27 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.083

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00937

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2023




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 937 F-D

Pourvoi n° A 22-13.083





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

1°/ Mme [B] [D], domiciliée [Adresse 2],

2°/ M. [I] [J], domicilié [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° A 22-13.083 contre le jugement rendu le 18 novembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau (section encadrement), dans le litige les opposant à la société Alcatel-Lucent international,société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Nokia Bell Labs France, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [D] et de M. [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Alcatel-Lucent international, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2023 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Longjumeau, 18 novembre 2021), rendu en dernier ressort à leur égard, le 14 mai 2020, en même temps que dix-neuf autres salariés, Mme [D] et M. [J], salariés de la société Nokia Bell Labs France, aux droits de laquelle se trouve la société Alcatel-Lucent international, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de soldes de bonus, respectivement, au titre des années 2016 à 2020 et au titre des années 2016 à 2018, outre les congés payés afférents.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

2. Les salariés font grief au jugement de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, alors « que lorsqu'elle est payée en vertu d'un engagement unilatéral, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement ; que seule une clause précise définissant objectivement l'étendue et les limites de l'obligation souscrite peut constituer une condition d'application d'un tel engagement ; qu'il en résulte que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues ; qu'en l'espèce, les salariés soutenaient qu'ils étaient dans l'incapacité de vérifier le calcul de [leur] rémunération variable dès lors [qu'ils n'avaient] pas eu connaissance des objectifs et des modalités de fixation du BRM" ; que pour les débouter de l'ensemble de leurs demandes, le conseil de prud'hommes a affirmé que la société Nokia Bell avait porté à leur connaissance les données qui leur permettaient de vérifier les calculs de leur rémunération variable, qu'elle avait fait valider par un commissaire aux comptes la fixation et l'atteinte des éléments pris en compte par le board dans le calcul du BRM, et que le BRM était une donnée discrétionnaire qu'il convenait de garder confidentielle compte tenu du secteur d'activité concurrentiel ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il y était invité par les salariés si la simple information de ces derniers, en fin d'exercice de la valeur du BRM, sans aucune explication ni aucun moyen pour eux de déterminer les données ayant permis de calculer le BRM, ne les plaçait pas dans l'incapacité de vérifier le calcul de [leur] rémunération variable", le conseil de prud'hommes a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1221-1 et L.1222-1 du code du travail, et 1134, devenu 1103 et 1104, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

3. Lorsqu'elle est payée en vertu d'un engagement unilatéral, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement. Seule une clause précise définissant objectivement l'étendue et les limites de l'obligation souscrite peut constituer une condition d'application d'un tel engagement. Il en résulte que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues.

4. Pour débouter les salariés de leurs demandes en paiement de soldes de bonus, le jugement constate que ces derniers preçoivent, en plus de leur salaire fixe, un bonus annuel variable qui est fonction d'objectifs. Il relève que, début 2016, le mécanisme concernant la rémunération variable a changé à l'échelle mondiale au sein des groupes Alcatel Lucent et Nokia qui venaient de se rapprocher et qu'en mars 2016, le comité d'entreprise de la société Nokia a été informé de la modification du système de rémunération variable.

5. Le jugement retient que l'employeur a, d'une part, porté à la connaissance des salariés des données qui leur permettent de vérifier les calculs de leur rémunération variable, d'autre part, fait valider par un commissaire aux comptes la fixation et l'atteinte des éléments pris en compte par le « board » dans le calcul du BRM (business result multiplier), que le BRM est une donnée discrétionnaire qu'il convient de garder confidentielle compte tenu du secteur d'activité concurrentiel qui a des objectifs mondiaux et que l'employeur a donc respecté ses devoirs en matière de gestion du système de rémunération variable pour l'année 2016.

6. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que l'un des éléments composant la partie variable de la rémunération, le BRM, était fondé sur des données confidentielles, non portées à la connaissance des salariés en début d'exercice, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société Nokia Bell Labs France, aux droits de laquelle se trouve la société Alcatel-Lucent international, de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, le jugement rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Longjumeau ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes d'Evry ;

Condamne la société Alcatel-Lucent international aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alcatel-Lucent international et la condamne à payer à Mme [D] et M. [J] la somme de 1 500 euros chacun ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.

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