27 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-17.137

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00930

Texte de la décision

SOC.

HP



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2023




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 930 F-D

Pourvoi n° H 22-17.137



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

Mme [D] [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-17.137 contre l'arrêt rendu le 11 février 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4 - 2), dans le litige l'opposant à la société Naos les laboratoires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société DIPTA, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Naos les laboratoires, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2022), Mme [K] a été engagée en qualité de formulatrice au sein du service développement par la société DIPTA, devenue la société Naos les laboratoires, suivant contrat de travail à durée déterminée du 30 novembre 2009 devenu contrat à durée indéterminée le 1er juin 2010.

2. Le 30 septembre 2013, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle a ensuite formulé des demandes en paiement de rappels de salaires au titre d'heures supplémentaires et d'indemnités de rupture.

3. Le 30 juin 2014, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à un certain montant, outre les congés payés afférents, la somme allouée au titre des heures supplémentaires, de rejeter le surplus de sa demande à ce titre et sa demande en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé, de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, de rejeter ses demandes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de solde d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de la condamner à payer à l'employeur une certaine somme au titre du préavis, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que la cour d'appel a débouté celle-ci de ses prétentions pour les années 2011 et 2013, aux motifs propres et adoptés qu'elle ne présentait aucun décompte à l'appui de sa demande, mais procédait par extrapolation de l'année 2012, sans qu'il ne résulte de ses constatations que l'employeur avait justifié de la durée du travail de la salariée ; qu'en statuant ainsi, en faisant porter la charge de la preuve sur la seule salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour limiter le rappel de salaire dû à la salariée à une certaine somme correspondant aux heures supplémentaires accomplies pendant l'année 2012, l'arrêt, après avoir constaté que la salariée produisait des relevés de badgeage du 26 décembre 2011 au 17 juin 2013 et l'attestation d'un supérieur hiérarchique dont il ressortait que les heures effectuées étaient nécessaires à la réalisation de la tâche confiée, retient qu'au vu des justificatifs de l'assiette du calcul et des relevés intégraux de badgeage produits par la salariée, le montant retenu par le juge départiteur au titre des heures de l'année 2012 doit être confirmé mais qu'il ne peut être fait droit à la demande au titre des années 2011 et 2013, pour lesquelles la salariée ne présente aucun décompte, en procédant par extrapolation.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que, pour les années 2011 et 2013, la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 1 087,76 euros, outre congés payés afférents, le rappel de salaire alloué à Mme [K], au titre des heures supplémentaires, rejette sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, rejette les demandes liées à la rupture du contrat de travail, condamne Mme [K] à payer à la société Naos les laboratoires la somme de 3 781,52 euros au titre du préavis, et la condamne aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Naos les laboratoires aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Naos les laboratoires et la condamne à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.