ou contributions sociales qui serait remis en cause, à la suite de tout redressement ou acte d'une administration (antérieur ou postérieur à la date de réalisation) concernant une période antérieure à la date de réalisation.



L'article 11.3 qui figure sous l'article 11 intitulé 'Seuil-plafond-garantie de la garantie' stipule que la responsabilité du cédant ne pourra être mise en jeu, lors de chaque réclamation directe ou indirecte, tant que le montant total de réduction de prix auquel le cessionnaire peut prétendre au titre des préjudices n'excédera pas globalement un seuil de 1.000.000 euros étant entendu que ce montant constitue un seuil de déclenchement et non une franchise. Toutefois lorsque le montant du seuil aura été atteinte l'obligation du Cédant de payer l'indemnisation couvrira l'intégralité du montant au-delà de 500.000 euros, ces 500.000 euros constituant une franchise.



Le périmètre d'application du seuil doit s'analyser à la lecture de l'article 11.4 qui stipule que par exception les limitations stipulées aux articles 11.1 à 11.3 ci-dessus ne s'appliqueront pas aux réclamations directes ou indirectes résultant du défaut d'exactitude, de sincérité ou du caractère incomplet d'une déclaration ou garantie figurant aux articles 6.1 à 6.4 ci-dessus.

Il s'en déduit que l'article 11.3 s'applique à l'ensemble des garanties et qu'en conséquence l'ensemble des demandes faites sur le fondement des garanties prévues doit être prise en compte pour déterminer si le seuil est atteint ou non .



Or en l'espèce la société Lilas 3 a effectué des demandes en faisant valoir le défaut de sincérité des comptes consolidés intermédiaires sur le fondement de l'article 6.7 qui stipule que les comptes consolidés intermédiaires doivent être réguliers et sincères. Ces demandes relèvent des garanties prévues par l'article 8 de telle sorte que les réclamations effectuées par la cessionnaire, au sens de l'article 11.3 qui décline les conditions de seuil de la mise en oeuvre des garanties, aboutissent à un montant total de réduction de prix de plus de 1.000.000 euros quand bien même les réductions de prix n'auraient pas été accueillies par la présente cour aux montants initialement réclamés.



La demande de mobilisation de la garantie est donc recevable.



Contrairement à ce que soutient, en violation du contrat, la société Lilas 3, la mise en oeuvre de cette garantie n'aboutit pas à la réduction du prix de vente mais à l'indemnisation du préjudice qui résulte du montant de l'impôt remis en cause par l'administration.

C'est donc à tort que la société Lilas 3 demande un préjudice correspondant aux droits remis en cause multipliés par le coefficient de calcul appliqué dans pour établir la valorisation de la société.



S'agissant de la remise en cause de l'impôt il ressort du courrier du 27.12.2016 que l'administration fiscale, dans le cadre du calcul de la cotisation foncière des entreprises, après avoir affecté, en avril 2016, le bien immobilier au seul propriétaire, la société [R] Santé, modifiant la position qui était jusqu'en 2015 la sienne de répartir la valeur du bien immobilier entre les sociétés l'occupant, est revenue à sa première doctrine: répartition de la valeur entre les sociétés occupantes au lieu d'affectation à la seule propriétaire.



Il en est découlé un nouveau calcul pour chaque société filiale de [R] Santé aboutissant à des lettres émises par la DGFIP en date du 28.08.2017 informant chaque société de l'émission d'un rôle supplémentaire pour la cotisation foncière des entreprises de 2016 pour les montants suivants:

pour l'institut de recherche la somme de 52.351 euros

pour la SARL Laboratoires Vitarmonyl la somme de 21.923 euros

pour la SAS Biopha la somme de 24.531 euros

pour la SARL [R] Vitarmnyl Industrice la somme de 173.479 euros

soit la somme de 272.284 euros



Par ailleurs la preuve est rapportée que la société [R] Santé a reçu un dégrèvement de 275.004 euros au titre de la CFE 2016, selon courrier de la DGFIP en date du 8.09.2017.



Enfin la demande de plafonnement de la contribution économique territoriale 2016 en fonction de la valeur ajoutée et de dégrèvement pour la somme de 209.222 euros faite par la société [R] Santé a été rejetée par courrier de la DGFIP du 5.09.2017.



Il n'est pas produit aux débats par la société Lilas 3 les sommes initialement inscrites en comptabilité au titre des différentes cotisations foncières des entreprises payées par les sociétés du groupe [R] alors qu'il ressort de la comparaison entre le dégrèvement obtenu par la société holding et les sommes supplémentaires réclamées aux différentes filiales qu'il n'existe aucun préjudice financier pour le groupe, les sommes se compensant.

Cette absence d'information de la cour sur le montant des sommes initialement inscrites en comptabilité ne permet pas de déterminer l'existence d'un préjudice né de la modification de la position de l'administration fiscale concernant la prise en compte de la valeur du site industriel.



Il y a donc lieu de rejeter la demande d'indemnisation.



Sur les demandes de la société Azimut



La société Azimut demande divers préjudices s'agissant:

- de la somme de la somme de 3.500.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier.

- de la somme de 1.000.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de perte d'image.

- de la somme de 200.000 € pour procédure abusive.



Sur ce



S'agissant du préjudice financier la diminution de la somme allouée à la société Lilas 3 de 2.000.000 euros à 369.840,80 euros va entrainer le remboursement de la société Azimut des sommes versées en exécution. Il n'en demeure pas moins qu'elle a subi un préjudice financier du fait qu'elle s'est départie de cette somme alors que son objet social est désormais d'être une société d'investissement des fonds dont elle est propriétaire suite à la cession. Elle n'a donc pas pu investir cette somme pendant plus de deux ans et demi ce qui constitue un préjudice qu'il convient de réparer par l'octroi de la somme de 50.000 euros.



S'agissant des dommages et intérêts pour préjudice moral et perte d'image aucun élément n'est versé aux débats rapportant la preuve d'une atteinte à l'image de la société Azimut du fait de l'instance engagée par la société Lilas 3, en l'absence de publicité ou de médiatisation de la procédure judiciaire opposant les parties. Par ailleurs le préjudice moral que la société Azimut dit subir n'est pas caractérisé par elle de telle sorte qu'il convient de débouter l'appelante de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.



Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, l'action engagée par la société Lilas 3 prospère en partie, démontrant qu'elle était pour partie fondée et en conséquence ne peut être qualifiée d'abusive. Il convient donc de rejeter cette demande.



Sur l'article 700



Au regard des éléments de l'instance, il convient d'infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a alloué une somme sur le fondement de l'article 700 à la société Lilas 3 et de dire n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 au profit de l'une ou l'autre des sociétés.



Chaque partie supportera la charge des dépens par elle engagés tant en première instance qu'en appel.



PAR CES MOTIFS



Confirme le jugement sauf s'agissant du montant du préjudice, de l'irrecevabilité de la garantie d'actif et de passif, de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,



Et statuant à nouveau



Condamne la société Azimut à payer à la société Lilas 3 devenue la société Havea la somme de 616.401,34 euros à titre de dommages et intérêts,



Déclare recevable la demande de garantie de passif de la société Lilas 3 devenue Havea mais déboute la société Lilas 3 de sa demande de condamnation de la société Azimut à ce titre,



Et y ajoutant



Condamne la société Lilas 3 à verser à la société Azimut la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice financier subi,



Déboute la société Azimut de ses autres demandes à titre de dommages et intérêts,



Dit n'avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,



Laisse chaque partie supporter les dépens par elle exposés en première instance et en appel.







LE GREFFIER LA PRESIDENTE

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.