28 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-21.012

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C300664

Titres et sommaires

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - indemnité - immeuble - terrain - terrain à bâtir - evaluation - servitudes et restrictions administratives au droit de construire à caractère permanent

En application de l'article L. 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, seules les servitudes et restrictions administratives à caractère permanent doivent être prises en compte pour l'évaluation des terrains à bâtir. En conséquence, la servitude tenant à l'existence d'un périmètre d'attente d'un projet d'aménagement global, qui a un caractère provisoire et devient inopposable au propriétaire par le seul écoulement du temps, ne constitue pas un élément de moins-value et n'a pas à être prise en compte pour l'évaluation du terrain

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 664 FS-B

Pourvoi n° U 22-21.012




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023

L'établissement public d'aménagement de Bordeaux-Euratlantique, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° U 22-21.012 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société 1618 d'Artagnan, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la direction régionale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1], pris en qualité de commissaire du gouvernement,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'établissement public d'aménagement de Bordeaux-Euratlantique, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société 1618 d'Artagnan, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à l'établissement public d'aménagement Bordeaux Euratlantique (l'Epa) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la direction régionale des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine, prise en sa qualité de commissaire du gouvernement.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 avril 2022), par arrêté préfectoral du 13 janvier 2021, une parcelle appartenant à la société civile immobilière 1618 d'Artagnan (la SCI) a été déclarée cessible pour cause d'utilité publique au profit de l'Epa, chargé des opérations d'aménagement.

3. Par ordonnance du 30 mars 2021, le juge de l'expropriation a ordonné le transfert de propriété de la parcelle au bénéfice de l'Epa.

4. A défaut d'acceptation de l'offre d'indemnisation par la SCI, l'Epa a saisi le juge de l'expropriation aux fins de fixation de l'indemnité de dépossession.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen

6. L'Epa fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnité de dépossession due à la SCI à une certaine somme, alors « que les possibilités de construction d'un terrain à bâtir doivent être appréciées à la date de référence ; qu'en refusant de tenir compte, dans son évaluation, du fait que la parcelle en cause était dans un secteur couvert par un périmètre d'attente de projet global qui limitait d'une manière drastique les possibilités de construction, dans la mesure où cette limitation provisoire avait été levée le 16 novembre 2017, après avoir constaté que cette limitation existait bien à la date de référence que chacun s'accordait à fixer au 26 mai 2016, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 322-2, L. 322-3, L. 322-4 et L. 322-8 du code de l'expropriation. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l'article L. 322-3, de la capacité des équipements mentionnés à cet article, des servitudes affectant l'utilisation des sols et notamment des servitudes d'utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

8. Ce texte ne précise pas si les servitudes devant être prises en compte à la date de référence doivent être permanentes.

9. Au contraire, pour l'évaluation des terrains selon leur usage effectif, l'article L. 322-2 du même code prévoit que seules les servitudes et restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date de référence doivent être prises en compte.

10. Or, il résulte des débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, qui a modifié l'article L. 13-15 I., alinéa 1er, devenu L. 322-2 précité, que le législateur a entendu aligner l'évaluation des terrains selon leur usage effectif et celle prévue pour les terrains à bâtir quant à la prise en compte des servitudes.

11. Ainsi, seules les servitudes et restrictions administratives à caractère permanent doivent être prises en compte pour l'évaluation des terrains à bâtir.

12. En conséquence, la servitude tenant à l'existence d'un périmètre d'attente d'un projet d'aménagement global, qui a un caractère provisoire et devient inopposable au propriétaire par le seul écoulement du temps, ne constitue pas un élément de moins-value et n'a pas à être prise en compte pour l'évaluation du terrain.

13. Ayant relevé qu'à la date de référence, fixée au 26 mai 2016, la parcelle de terrain à bâtir était classée en zone constructible UDp3 du plan local d'urbanisme et située dans un périmètre d'attente d'un projet d'aménagement global limitant les possibilités de construction, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que cette limitation provisoire n'avait pas à être prise en compte pour l'évaluation de la parcelle.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l'article L. 322-3, de la capacité des équipements mentionnés à cet article, des servitudes affectant l'utilisation des sols et notamment des servitudes d'utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

8. Ce texte ne précise pas si les servitudes devant être prises en compte à la date de référence doivent être permanentes.

9. Au contraire, pour l'évaluation des terrains selon leur usage effectif, l'article L. 322-2 du même code prévoit que seules les servitudes et restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date de référence doivent être prises en compte.

10. Or, il résulte des débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, qui a modifié l'article L. 13-15 I., alinéa 1er, devenu L. 322-2 précité, que le législateur a entendu aligner l'évaluation des terrains selon leur usage effectif et celle prévue pour les terrains à bâtir quant à la prise en compte des servitudes.

11. Ainsi, seules les servitudes et restrictions administratives à caractère permanent doivent être prises en compte pour l'évaluation des terrains à bâtir.

12. En conséquence, la servitude tenant à l'existence d'un périmètre d'attente d'un projet d'aménagement global, qui a un caractère provisoire et devient inopposable au propriétaire par le seul écoulement du temps, ne constitue pas un élément de moins-value et n'a pas à être prise en compte pour l'évaluation du terrain.

13. Ayant relevé qu'à la date de référence, fixée au 26 mai 2016, la parcelle de terrain à bâtir était classée en zone constructible UDp3 du plan local d'urbanisme et située dans un périmètre d'attente d'un projet d'aménagement global limitant les possibilités de construction, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que cette limitation provisoire n'avait pas à être prise en compte pour l'évaluation de la parcelle.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'établissement public d'aménagement Bordeaux Euratlantique aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public d'aménagement Bordeaux Euratlantique et le condamne à payer à la société civile immobilière 1618 d'Artagnan la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-trois et signé par lui et Mme Letourneur, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

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