28 septembre 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 23/04446

Chambre 3-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT

DU 28 SEPTEMBRE 2023



N° 2023/ 140













Rôle N° RG 23/04446 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLAT6







Société WERTON MANAGEMENT LIMITED





C/



[G] [N]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Charles TOLLINCHI



Me Valérie KEUSSEYAN-BONACINA









Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 15 Mars 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 2022R00104.





APPELANTE



Société WERTON MANAGEMENT LIMITED société de droit étranger, poursuites et diligences de son représentant légal

dont le siège est sis [Adresse 2] - ILES VIERGES BRITANNIQUES (RU)

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Nicolas MARTY de la SELARL MOULET-MARTY AVOCATS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





INTIME



Monsieur [G] [N], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Valérie KEUSSEYAN-BONACINA de l'ASSOCIATION BORDET - KEUSSEYAN - BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE et assisté de Me Emilie BERTAUT, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Valérie KEUSSEYAN-BONACINA de l'ASSOCIATION BORDET - KEUSSEYAN - BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE









*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 12 Juin 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Valérie GERARD, Première présidente de chambrea fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





Madame Valérie GERARD, Première présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, conseillère







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2023.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2023,



Signé par Madame Valérie GERARD, première présidente de chambre et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.












***











EXPOSÉ DU LITIGE





La société de droit anglais Werton Management Ltd est propriétaire d'un navire dénommé « M/Y Meridiana » selon contrat d'engagement du 1er décembre 2012. Elle a embauché M. [B] [V] en qualité de capitaine et M. [G] [N] en qualité de marin.



La société Werton Management Ltd a adressé à MM. [V] et [N] une lettre de licenciement le 28 septembre 2022.



M. [G] [N] a obtenu, selon ordonnance sur requête rendue le 14 octobre 2022 par le président du tribunal de commerce de Toulon, la saisie du navire M/Y Meridiana pour avoir garantie et paiement d'une créance salariale d'un montant de 140 000 euros. La saisie a été exécutée et dénoncée le 21 octobre 2022 à la société Werton Management Ltd.









La société Werton Management Ltd a fait assigner M. [G] [N] en rétractation de cette ordonnance et, par ordonnance de référé du 15 mars 2023, le président du tribunal de commerce de Toulon a :

- confirmé que l'ordonnance rendue le 14 octobre 2022 est fondée sur des motifs légitimes justifiant la mesure d'instruction (sic),

- débouté la société Werton Management Ltd de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 12 octobre 2022 et l'a déclaré irrecevable,

- débouté la société Werton Management Ltd de sa demande de mainlevée de la saisie du navire sauf à substituer par une garantie financière au bénéfice de M. [G] [N] à hauteur de la somme de 140 000 euros,

- condamné la société Werton Management Ltd au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à la charge de la société Werton Management Ltd les dépens de l'instance.





La société de droit anglais Werton Management Ltd a interjeté appel par déclaration du 24 mars 2023.





Par conclusions notifiées et déposées le 5 avril 2023, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Werton Mangement Ltd demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a confirmé la mesure conservatoire pratiquée sur le navire M/Y Meridiana et condamné la société Werton Management Ltd au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépen,

statuant à nouveau,

- constater que M [N] n'intervient pas en qualité de commerçant,

- constater que la créance salariale alléguée par M. [N] ne revêt pas un caractère commercial,

- constater que la créance alléguée ne relève pas de la compétence du tribunal de commerce,

- déclarer le président du tribunal de commerce de Toulon incompétent pour autoriser la saisie conservatoire du navire M/Y Meridiana,

- rétracter l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Toulon du 14 octobre 2022,

- ordonner la mainlevée de la saisie sur le navire M/Y Meridiana,

- condamner M. [N] à verser une somme de 6 000 euros à la société Werton Management Ltd au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.





Par conclusions notifiées et déposées le 9 juin 2023, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [G] [N] demande à la cour de :

- juger que la société Werton Management ne dispose en réalité d'aucun moyen lui permettant d'arguer d'un péril,

- juger que c'est à bon droit et en statuant dans les limites du litige que le juge des référés a ordonné que la saisie soit substituée par une garantie bancaire à première demande,

- confirmer la décision dont appel,

- y ajoutant, condamner la société Werton Management Ltd à verser à M. [G] [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.


















MOTIFS





La saisie conservatoire du navire a été pratiquée en application des dispositions combinées la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, et du droit français, issu des articles L5114-22 et R5114-15 et suivants du Code des transports.



L'article L.5114-20 du Code des Transports dispose que la saisie du navire est régie par les dispositions de la présente section et l'article L.5114-22 du Code des Transports prévoit que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire du navire, sans toutefois spécifier le juge compétent.



Or, il résulte de la lecture combinée de l'article L511-3 du code des procédures civiles d'exécution désignant le juge compétent en matière de saisie-conservatoire, et de l'article L721-7-2° du code de commerce, que le juge compétent est par principe le juge de l'exécution, le président du tribunal de commerce ne disposant que d'une compétence résiduelle en la matière, lorsque celle-ci tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale.



En l'espèce, la créance alléguée étant de nature salariale, dont seule la juridiction prud'homale peut connaître, et non commerciale, le président du tribunal de commerce de Toulon n'était pas compétent pour ordonner la saisie-conservatoire du navire, de sorte que l'ordonnance de référé du 15 mars 2023 doit être infirmée en toutes ses dispositions.



C'est à tort que le premier juge a cru devoir prévoir une garantie de substitution qui ne lui était pas demandée et statuer au visa de l'article 145 du code de procédure civile parfaitement inapplicable en l'espèce.

La cour statuant sur l'appel d'une ordonnance rendue par un juge incompétent pour connaitre de la saisie conservatoire litigieuse, n'est pas plus compétente pour ordonner une garantie de substitution.



L'ordonnance sur requête du 14 octobre 2022 doit être rétractée et la mainlevée de la saisie du navire ordonnée.



M. [G] [N], qui succombe est condamné aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





La cour statuant par arrêt contradictoire,



Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Toulon du 15 mars 2023,



Statuant à nouveau,



Rétracte l'ordonnance rendue à la requête de M. [G] [N] le 14 octobre 2022,



Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 21 octobre 2022 à la requête de M. [G] [N],



Déboute les parties du surplus de leurs demandes,



Condamne M. [G] [N] aux dépens,











Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [G] [N] à payer à la société de droit anglais Werton Mangement Ltd la somme de 3 000 euros.





LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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