21 septembre 2023
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 21/00562

Chambre Commerciale

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE







GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/09/2023

la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN



ARRÊT du : 21 SEPTEMBRE 2023



N° : 152 - 23

N° RG 21/00562

N° Portalis DBVN-V-B7F-GJXN



DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge des contentieux de la protection d'ORLEANS en date du 05 Janvier 2021



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265263367732409



S.A. CREATIS

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]





Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Olivier HASCOET, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau d'ESSONNE







D'UNE PART



INTIMÉ :

- Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

Monsieur [X] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Défaillant







D'AUTRE PART





DÉCLARATION D'APPEL en date du : 19 Février 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 29 septembre 2022





COMPOSITION DE LA COUR





Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 15 JUIN 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile.



Lors du délibéré :



Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,







Greffier :

Madame Emmanuelle PRADEL, Greffier lors des débats,

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors du prononcé.





ARRÊT :





Prononcé publiquement par arrêt de défaut le JEUDI 21 SEPTEMBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.






EXPOSE DU LITIGE :



Suivant offre préalable acceptée le 20 juin 2016, la SA Creatis a consenti à M. [X] [B] un prêt personnel destiné au regroupement de différents crédits et au règlement d'une dette contractée auprès d'un commissaire de justice, d'un montant de 43'700 euros, remboursable en 144 mensualités de 423,29 euros, hors assurance, incluant les intérêts au taux nominal de 5,86 % l'an.



Par courrier recommandé daté du 6 juillet 2020, présenté à une date non déterminée et retourné à l'expéditeur le 29 juillet suivant, à l'expiration du délai d'instance, la société Creatis a adressé à M. [S] la copie d'un courrier présenté comme lui ayant été adressé le 27 novembre 2019, le mettant en demeure de lui régler dans un délai de 30 jours la somme de 6'479,85 euros correspondant au montant des échéances restées impayées du 31 octobre 2018 au 31 octobre 2019, augmenté des indemnités de retard, sous peine de déchéance du terme.







La société Creatis a provoqué la déchéance du terme de son concours le 13 janvier 2020 et par courrier du 13 août 2020 adressé sous pli recommandé présenté le 18 août suivant, l'établissement de crédit a adressé à M. [B] la copie d'un courrier de notification de déchéance du terme présenté comme lui ayant été adressé le 14 janvier 2020.



Par acte du 28 septembre 2020, la société Creatis a fait assigner M. [B] en paiement devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Orléans qui, par jugement contradictoire du 5 janvier 2021, en retenant que l'établissement de crédit ne justifiait pas avoir consulté le FICP en préalable à l'octroi du prêt, a':

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Creatis au titre du contrat de prêt personnel du 20 juin 2016,

- condamné M. [X] [B] à payer à la SA Creatis la somme de 30'879,20 euros au titre du contrat de prêt personnel du 20 juin 2016,

- dit que cette somme ne portera pas intérêts au taux légal ni au taux légal majoré de 5'% prévu par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier et ce conformément à l'article 23 de la directive communautaire n°2008/48,

- accordé [à M. [B]] des délais de paiement et dit que la dette sera payable en 23 versements mensuels successifs de 300 euros minimum, outre un vingt-quatrième et dernier représentant le solde en principal, intérêts et frais,

- dit que le premier versement sera exigible entre le premier et le dixième jour du premier mois civil suivant la date de signification du présent jugement puis entre le premier et le dixième jour de chaque mois suivant,

- dit que le non-paiement d'une seule mensualité à son échéance entraînera la déchéance du terme et l'exigibilité de l'intégralité de la somme restant due,

- rappelé que conformément à l'article 1343-5 du code civil, la présente décision suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant le délai fixé par la présente décision,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- dit que chacune des parties supportera la charge des dépens par elle exposés.



La SA Creatis a relevé appel de cette décision par déclaration du 19 février 2021, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.



Dans ses dernières conclusions remises le 3 mai 2021 au greffe par voie électronique, signifiées le 5 mai suivant à M. [B], la SA Creatis demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, devenus 1103 et suivants du code civil, et L.311-1 et suivants du code de la consommation, de':

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Y faire droit,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels, a rejeté les demandes de capitalisation des intérêts et d'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- à titre principal condamner M. [X] [B] à payer à la SA Creatis la somme de 45484,01 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,86 % l'an à compter de la mise en demeure du 14 janvier 2020,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,

-à titre subsidiaire, en cas de déchéance du droit aux intérêts, dire que celle-ci ne sera que partielle et condamner alors M. [X] [B] à payer à la SA Creatis la somme de 45484,01 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2020,

- en tout état de cause condamner M. [X] [B] à payer à la SA Creatis la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'intimé aux dépens.



Pour un plus ample exposé des faits et des moyens de l'appelante, il convient de se reporter à ses dernières conclusions récapitulatives.



L'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 septembre 2022, pour l'affaire être plaidée le 15 juin suivant et mise en délibéré à ce jour, sans que M. [B], assigné le 5 mai 2021 en l'étude du commissaire de justice instrumentaire, ait constitué avocat.






SUR CE, LA COUR :



Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l'appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que la cour doit statuer sur les prétentions de première instance de l'intimé lorsque celles-ci ont été accueillies par le premier juge, puisqu'elle en est saisie par l'effet dévolutif de l'appel.



Sur la demande principale en paiement :



Selon l'article L. 311-9 devenu l'article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et, sauf dans les cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, étrangers au présent litige, consulte le ficher prévu à l'article L. 333-4 du code de la consommation devenu l'article L. 751-1 du même code, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5 devenu l'article L. 751-6.



L'alinéa 2 de l'article L. 333-5 devenu l'article L. 751-6 indique qu'un arrêté du ministre chargé de l'économie, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du comité consultatif du secteur financier, détermine les modalités selon lesquelles les établissements et organismes mentionnés au deuxième alinéa du I de l'article L. 333-4 devenu l'alinéa premier de l'article L. 751-2 peuvent justifier qu'ils ont consulté le fichier, notamment en application de l'article L. 311-9 devenu l'article L. 312-16.

















L'article 2, I, de l'arrêté du 26 octobre 2010 auquel renvoient les articles précités, intitulé «'modalités de justification des consultations et conservation des données'», énonce, dans sa version applicable à la cause, que les établissement et organismes de crédit doivent obligatoirement consulter le FICP «'avant toute décision effective d'octroyer un crédit'».



Selon l'article L. 311-13 devenu l'article L. 312-24 du code de la consommation, le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que ledit emprunteur n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l'article L. 311-14 devenu L. 312-25 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur.



Il résulte de la combinaison de ces textes que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la consultation du FICP n'a pas à intervenir avant l'émission de l'offre de prêt, ni même avant son acceptation par l'emprunteur, mais avant l'agrément de l'emprunteur par le prêteur.



Au cas particulier, la société Creatis justifie avoir consulté le FICP le 7 juillet 2016 et avoir obtenu la réponse de le Banque de France le même jour à 13 heures 28.



Si l'historique du prêt auquel se réfère la société Creatis (pièce 9) établit que l'établissement de crédit a agréé M. [B] en débloquant les fonds le 7 juillet 2016, soit le jour de la consultation du FICP, ni cet historique, ni aucun autre élément du dossier, ne permet de retenir que la consultation du FICP est intervenue avant la mise à disposition des fonds, en l'absence de justificatif de l'heure à laquelle les fonds ont été débloqués.



L'appelante n'établit donc pas que, conformément aux prescriptions de l'article L. 311-9, elle a effectivement interrogé le fichier prévu à l'article L. 333-4 ancien du code de la consommation avant de conclure le contrat de crédit, et ainsi satisfait à son obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur en préalable à l'octroi du prêt.



En application de l'article L. 311-48, alinéa 2, du code de la consommation, devenu l'article L. 341-2 du même code, le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées par l'article L. 311-9 devenu l'article L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.



Au regard de la gravité du manquement du prêteur à son devoir de vigilance en préalable à l'octroi du prêt, le jugement déféré sera donc confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a retenu que la société Creatis devait être déchue en totalité du droit aux intérêts.











En application de l'article 1153 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la déchéance des intérêts conventionnels ne prive pas le créancier des intérêts de retard au taux légal.



S'il est exact que la majoration de cinq points encourue par application des dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier est de nature à priver d'effectivité la sanction de la déchéance prononcée en ce que, passé le délai de deux mois prévu à l'article L. 313-3 précité, le taux d'intérêts applicable, c'est-à-dire le taux légal majoré de cinq points, ne sera finalement pas inférieur au taux nominal dont la société de crédit est déchue (5,86 %), il convient de minorer en la limitant à deux points la majoration prévue à l'article L. 313-3, mais non de priver l'appelante des intérêts au taux légal, lesquels courent depuis le 28 septembre 2020, date de l'assignation constituant le premier acte valant sommation de payer au sens de l'article 1153 ancien du code civil.



En application de l'article 1154 du code civil qui, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière, les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 28 septembre 2020, date de la demande.



Sur la demande de délais de paiement :



La société Creatis qui, dans sa déclaration d'appel, a critiqué le chef du jugement déféré ayant accordé des délais de paiement à M. [B], ne sollicite pas, dans le dispositif de ses dernières écritures, l'infirmation de cette disposition qui, partant, ne peut qu'être confirmée.



Sur les demandes accessoires :



L'appelante, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





Infirme la décision entreprise, mais seulement en ce qu'elle a dit que la somme de 30'879,20'euros au paiement de laquelle M. [X] [B] a été condamné pour solde du prêt souscrit le 20 juin 2016 ne porterait pas intérêts au taux légal ni au taux légal majoré de cinq points prévu à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, et rejeté en conséquence la demande de capitalisation des intérêts,



Statuant à nouveau sur les chefs infirmés':



Dit que la somme de 30'879,20'euros au paiement de laquelle M. [X] [B] est condamné sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2020 et qu'à compter de la même date, ces intérêts seront capitalisés annuellement selon





les modalités prévues à l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,



Limite à deux points la majoration des intérêts prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,



Rappelle en tant que de besoin que cette majoration ne s'applique pas pendant les délais accordés à M. [X] [B] en application de l'article 1244-1 devenu 1343-5 du code civil,



Confirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,



Y ajoutant,



Rejette la demande de la société Creatis formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la société Creatis aux dépens.



Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.











LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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