27 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-14.627

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00938

Texte de la décision

SOC.

HP



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2023




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 938 F-D

Pourvoi n° D 22-14.627




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

M. [R] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-14.627 contre l'arrêt rendu le 23 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant au groupement d'intérêt économique des Hôtels Ibis budget et hôtels F1, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [C], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société des Hôtels Ibis budget et hôtels F1, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2023 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2022), M. [C] a été engagé en qualité de directeur d'hôtel par la société Hôtels Ibis budget et hôtels F1 à compter du 1er septembre 2007.

2. Le salarié a été licencié le 12 octobre 2016.

3. Le 25 octobre 2016, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ainsi que l'ensemble de ses demandes afférentes, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que les juges du fond ne peuvent, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié et doivent examiner les éléments objectifs que l'employeur est tenu de leur fournir ; qu'en retenant, pour débouter M. [C] de sa demande au titre des heures supplémentaires ainsi que de ses demandes afférentes, que les tableaux produits faisaient état d'un volume d'heures identique sur des périodes longues, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait présenté des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a d'ores et déjà violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt relève qu'il produit des tableaux de ses heures de travail accomplies d'octobre 2013 à septembre 2016, que la pièce 20 fait état d'un volume d'heures identique sur des périodes longues (onze heures par jour du lundi au vendredi, de 8 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures d'octobre 2013 à avril 2015, puis six heures par jour le samedi, de 10 heures à 16 heures), puis principalement dix heures par jour sur la période postérieure. Il ajoute que le premier juge avait déjà retenu l'imprécision de tels tableaux indiquant une moyenne quotidienne de dix ou onze heures, ainsi qu'un rappel de salaire global, comportant des horaires de travail constants et invariables sur une période de plus de trois ans. Il précise qu'à hauteur d'appel, il ne peut qu'être opéré le même constat.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [C] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, de dommages-intérêts pour dépassement de la durée du travail et du contingent des heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour défaut de paiement des heures supplémentaires, d'une indemnité pour travail dissimulé, d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il le condamne à payer de ce chef à la société Hôtels Ibis budget et hôtels F1 la somme de 500 euros et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 23 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Hôtels Ibis budget et hôtels F1 aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Hôtels Ibis budget et hôtels F1 et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.

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