21 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.570

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C200866

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2023




Cassation partielle


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 866 F-D

Pourvoi n° R 21-24.570




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2023

La société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) Occitanie, venant aux droits de la Safer Languedoc Roussillon , société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-24.570 contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [P] [O], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Mme [H] [T], épouse [O], domiciliée [Adresse 2],

3°/ à Mme [B] [O], domiciliée [Adresse 4],

4°/ à M. [D] [S], domicilié [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Occitanie, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 septembre 2021), la donation de divers biens immobiliers faite par M. et Mme [O] à leur fille, Mme [B] [O], a été révoquée judiciairement par l'arrêt d'une cour d'appel du 19 février 2008 en raison du non-respect de certaines des obligations mises à la charge de la donataire.

2. M. et Mme [O] ont également obtenu, par jugement d'un tribunal de grande instance du 2 avril 2008, la condamnation de Mme [B] [O] à leur payer une somme correspondant aux réparations de remise en état des biens objets de la donation et inscrit une hypothèque judiciaire sur les biens de leur fille.

3. Le 15 décembre 2009, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Languedoc Roussillon (la SAFER) a également pris une hypothèque conventionnelle sur les biens de Mme [B] [O] à la suite d'un prêt qu'elle lui avait accordé.

4. N'ayant pas été intégralement désintéressée de sa créance du fait du concours de celle de M. et Mme [O], la SAFER les a assignés, ainsi que Mme [B] [O], en responsabilité devant un tribunal de grande instance aux fins d'indemnisation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La SAFER fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes dirigées contre M. et Mme [O], alors « que commet une faute le créancier qui ayant obtenu l'annulation ou la résolution du contrat, en poursuit ultérieurement l'exécution ; qu'en l'espèce, pour exclure toute faute de M. et Mme [O], la cour d'appel a retenu que la révocation de la donation par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 février 2008 ne les privait pas de leur droit à obtenir du donataire négligeant réparation des biens immobiliers mal entretenus voire laissés à l'abandon ; qu'en statuant ainsi quand il ressortait de ses propres constatations que la créance de M. et Mme [O] résultant du jugement du tribunal de grande instance de Béziers du 2 avril 2008 était fondée sur la méconnaissance des obligations contractuelles résultant de la donation du 22 octobre 2000 et que cette donation avait antérieurement été révoquée à la demande de M. et Mme [O] par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 février 2008, de sorte qu'en poursuivant le paiement de la créance constatée par le jugement du 2 avril 2008 et en procédant à une inscription d'hypothèque afin d'en obtenir le paiement, M. et Mme [O] avaient nécessairement commis une faute, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

6. L'arrêt retient que les deux actions judiciaires intentées par M. et Mme [O] à l'encontre de leur fille, la première en révocation de la donation et la seconde en paiement de dommages et intérêts de nature à leur permettre de reprendre le bien donné dans l'état où il se trouvait au jour de la donation n'ont pas le même objet, et que la seconde était fondée sur la révocation et non sur l'inexécution des obligations de la donation.

7. Le moyen qui postule que M. et Mme [O] ont poursuivi l'exécution de la donation dont ils avaient obtenu la révocation manque, dès lors, en fait.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La SAFER fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son appel incident et en ses demandes dirigées contre Mme [B] [O], alors « que les juges du fond, qui doivent en toutes circonstances faire observer et observer eux-mêmes le principe du contradictoire, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen qu'ils ont relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'aucune partie ne soutenait dans ses conclusions d'appel que son appel incident était irrecevable ; qu'en retenant néanmoins d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, que l'appel incident était irrecevable en raison de la caducité partielle de la déclaration d'appel de l'appelant principal à l'encontre de Mme [B] [O], la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

9. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

10. Pour déclarer irrecevable la SAFER en son appel incident, l'arrêt rappelle que par ordonnance définitive du 1er juin 2017, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel de M. et Mme [O] à l'égard de Mme [B] [O], et en déduit que la cour d'appel n'est plus saisie de l'appel incident de la SAFER à l'encontre de Mme [B] [O], devenu irrecevable faute d'appel principal de sa part.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a relevé d'office l'irrecevabilité de l'appel incident de la SAFER, sans avoir au préalable invité les parties à faire valoir leurs observations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Languedoc Roussillon en son appel incident et en ses demandes dirigées contre Mme [B] [O], l'arrêt rendu le 23 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne Mme [B] [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-trois.

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