20 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-90.010

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01205

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Code de procédure pénale - Articles 380-16 et suivants - Cours criminelles départementales - Atteinte au principe d'intervention du jury en matière criminelle - Atteinte au principe d'intervention du jury en droit commun du jugement criminelle - Atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la justice - Renvoi au Conseil constitutionnel

Texte de la décision

N° N 23-90.010 FS-B

N° 01205






20 SEPTEMBRE 2023

ECF





QPC PRINCIPALE : RENVOI AU CC












M. BONNAL président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 SEPTEMBRE 2023


La cour criminelle départementale du Rhône, par arrêt en date du 26 juin 2023, reçu le 30 juin 2023 à la Cour de cassation, a transmis quatre questions prioritaires de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [J] [U] du chef de vol avec arme.

Des observations ont été produites.

Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J] [U], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mmes Guerrini, Diop-Simon, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les articles 380-16, 380-17, 380-18, 380-19, 380-20, 380-21 et 380-22 du code de procédure pénale, qui déterminent la compétence et organisent le fonctionnement des cours criminelles départementales, portent-ils atteinte au principe d'intervention du jury pour juger les crimes de droit commun, lequel constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? ».

2. La deuxième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les articles 380-16, 380-17, 380-18, 380-19, 380-20, 380-21 et 380-22 du code de procédure pénale, qui déterminent la compétence et organisent le fonctionnement des cours criminelles départementales, portent-ils atteinte au principe à valeur constitutionnelle selon lequel l'intervention du jury constitue le droit commun du jugement en matière criminelle ? ».

3. La troisième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 380-19, 4°, du code de procédure pénale, en prévoyant que les cours criminelles départementales prennent leurs décisions sur la culpabilité à la majorité simple de trois voix sur cinq, porte-t-il atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la justice garanti par l'article 6 de la Déclaration des Droits de I'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, dans Ia mesure où les accusés renvoyés devant les cours criminelles départementales ne bénéficient pas du principe de minorité de faveur - au moins sept voix sur neuf - applicable aux accusés, renvoyés devant les cours d'assises ? ».

4. La quatrième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 380-19, 4°, du code de procédure pénale, en prévoyant que les cours criminelles départementales prennent leurs décisions sur la peine à la majorité simple de trois voix sur cinq, y compris lorsqu'il s'agit de prononcer la peine maximale encourue, porte-t-il atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la justice garanti par l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, dans la mesure où les accusés renvoyés devant les cours criminelles départementales ne bénéficient pas dans cette hypothèse du principe de majorité qualifiée - au moins sept voix sur neuf - applicable aux accusés renvoyés devant les cours d'assises ? ».

5. Les questions ont été présentées devant la cour criminelle départementale.

6. Selon l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, créé par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut être soulevé devant la cour d'assises.

7. Aucune exception au principe selon lequel un tel moyen peut être posé devant toute juridiction de jugement relevant de la Cour de cassation n'est prévue pour la cour criminelle départementale.

8. Dès lors les questions sont recevables.

9. Les dispositions législatives contestées, dans leur version issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

10. Les deux premières questions, en ce qu'elles tendent à ériger en principe fondamental reconnu par les lois de la République ou en principe de valeur constitutionnelle la participation des jurés au jugement des crimes de droit commun, principe au demeurant évoqué par la décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 du Conseil constitutionnel, sont nouvelles.

11. Les deux dernières questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

12. Elles présentent un caractère sérieux, en ce que la disposition contestée conduit à placer les accusés dans des situations différentes au regard des garanties qu'offrent les règles de majorité relatives aux décisions sur la culpabilité et la peine maximale, selon qu'ils sont renvoyés devant une cour criminelle départementale ou devant une cour d'assises.

13. Or, ces différences de traitement sont susceptibles de porter une atteinte excessive au principe d'égalité des citoyens devant la justice.

14. En conséquence, il y a lieu de renvoyer les quatre questions au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.

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