21 septembre 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n°
19/04764
Chambre 1-5
Texte de la décision
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 21 SEPTEMBRE 2023
ap
N° 2023/ 302
N° RG 19/04764 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7ZB
[S] [L]
[E] [L]
C/
Association ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE LES TERRASSES DE SYLVA BELLE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL
SCP CABINET BUVAT-TEBIEL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 29 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02407.
APPELANTS
Monsieur [S] [L]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Géraldine PUCHOL de la SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Madame [E] [L]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Géraldine PUCHOL de la SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE LES TERRASSES DE SYLVABELLE, sise [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Laurence JOUSSELME, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aude PONCET, Vice président placé , chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre,
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Aude PONCET, Vice président placé
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2023
Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
M. [S] [L] et Melle [E] [L] sont propriétaires d'une parcelle bâtie constituant le lot n° 13 du lotissement Les Terrasses de Sylvabelle situé à [Localité 3] (Var) acquise par leurs parents le 2 octobre 1981.
Considérant qu'ils avaient édifié sans autorisation un portail en parties communes de l'ASL, cette dernière les a fait assigner en remise en état des lieux et paiement de dommages-intérêts devant le tribunal judiciaire de Draguignan. Les consorts [L] se sont opposés à la demande en invoquant l'irrecevabilité, la prescription et le mal fondé de l'action.
Écartant la fin de non-recevoir, le tribunal judiciaire de Draguignan selon jugement contradictoire du 29 janvier 2019 a :
'rejeté les fins de non-recevoir invoquées par les consorts [L] ;
'condamné les mêmes à enlever le portail installé en limite du lot n° 15 et à supprimer toute construction ou plantation qui longe le n° 13 sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de deux mois suivant la signification du jugement ;
'débouté l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle et les consorts [L] de leurs demandes respectives en paiement de dommages-intérêts ;
'rejeté la demande d'exécution provisoire ;
'condamné in solidum M. [S] [L] et Melle [E] [L] à payer à l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
'condamné in solidum les mêmes aux dépens.
M. [S] [L] et Melle [E] [L] ont régulièrement relevé appel de cette décision le 22 mars 2019 et demandent à la cour selon dernières conclusions signifiées par voie électronique le 7 janvier 2022 de:
vu l'article 2224 du code civil,
vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile,
'déclarer l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle irrecevable en son action et la débouter de l'ensemble de ses demandes ;
'subsidiairement, vu les articles 1134 et 1147 du Code civil, déclarer l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter ;
'reconventionnellement, condamner l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle à payer aux consorts [L] les sommes de :
*5000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
*8000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance en appel ;
'dire que M. [S] [L] et Melle [E] [L] seront expressément déchargés des charges correspondant aux frais et honoraires de la procédure ;
' condamner l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle aux dépens de première instance et d'appel avec bénéfice de recouvrement direct.
Au soutien de leur recours, les consorts [L] font valoir principalement que le portail litigieux a été aménagé par leurs auteurs en 1989 et en tout cas était en place en 2007 ainsi qu'il ressort du procès-verbal d'assemblée générale de l'ASL du 30 octobre 2007 et que l'action est prescrite s'agissant d'une action personnelle et non réelle.
Au fond, ils expliquent que les lieux ont été modifiés lors de la création du lotissement, qu'une servitude de passage pour véhicules a été créée au seul bénéfice du lot n° 13 et non pour permettre l'accès piétons aux espaces verts communs ou encore aux lots n° 11 et 12, que cet accès piétonnier n'est nullement entravé ni obstrué, que d'ailleurs l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle a proposé la vente de l'espace vert litigieux et qu'ainsi la procédure engagée est abusive.
Selon dernières conclusions en réplique signifiées par voie électronique le 10 janvier 2022, l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle demande à la cour de :
vu les articles 2227, 545, 1134 et 1147 du code civil,
vu le cahier des charges de l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle,
vu le procès-verbal de constat du 8 février 2010,
'confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à porter l'astreinte à 500 € par jour de retard ;
'ordonner la restitution immédiate des communs et la démolition des constructions et travaux décrits au procès-verbal de constat du 8 février 2010 faisant obstacle pour les autres lots au passage à l'accès aux parties communes sous astreinte de 500 € par jour de retard passé un délai de deux mois suivant la signification de la décision à intervenir ;
'condamner solidairement M. [S] [L] Melle [E] [L] à payer à l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle les sommes de :
*10'000 € à titre de dommages-intérêts,
*8000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
'condamner solidairement les mêmes aux dépens avec bénéfice de recourement direct.
L'ASL Les Terrasses de Sylvabelle soutient principalement que l'appropriation de parties communes est une action immobilière soumise à la prescription trentenaire, que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, que les appelants occupent une parcelle de 541 m² ainsi qu'il ressort du plan établi le 12 avril 2021 et que cette occupation lui interdit son entretien.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 6 juin 2023.
MOTIFS de la DÉCISION
En lecture de l'ordonnance rendue le 25 novembre 2016 par le juge de la mise en état, les consorts [L] n'invoquent plus l'irrecevabilité de la demande pour assignation irrégulière. En revanche, ils maintiennent le moyen tiré de la prescription.
Ils expliquent, sans être contredits, que le portail litigieux a été aménagé par leurs auteurs en 1989 et qu'à tout le moins sa présence est attestée par le procès-verbal d'assemblée générale de l'ASL du 30 octobre 2007 ainsi qu'il ressort de la délibération n°6, que suite à une modification des lieux pour la création des parkings communs sur le lot n° 15, une servitude de passage pour véhicules a été concédée au lot n° 13 sur l'aire de parking ; cette servitude figurant en page 5 du règlement du lotissement a été identifiée au procès-verbal de constat exhaustif et documenté de nombreuses photographies ,réalisé le 24 avril 2019 par l'huissier [B] [R] (cf pièce n° 12 du dossier des appelants) ; les travaux modifiant les lieux sont attestés par les pièces n°2 et 3 du même dossier fournies à l'occasion de la demande de permis de construire ; elles sont corroborées par des photographies (pièce n°4) qui ne font pas plus l'objet de contestation par l'ASL.
Les appelants expliquent encore que l'accès aux espaces verts communs est un accès piétonnier, là encore identifié par l'huissier instrumentaire [R] dans son constat précité et que pour assurer la desserte carrossable de leur lot, une ouverture a été pratiquée par le lotisseur dans le mur d'enceinte. Cette ouverture figure expressément au dossier de permis de construire accordé le 3 juin 1986 (cf pièce n°9).
Au soutien de son action, l'ASL produit une copie d'un procès-verbal de constat réalisé à son initiative le 8 février 2018 et dont les photographies annexes en noir et blanc sont pour la plupart illisibles et particulièrement celles relatives au portail litigieux ; le plan d'état des lieux figurant en pièce 15 de son dossier d'appel est tout autant illisible au regard de sa réduction extrême.
C'est donc en vain que l'ASL, qui affirme beaucoup et prouve peu, soutient que les consorts [L] seraient les auteurs d'un empiètement ou d'une appropriation d'espaces communs à son détriment ou celui des lots contigus n° 11 et 12 disposant de leur propre accès à ces espaces.
S'agissant enfin des plantations qui leur sont également reprochées, la cour relève l'absence de tout constat ou élément quelconque sur ce point de telle sorte que l'affirmation relève de la pétition de principe.
En lecture de ces éléments et du caractère contractuel tant des statuts de l'ASL que du règlement du lotissement, l'action entreprise est une action personnelle relevant de la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil, issue de la loi du 17 juin 2008 et de ses dispositions transitoires entrées en vigueur le 19 juin 2008 et dont l'ASL ne conteste pas les modalités d'application telles qu'exposées en page 5, premier alinéa des écritures des appelants ; l'action devait donc être engagée au plus tard le 19 juin 2013.
***
L'admission du recours rend sans objet la demande indemnitaire soutenue par l'ASL intimée.
Celle formulée par les appelants n'est pas plus fondée en l'absence d'un préjudice particulier autre que celui d'avoir était contraint d'exposer des frais de conseil et de représentation qui relèvent de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboutée de sa demande, l'ASL doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du même code.
La demande de décharge des frais de procédure au titre des charges syndicales communes n'étant pas critiquée doit être admise.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement déféré en ce qu'il déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement de dommages-intérêts ;
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :
Déclare l'ASL Les Terrasses de Sylvabelle irrecevable en son action ;
La condamne à payer aux consorts [L] la somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement direct pour ces derniers dans les termes de l'article 699 du même code ;
Dit que les consorts [L] seront dispensés de toute participation aux frais de procédure au titre des charges syndicales.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ