21 septembre 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n°
21/00679
Chambre 4-5
Texte de la décision
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 21 SEPTEMBRE 2023
N° 2023/
MS/KV
Rôle N°21/00679
N° Portalis DBVB-V-B7F-BGZHP
[U] [J]
C/
S.A.S.U. SYMAG
Copie exécutoire délivrée
le : 21/09/2023
à :
- Me Emmanuel DI MAURO de la SELAS DI MAURO EMMANUEL, avocat au barreau de GRASSE
- Me Cécilia ARANDEL, avocat au barreau de PARIS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 06 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00378.
APPELANTE
Madame [U] [J], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Emmanuel DI MAURO de la SELAS DI MAURO EMMANUEL, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
S.A.S.U. SYMAG, sise [Adresse 1]
représentée par Me Cécilia ARANDEL, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Jehane JOYEZ, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2023
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [U] [J] a été engagée par la société Symag en qualité de chef de projet, statut cadre, à compter du 15 novembre 2016, avec reprise d'ancienneté au 19 septembre 2011, par contrat à durée indéterminée.
Au dernier état des relations contractuelles Mme [J] occupait des fonctions de manager des 'professional services' (directeur de projets / manager d'équipe), statut de cadre, sous convention de forfait en jours sur la base de 193 jours par an.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseil (SYNTEC).
La société Symag employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.
Après avoir été convoquée le 24 janvier 2019 à un entretien préalable fixé le 12 février 2019, Mme [J], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 février 2019 a été licenciée au motif d'absences répétées et prolongées désorganisant le fonctionnement de l'entreprise.
Le 17 juin 2019, Mme [J], contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 6 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Grasse a :
- dit le licenciement de Mme [J] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Mme [J] à payer à la société Symag une somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure
- débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins ou prétentions.
Mme [J] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 avril 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, Mme [J], appelante, demande à la cour d'infirmer et de réformer le jugement, de débouter la société Symag de ses demandes et de condamner l'intimée au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, de 2.000 euros au titre du premier jugement réformé et de statuer ce que de droit sur les dépens.
Statuant à nouveau, Mme [J] demande à la cour de :
- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Symag à indemniser son préjudice subi à hauteur de 40 320 euros.
L'appelante fait essentiellement valoir que :
- son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où la rupture du contrat de travail au motif d'absences répétées et prolongées ne respecte pas les conditions légales et jurisprudentielles exigées en la matière,
- la motivation de la lettre de licenciement n'indique pas clairement la perturbation au niveau de l'entreprise, ni la nécessité de procéder à son remplacement définitif ;
- l'employeur ne démontre pas que son absence a eu pour effet de désorganiser l'ensemble de l'entreprise et non uniquement le service ;
- en outre, la société Symag n'établit pas que son remplacement définitif était une nécessité puisque ses tâches ont pu être confiées à d'autres salariés ainsi qu'à des prestataires externes ;
- l'employeur ne démontre pas qu'elle a été remplacée de manière définitive par l'embauche d'un salarié en contrat à durée indéterminée dans la mesure où il n'établit pas que M. [N] et M. [Z] ont été recrutés spécialement pour la remplacer sur ses fonctions ;
- la cause véritable cause de son licenciement réside en ce qu'elle a refusé une rétrogradation au poste de chef de projet,
- le montant de l'indemnité sollicitée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse est justifiée, eu égard au préjudice qu'elle a subi du fait du comportement déloyal de l'employeur qui l'a licencié abusivement, alors qu'elle se trouvait en situation de faiblesse durant un arrêt de travail pour maladie et qui n'a régularisé le paiement de son maintien de salaire que lors de la saisine du bureau de conciliation et d'orientation,
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 avril 2023, la société Symag, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter l'appelante de ses demandes et de condamner Mme [J] au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de 2.000 euros au titre du premier jugement, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Symag demande à la cour :
A titre principal,
- 'constater' que les absences répétées et prolongées de Mme [J] ont gravement perturbé le fonctionnement de la société Symag rendant nécessaire son remplacement définitif,
- 'dire et juger' que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
A titre subsidiaire,
- minorer le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire, soit 13 387, 50 euros.
L'intimée et appelante à titre incident réplique que :
- le licenciement de Mme [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, les conditions de son licenciement au motif d'absences répétées et prolongées désorganisant le fonctionnement de l'entreprise étant réunies ;
- eu égard à la spécificité des fonctions de Mme [J] de management d'équipe et de direction de projets stratégiques, son poste qui nécessitait une bonne connaissance du métier, de la société et de ses interlocuteurs avait un impact direct sur l'activité globale de la société. Ce faisant, ses absences répétées et prolongées dont la réalité est établie ont eu pour effet de perturber le fonctionnement global de la société ;
- en effet, si dans un premier temps les tâches de la salariée ont été réparties sur les autres collaborateurs de son équipe et des prestataires externes, cette réorganisation a eu pour résultat de créer une surcharge de travail dégradant les conditions de travail des collaborateurs, ainsi que la réalisation de prestations défectueuses, impactant dès lors la gestion des projets du service 'professional services';
- par ricochet l'activité globale de la société a été impactée par ces dysfonctionnements, de nature à remettre en cause ses relations contractuelles avec ses clients, son image et sa crédibilité;
- eu égard aux spécificités du poste de Mme [J] qui impliquaient une expérience préalable au sein de l'entreprise et à ses absences répétées et inopinées, il n'était pas possible de pouvoir à son remplacement temporaire par contrat à durée déterminée ou contrat d'intérim et nécessitait donc son remplacement définitif ;
- il est démontré que la société a procédé à son remplacement définitif par le recrutement de M. [N], puis de M. [Z], par contrat à durée indéterminée pour exercer les mêmes fonctions que celles de Mme [J] ;
- l'employeur n'a fait preuve d'aucun comportement déloyal. La proposition de repositionnement de la salariée sur ses anciennes fonctions de chef de projet ne résultent pas d'une volonté de la rétrograder mais s'inscrivent dans l'objectif de lui permettre un retour en poste dans des conditions satisfaisantes au regard de son état de santé et de la difficulté à assurer ses nouvelles fonctions de manager des professional services qu'elle a elle-même exprimé ;
- à titre subsidiaire, l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 9 mois de salaire est excessive et devra être ramenée à des plus justes proportions, dans la mesure où elle ne justifie pas d'un préjudice à hauteur de ses prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement du 22 février 2019 est ainsi motivée :
« (...) Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception adressé en date du 24 janvier 2019, nous vous avons convoquée à un entretien préalable en vue de votre éventuel licenciement le 12 février 2019 à 11h30.
Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les raisons nous conduisant à envisager cette mesure et avons recueilli vos explications, qui ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
Nous vous notifions en conséquence votre licenciement pour les motifs exposés ci-après.
Vous avez été embauchée par la société SYMAG le 15 novembre 2016 par contrat à durée indéterminée en qualité de Chef de Projet SI.
En dernier lieu et depuis le 1octobre 2017, vous occupez le poste de Manager Des Professional Services, cadre, classification 3.1, coefficient 170.
Vous avez fait l'objet d'arrêts de travail successifs et ininterrompus depuis le 6 août 2018, et nous n'avons à ce jour aucune visibilité sur votre retour éventuel ce que vous nous avez clairement confirmé lors de l'entretien du 12 février 2019.
Cette situation désorganise le service auquel vous appartenez, et plus généralement l'entreprise.
Or le poste que vous occupez nécessite une bonne connaissance du métier, de la société et de ses différents interlocuteurs. Vous avez en charge le management direct d'une équipe, la gestion de projets clients stratégiques pour notre activité et vous participez à la mise en place d'une organisation adaptée ; et plus généralement vous avez pour rôle « d'épauler » la Directrice de « Professional Services » en assurant littéralement la fonction d'Adjointe à celle ci.
Dans les détails, vous êtes responsable d'une équipe de 21 collaborateurs. II vous appartient de définir les missions de chaque collaborateur, d'effectuer les entretiens annuels d'évaluation, les entretiens professionnels pour les cadres autonomes ainsi que de la validation des congés payés et des notes de frais.
En tant que Manager de l'organisation du Pôle Projet, vous devez rédiger les process, motiver vos collaborateurs, prioriser leurs tâches et apparaître comme un leader et un « sachant ». Ils doivent pouvoir compter sur vous en cas de difficultés en particulier dans la relation avec les clients.
Par ailleurs, vous êtes tenue d'assurer le développement et le suivi des projets décidés au sein de votre Pôle. Vous devez vous assurer de la bonne exécution des projets en veillant à la mise en place des reportings opérationnels et financiers qui doivent donner au management la visibilité économique sur leurs opérations.
Ces projets de grande ampleur nécessitent un suivi régulier sur une longue période voire sur plusieurs années.
Votre rôle est donc crucial tant en interne que vis-à-vis des clients. L'entreprise compte sur vous pour la représenter auprès des clients lorsque c'est nécessaire.
Vous êtes en contact de la même façon avec les autres pôles de la société SYMAG.
La Directrice de « Professional Services » compte également sur vous pour la décharger des tâches de pilotage des chefs de projet pour qu'elle puisse se consacrer aux fonctions que lui assigne la Direction Générale.
Votre absence impacte en conséquence fortement le fonctionnement de l'entreprise.
Dans un premier temps, nous nous sommes efforcés de répartir vos tâches entre les autres collaborateurs de l'équipe et avons beaucoup sollicité votre manager, mais cette solution ne saurait perdurer dans le temps,
Nous avons dû confier la Direction de Projet de LCC à un collaborateur en charge de l'innovation, ce qui pénalise fortement l'entreprise dans ce domaine. Nous avons dû faire monter en compétence des prestataires externes sur les projets dont vous aviez la charge. A titre d'exemples :
Nous sollicitons des collaborateurs qui avaient initialement d'autres priorités dans l'intérêt stratégique de l'entreprise de se repositionner de façon tactique sur des projets en cours pour pallier votre absence, avec des impacts forts sur les taches qu'ils ne peuvent mener à bien.
La Directrice des « Professional Services » a dû reprendre une part significative de vos fonctions de management très opérationnelles, alors que la Direction Générale attend plus d'elle qu'elle se consacre à la relation stratégique avec les clients et partenaires et à la supervision active de ces activités, ainsi qu'à son rôle au CODIR de l'entreprise.
Nous devons également faire face du fait de votre absence à un manque de visibilité sur les projets :
o LCC qui veut dénoncer le contrat « BOFIP TVA »
o Casino et sa ligne de services que nous avons dû construire sans vous, etc.,
o SONAE : la relation avec ce client nécessite comme vous le savez un suivi très rapproché, ce que nous ne pouvons faire compte tenu de votre absence.
Nous avons donc d'autre choix que de procéder à votre remplacement définitif.
Dans ces conditions et au regard de l'ensemble de ces éléments, nous vous notifions votre licenciement en raison de votre absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise et rendant nécessaire votre remplacement. (...)»
1- Sur le licenciement
Si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Celui-ci ne peut, toutefois, être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.
Il est constant que si l'employeur peut provisoirement suppléer l'absence du salarié, par exemple en réorganisant ses services ou en recourant à une embauche sous contrat à durée déterminée, il ne peut valablement procéder au licenciement du salarié.
Il appartient à l'employeur de justifier de l'existence d'absences fréquentes ou prolongées, d'une désorganisation de l'entreprise, et de la nécessité du remplacement définitif du salarié.
Le remplacement définitif du salarié malade suppose l'embauche d'un nouveau salarié sous contrat à durée indéterminée selon un horaire équivalent soit avant la date du licenciement soit à une date proche de celui-ci soit après un délai raisonnable.
Le caractère essentiel des fonctions occupées par le salarié et la désorganisation de l'entreprise découlant de ses absences, doivent s'apprécier en fonction du nombre des absences leur durée mais encore la taille de l'entreprise.
1.1 - Sur la motivation de la lettre de licenciement
Si la lettre de licenciement doit impérativement mentionner l'absence prolongée du salarié ainsi que d'une part la perturbation de l'entreprise ou du service essentiel à son fonctionnement et d'autre part la nécessité du remplacement définitif du salarié, il n'est pas nécessaire de détailler précisément celles-ci dans la lettre de licenciement, l'employeur étant tenu de les démontrer en cas de litige.
En l'espèce, la lettre de licenciement litigieuse visant bien les absences de Mme [J], les perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise ainsi que la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif, celle-ci respecte les exigences légales en matière de motivation.
Dès lors, le moyen est rejeté.
1.2- Sur le bien-fondé du licenciement
* Sur les absences désorganisant l'entreprise
Mme [J] expose que la société Symag était composée de 250 salariés répartis sur cinq sites distincts, ce qui n'est pas contesté par l'employeur.
Il ressort des éléments versés au dossier de la cour que Mme [J] occupait le poste de directrice des projets et de manager d'équipe au sein du service des personal services, en charge de la gestion de projets stratégiques à destination des clients de la société.
Dans ce cadre, Mme [J] était notamment chargée du management hiérarchique de 21 collaborateurs et d'assurer la supervision d'un portefeuille de projets pour des clients de la société. Elle avait également un rôle d'ajointe de la directrice des professional services.
Ce faisant, elle occupait une place charnière dans un service clé de la société, en gérant les équipes placées sous sa responsabilité, tant du point de vue hiérarchique qu'organisationnel et en assurant le suivi et la gestion de projets stratégiques de la société, tout en effectuant le relais avec la direction du service personal services.
A la lecture des documents 'données télétransmises de l'avis d'arrêt de travail à l'assurance maladie'produits par l'employeur, Mme [J] a été absente pour raison de maladie non professionnelle à partir du 6 août 2018 jusqu'au 6 juin 2019 :
- arrêt de travail initial du 6 août 2018 au 19 août 2018,
- prolongation du 14 août 2018 au 4 septembre 2018,
-prolongation du 4 septembre 2018 au 1er octobre 2018,
- prolongation du 1er octobre 2018 au 31 octobre 2018,
- prolongation du 31 octobre 2018 au 10 décembre 2018,
- prolongation du 10 décembre 2018 au 7 janvier 2019,
- prolongation du 7 janvier 2019 au 30 janvier 2019,
- prolongation du 30 janvier 2019 au 27 février 2019,
- prolongation du 27 février 2019 au 27 mars 2019,
- prolongation du 27 mars 2019 au 25 avril 2019,
- prolongation du 25 avril 2019 au 6 juin 2019.
Il est établi que les arrêts de travail de Mme [J] constituent effectivement des absences répétées et/ou prolongées.
Il apparaît en outre que les prolongations d'arrêts de travail se sont en l'espèce succédées pour des périodes relativement courtes, de mois en mois, ne permettant pas d'anticiper la durée totale de son absence.
La fréquence du renouvellement des arrêts de travail associée aux fonctions spécifiques de la salariée qui nécessitaient l'acquisition d'une connaissance préalable du fonctionnement de l'entreprise, des équipes et des projets en cours, ne permettaient pas de pourvoir son poste provisoirement.
La société Symag explique avoir procédé à une répartition de la charge de travail de Mme [J] entre ses collaborateurs et avoir confié la supervision de certains projets stratégiques à des prestataires externes.
Toutefois, l'employeur démontre que cette réorganisation palliative a conduit à des défaillances dans l'exécution des prestations pour des clients importants tels que la société Supermarchés LCC ou la société Meddis (Géant Casino), qui sont corroborées par les diverses réclamations des clients produites par la société Symag (pièces 15 à 22). Quand bien même ces plaintes ne porteraient pas sur des projets dont Mme [J] avait la responsabilité directe avant son arrêt de travail, il ressort des listes de clients qu'elle verse aux débats que les sociétés qui ont exprimé leur mécontentement faisaient partie de son portefeuille clients ou de ceux des autres collaborateurs du service des personal services.
Il est ainsi établi que la répartition diffuse des tâches de Mme [J] sur ses collaborateurs et des prestataires externes, alors que la salariée assurait auparavant un rôle de pilotage en supervisant à la fois les équipes placées sous sa responsabilité et le suivi des projets, ont engendré des conséquences néfastes sur la bonne réalisation des missions du service personal services. Les répercussions de l'exécution défectueuse des prestations clients ont excédé le cadre du seul service ou de l'établissement, dans la mesure où elles ont impacté les relations commerciales et contractuelles de la société Symag avec plusieurs clients, ce qui porte atteinte à son image et sa crédibilité de manière globale, tel qu'il en ressort des réclamations formulées par les clients concernés.
Par conséquent, il peut être considéré que l'absence de Mme [J] a entraîné une désorganisation qui n'était pas cantonnée à un service mais au niveau de l'entreprise.
* Sur le remplacement définitif de la salariée
Il résulte des motifs qui précèdent que la nécessité de remplacer définitivement Mme [J] est justifiée par l'employeur en raison des difficultés de pourvoir à son remplacement temporaire eu égard aux successions d'arrêts de travail de courte durée et de ses fonctions centrales sur un service clé de la société, ainsi que par la perturbation caractérisée au niveau de l'entreprise.
L'employeur soutient avoir procédé au remplacement définitif de Mme [J] par l'embauche le 1er avril 2019 de M. [N] en qualité de manager d'équipe / directeur de projets par contrat à durée indéterminée, ce qui est démontré par la promesse d'embauche du 21 mars 2019, transmise par courriel à M. [N] et par la note de nomination du 1er avril 2019, diffusée au sein de la société.
Il ressort en outre de la comparaison entre l'organigramme du mois de septembre 2018 et celui du mois d'avril 2019, qu'avant le terme du préavis de licenciement de Mme [J], M. [N] avait déjà repris la responsabilité des équipes des intégrateurs et des tech lead / développeurs dans le service des personal services, auparavant placées sous la direction de Mme [J]. Ce faisant, même si la salariée n'avait pas encore été retirée de l'organigramme, ces éléments sont de nature à établir que M. [N] a bien été recruté pour la remplacer dans ses fonctions.
Contrairement à ce que prétend Mme [J], M. [N] n'a pas été engagé en remplacement de M. [E]. Ce dernier dirigeait en effet les équipes des consultants et des valideurs qui n'apparaissent pas confiées à M. [N] mais placées sous la direction d'autres responsables à la lecture de l'organigramme du mois d'avril 2019.
Il ressort ensuite des pièces produites par l'employeur, que M. [Z] a été engagé en remplacement de M. [N], sur le même poste de directeur de projet / manager d'équipe, à compter du 1er octobre 2019 par contrat à durée indéterminée.
Dès lors, il apparaît que la société Symag a procédé au remplacement définitif de Mme [J].
**********
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la désorganisation de l'entreprise, la nécessité de pourvoir au remplacement définitif de Mme [J] ainsi que son remplacement effectif sont établis. Il convient par conséquent de juger par voie de confirmation du jugement déféré que le licenciement au motif des absences répétées et prolongées de Mme [J] est fondé.
2- Sur la cause exacte du licenciement
L'exigence d'une cause exacte signifie que le juge ne doit pas seulement vérifier que les faits allégués par l'employeur comme cause de licenciement existent ; il doit également rechercher si d'autres faits évoqués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement.
Lorsque la véritable cause du licenciement n'est pas celle énoncée dans la lettre de licenciement (les faits invoqués fussent-ils exacts), le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. L'énoncé d'un motif erroné dans la lettre de licenciement équivaut en effet à une absence de motif.
Mme [J] prétend qu'elle aurait été licenciée suite à son refus d'être rétrogradé à son ancien poste de chef de projet.
Il ressort de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 septembre 2018 adressée par l'employeur à Mme [J], qu'il évoque la possibilité de la reprositionner sur le poste de chef de projets qu'elle occupait précédemment, à la suite de son échange téléphonique avec un supérieur, à l'occasion duquel la salariée aurait indiqué 'se sentir perdue' et 'ne plus comprendre' ce qui était attendu d'elle dans le cadre de ses fonctions de manager.
Néanmoins, Mme [J] ne verse aucune autre pièce de nature à établir que son licenciement, intervenu plusieurs mois après, aurait été notifié en représailles à son refus de la proposition de reprise de son ancien poste.
En outre, il résulte de ce qui précède qu'en présence de faits objectifs matériellement vérifiables et vérifiés par la cour, ceux ci-ci constituent la seule véritable cause du licenciement.
Le licenciement étant motivé par une cause réelle et sérieuse, la salariée ne peut prétendre à une indemnisation à ce titre.
En définitive la décision entreprise est intégralement confirmée.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, Mme [J] sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2.000 euros.
Par conséquent, Mme [J] sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne Mme [U] [J] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne Mme [U] [J] à payer à la société Symag une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT