19 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-84.109

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01163

Titre

  • detention provisoire
  • décision de mise en liberté
  • cassation
  • effets
  • durée de la détention
  • point de départ
  • notification de l'arrêt de cassation

Sommaire

Lorsqu'un arrêt de remise en liberté est annulé par la Cour de cassation mais que l'intéressé est détenu pour une autre cause, celui-ci doit être considéré comme détenu, au sens des articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale, dans la procédure dans laquelle il avait obtenu sa libération, dès la mise à exécution, par sa notification, de l'arrêt de cassation

Texte de la décision

N° Y 23-84.109 F-B

N° 01163


RB5
19 SEPTEMBRE 2023


REJET


M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 SEPTEMBRE 2023



M. [J] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'assassinats, destruction par un moyen dangereux, recel, en bande organisée, association de malfaiteurs et infraction à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [J] [M], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [J] [M], mis en examen des chefs susvisés, a été incarcéré provisoirement le 6 septembre 2021 puis placé en détention provisoire le 9 septembre suivant, pour une durée d'un an. Cette ordonnance a été annulée par arrêt de la chambre de l'instruction du 23 septembre 2021, ordonnant sa remise en liberté.

3. Par arrêt du 15 décembre 2021, notifié à M. [M] le 30 décembre suivant, la Cour de cassation a cassé cette décision (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-85.670).

4. La chambre de l'instruction de renvoi a confirmé l'ordonnance de placement en détention par arrêt du 10 janvier 2022, devenu définitif suite au rejet, le 20 avril suivant, du pourvoi formé par la personne mise en examen (Crim., 20 avril 2022, pourvoi n° 22-80.810).

5. Par ordonnance du 26 juillet 2022, dont la personne mise en examen a interjeté appel, le juge des libertés et de la détention a rejeté une demande de mise en liberté.

6. Par arrêt du 19 août suivant, la chambre de l'instruction a ordonné la mise en liberté de M. [M]. Cet arrêt a été cassé sans renvoi le 22 novembre 2022 (Crim., 22 novembre 2022, pourvoi n° 22-85.127).

7. Le 15 mars 2023, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention de la personne mise en examen pour une durée de six mois.

8. M. [M] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tenant à l'irrégularité de la prolongation de la détention provisoire de M. [M] et confirmé l'ordonnance du 15 mars 2023 par laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de l'exposant pour une durée de six mois, alors « que la mise en liberté du mis en examen s'impose si celui-ci est détenu en vertu d'un titre inexistant ; que tel est le cas lorsque l'ordonnance de prolongation de détention provisoire est intervenue tardivement ; qu'en outre, lorsque le même titre de détention a, en raison de diverses décisions de remise en liberté annulées, été mis à exécution de manière discontinue, il convient de s'assurer que le total des périodes de détention provisoire n'excède pas la durée du mandat de dépôt ; qu'à cet égard, lorsqu'une juridiction annule ou infirme une décision de remise en liberté, elle rend au titre de détention initial son plein effet ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que Monsieur [M] a été incarcéré provisoirement le 6 septembre 2021, avant d'être placé en détention provisoire par ordonnance du 9 septembre suivant ; qu'il a été remis en liberté par arrêt de la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 23 septembre suivant ; que, par arrêt du 15 décembre 2021, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 23 septembre 2021, rendant au titre de détention du 9 septembre 2021 son plein effet ; que par arrêt du 10 janvier 2022, la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Montpellier a confirmé le placement en détention provisoire de l'exposant ; que Monsieur [M], qui était détenu pour une autre cause, a ainsi notamment été détenu dans la présente procédure du 15 décembre 2021 au 10 janvier 2022 ; qu'il a à nouveau été remis en liberté par arrêt de la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 19 août 2022, cet arrêt ayant lui-aussi été cassé par la Cour de cassation le 22 novembre 2022 ; qu'il s'ensuit que, compte tenu des périodes de détention de l'exposant, le titre de détention délivré à son encontre, d'une durée d'un an, expirait le 28 février 2023 à 24 heures ; que la prolongation de sa détention n'a toutefois été ordonnée que le 15 mars 2023, de sorte que Monsieur [M] est détenu sans titre depuis le 1er mars 2023 ; qu'en retenant, pour refuser de constater cette situation et confirmer la prolongation de la détention provisoire, que Monsieur [M] « est resté en liberté dans l'attente de la décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier sur l'appel de l'ordonnance de placement en détention du juge des libertés et de la détention », de sorte que « la détention provisoire de [J] [M] a été prolongée dans des conditions régulières et avant l'expiration de la validité du titre de détention [le] 23 mars 2023 », la Chambre de l'instruction a violé les articles 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 145-2, 609, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte de l'article 145-2 du code de procédure pénale, qu'en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an. Toutefois, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois.

11. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel la décision de prolongation de la détention intervenue le 15 mars 2023 serait tardive, l'arrêt attaqué énonce qu'en cassant et annulant l'arrêt de la chambre de l'instruction du 23 septembre 2021, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 15 décembre 2021, remis la cause et les parties au même état où elles étaient avant la décision annulée et qu'elle a également renvoyé la cause et les parties devant une nouvelle chambre de l'instruction pour que cette juridiction statue sur l'appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant M. [M] en détention provisoire.
12. Les juges ajoutent que, contrairement à ce que soutient M. [M], il est resté en liberté dans l'attente de la décision de la juridiction de renvoi.

13. Ils précisent que, par arrêt en date du 10 janvier 2022, cette juridiction a confirmé l'ordonnance de placement en détention du juge des libertés et de la détention, ce qui a eu pour conséquence le placement de ce dernier à nouveau sous mandat de dépôt.

14. Ils en déduisent qu'au vu de ces éléments, M. [M] a été détenu dans le cadre de cette procédure moins d'une année, et, qu'en conséquence, la prolongation de sa détention provisoire est régulière.

15. C'est à tort que les juges ont retenu que M. [M] est resté en liberté dans l'attente de la décision de la chambre de l'instruction de renvoi.

16. En effet, lorsqu'un arrêt de remise en liberté est annulé par la Cour de cassation mais que l'intéressé est détenu pour une autre cause, celui-ci doit être considéré comme détenu, au sens des articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale, dans la procédure dans laquelle il avait obtenu sa libération, dès la mise à exécution, par sa notification, de l'arrêt de cassation.

17. Il en résulte qu'à la suite de la notification de l'arrêt de cassation du 15 décembre 2021, intervenue le 30 décembre suivant, M. [M] a été de nouveau détenu provisoirement par l'effet du mandat de dépôt du 9 septembre 2021.

18. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'à la date de la décision de prolongation de la détention, le 15 mars 2023, la détention provisoire de M. [M], qui s'est effectuée de manière discontinue (du 6 au 23 septembre 2021, du 30 décembre 2021 au 19 août 2022, puis à compter du 2 décembre 2022, date de la notification de l'arrêt du 22 novembre 2022), n'avait pas excédé le délai d'un an fixé à l'article 145-2 du code de procédure pénale.

19. Ainsi, le moyen doit être écarté.

20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.