27 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-14.643

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00943

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2023




Renvoi pour avis à la deuxième chambre civile


M. SOMMER, président



Arrêt n° 943 FS-D

Pourvoi n° W 22-14.643




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

Mme [T] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-14.643 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Atalian propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Atalian propreté Sud Ouest, défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Atalian propreté, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendiare, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Vu l'article 1015-1 du code de procédure civile :

1. Selon l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans ses différentes rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2018-474 du 12 juin 2018, ne peut être opérée sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.

2. Selon l'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, l'indemnisation de tels frais peut s'effectuer sur la base d'allocations forfaitaires, l'employeur se trouvant autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par cet arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet.

3. Selon l'article 9, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, les professions prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique, dont le taux est calculé selon les dispositions du même article 5 précité. L'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord. A défaut, il appartient à chaque salarié d'accepter ou non cette option, qui peut alors notamment figurer dans le contrat de travail ou un avenant à celui-ci.

4. Selon l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, les contribuables exerçant les professions désignées dans un tableau ont droit à une déduction supplémentaire pour frais professionnels, calculée d'après les taux indiqués audit tableau. Parmi ces professions figure celle des ouvriers du bâtiment, à l'exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier.

5. A ces professionnels ont été assimilés par la doctrine fiscale les ouvriers du nettoyage et de la propreté, bien que ces derniers ne figurent pas expressément sur la liste de l'article 5 de l'annexe IV, pour autant qu'ils travaillent dans les mêmes conditions que les ouvriers du bâtiment.

6. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation (2e Civ., 20 janvier 2012, pourvoi n° 10-26.092 et 2e Civ., 6 octobre 2016, pourvoi n° 15-25.435) juge que l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, n'ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels qu'aux professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, lequel ne vise pas nommément les ouvriers de nettoyage de locaux. Si ces ouvriers sont assimilés par la doctrine fiscale aux ouvriers du bâtiment expressément visés par le texte, c'est à la condition que, comme ces derniers, ils travaillent sur plusieurs chantiers pour le compte d'un même employeur.

7. Elle en déduit qu'un employeur d'ouvriers de nettoyage travaillant sur un seul site ne peut prétendre au bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels.

8. Au cas présent, une salariée engagée en qualité d'agent de service de propreté a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir, notamment, la nullité d'une clause de son contrat de travail prévoyant la déduction forfaitaire spécifique de 10% pour frais professionnels qui stipulait : « le salarié accepte expressément le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels et connaît ses conséquences sur la validation de ses droits ». Elle faisait valoir que cette déduction ne lui était pas applicable dans la mesure où elle travaillait sur un seul site et sollicitait l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

9. La cour d'appel, dans un arrêt rendu le 21 janvier 2022, se fondant sur une lettre conjointe du ministre des affaires sociales et du ministre de l'économie et des finances du 8 novembre 2012 qui donne pour instructions aux Urssaf de ne pas procéder à des redressements lorsque l'abattement forfaitaire a été appliqué aux employés de nettoyage « mono-sites », lesquels doivent bénéficier du même régime que les employés « multi-sites », a retenu que la notion de « chantiers » visée à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts pour les ouvriers du bâtiment ne renvoyait pas à une notion de multi-affectations sur les sites des clients mais avait pour but de distinguer les salariés affectés au siège même de l'entreprise de ceux affectés sur le site d'un client. Elle en a déduit qu' un agent de nettoyage tel que l'était la salariée, même affecté sur un seul site (ou « chantier »), se trouvait exposé à des frais de déplacement particuliers, notamment en raison d'horaires décalés, que n'exposent pas des salariés travaillant au siège de leur entreprise ou leur établissement.

10. La question qui se pose est celle de savoir si la nouvelle doctrine sociale issue de la lettre ministérielle du 8 novembre 2012 doit amener une évolution de la position de la Cour quant aux conditions que doivent remplir les ouvriers de nettoyage pour que puisse être appliquée la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels : doivent-ils travailler sur plusieurs chantiers ou sites pour le compte d'un même employeur ? Ou peuvent-ils se voir appliquer cette déduction même s'ils travaillent sur un seul chantier ou site, dès lors qu'il s'agit d'un lieu distinct du siège social de leur employeur ?

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Renvoie l'affaire à la deuxième chambre civile pour avis sur la question suivante :

« La déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels prévue à l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 25 juillet 2005, n'est-elle applicable aux ouvriers de nettoyage assimilés aux ouvriers du bâtiment que s'ils travaillent sur plusieurs chantiers ou sites pour le compte d'un même employeur ou leur est-elle applicable lorsqu'ils travaillent sur un seul site, dès lors qu'il ne s'agit pas du siège social de leur entreprise ? »

Sursoit à statuer dans l'attente de la réponse de la deuxième chambre civile ;

Renvoie l'affaire à l'audience de formation de la section 4 du 7 février 2024 à 14 heures ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.

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