21 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.872

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200878

Titres et sommaires

ASSURANCE MUTUELLE - Société à cotisations variables - Cotisation - Action en paiement - Prescription biennale - Point de départ - Décision du conseil d'administration

Il résulte de l'article R. 322-71 du code des assurances, qu'en matière de société d'assurance mutuelle à cotisations variables, la cotisation appelée pour un exercice n'étant que provisoire, le conseil d'administration d'une telle société peut fixer les fractions du montant maximal que les sociétaires peuvent, le cas échéant, avoir à verser en sus de la cotisation normale, pour les exercices antérieurs à la résiliation du contrat. La décision du conseil d'administration, qui peut être prise à tout moment, constitue le point de départ de la prescription biennale de l'action en paiement de la cotisation complémentaire, la date de résiliation du contrat d'assurance étant indifférente

ASSURANCE (RèGLES GéNéRALES) - Prescription - Prescription biennale - Point de départ - Assurance mutuelle - Cotisation supplémentaire - Décision du conseil d'administration

ASSOCIATION - Assurance mutuelle - Société à cotisations variables - Cotisation supplémentaire - Action en paiement - Prescription biennale - Point de départ - Décision du conseil d'administration

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2023




Cassation partielle


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 878 F-B

Pourvoi n° X 22-10.872


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2023

M. [H] [J], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutelle des transports assurances (MTA), a formé le pourvoi n° X 22-10.872 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2021 par la cour d'appel de Caen (première chambre civile), dans le litige l'opposant à la société First location automobiles, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J], en qualité de liquidateur de la société Mutelle des transports assurances (MTA), de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société First location automobiles, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 14 décembre 2021), la société First location automobiles a souscrit auprès de la société Mutuelle des transports assurances (la société MTA), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, trois contrats qu'elle a résiliés les 31 décembre 2011, 31 janvier 2013 et 31 décembre 2013.

2. La société MTA a été placée sous administration provisoire par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et, le 15 décembre 2015, son administrateur provisoire a procédé à des appels de cotisations complémentaires au titre des exercices 2011 à 2013.

3. M. [J], désigné mandataire liquidateur de la société MTA, a saisi un tribunal de grande instance afin d'obtenir le paiement de ces cotisations par la société First location automobiles.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [J], en qualité de liquidateur de la société MTA, fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites ses demandes du chef des contrats d'assurance n° 75108/600657 et n° 75108/604040 et de le débouter de ses demandes à ce titre, alors « qu'il résulte de l'article R. 322-71 du code des assurances que les sociétés mutuelles à cotisations variables peuvent appeler, sur décision du conseil d'administration, des compléments de cotisation dans la limite d'un montant maximal qui doit figurer sur la police et qui ne peut être inférieur à une fois et demie le montant de la cotisation normale nécessaire pour faire face aux charges probables résultant des sinistres et frais de gestion ; que cette faculté, qui est destinée à sauvegarder le juste coût de l'assurance auquel doivent tendre les sociétés mutuelles d'assurances, suppose pour sa mise en oeuvre que la société, qui entend en faire usage et qui doit justifier du bien-fondé de sa décision, ait connaissance du montant des sinistres qu'elle sera tenue de garantir au titre de l'exercice considéré et donc des éventuelles réclamations tardives et de leurs montants ; que dès lors, la décision du conseil d'administration, qui peut, sous réserve d'un éventuel abus, être prise à tout moment, constitue le point de départ de la prescription prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances ; que pour déclarer prescrite l'action de M. [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société MTA, en recouvrement des cotisations complémentaires appelées au titre des contrats n° 75108/60067 et n° 75108/604040, l'arrêt attaqué retient que la décision du 15 décembre 2015, réclamant des cotisations complémentaires à la société First Location Auto, était intervenue trop tardivement concernant ces deux polices résiliées respectivement les 31 janvier 2013 et 31 décembre 2011 pour lesquelles le délai de deux années imparti pour réclamer des cotisations complémentaires était expiré au 31 janvier 2015 et 1er janvier 2014 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles R. 322-71 et L. 114-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 114-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021, et R. 322-71 du code des assurances :

5. Selon le second de ces textes, le sociétaire d'une société d'assurance mutuelle ne peut être tenu au-delà du montant maximal de cotisation indiqué dans sa police dans le cas d'une société à cotisations variables. Ce montant maximal ne peut être inférieur à une fois et demie le montant de la cotisation normale nécessaire pour faire face aux charges probables résultant des sinistres et aux frais de gestion. Les fractions du montant maximal de cotisation que les sociétaires peuvent, le cas échéant, avoir à verser en sus de la cotisation normale, sont fixées par le conseil d'administration.

6. Il en résulte que la cotisation appelée pour un exercice n'étant que provisoire, le conseil d'administration d'une société à cotisations variables peut user de la faculté qui lui est ainsi reconnue pour les exercices antérieurs à la résiliation du contrat (1re Civ., 25 mars 1991, pourvoi n° 89-19.782, Bull. 1991, I, n° 104).

7. La décision du conseil d'administration, qui peut être prise à tout moment, constitue le point de départ de la prescription biennale de l'action en paiement de la cotisation complémentaire prévue par le premier de ces textes, la date de résiliation du contrat d'assurance étant indifférente (1re Civ., 15 janvier 2002, pourvoi n° 99-11.704, Bull. 2002, I, n° 10).

8. Pour déclarer prescrites les demandes présentées par M. [J] au titre des contrats n° 75108/60067 et n° 75108/604040, l'arrêt, après avoir relevé que ces deux contrats avaient été résiliés les 31 janvier 2013 et 31 décembre 2011 et constaté que les appels de cotisations complémentaires au titre des exercices 2011 à 2013 avaient été décidés le 15 décembre 2015, retient que si la prescription court à compter de la décision de procéder à des appels complémentaires, cette solution n'exclut pas la prise en considération de la situation particulière de la société First location automobiles qui n'était plus adhérente au 15 décembre 2015, qui ne faisait plus partie de groupements sociétaires et dont les contrats avaient été antérieurement résiliés.

9. Il retient encore que la décision d'appeler des cotisations complémentaires est intervenue trop tardivement pour les deux contrats résiliés, pour lesquels le délai de deux années imparti pour décider et réclamer quelques cotisations complémentaires que ce soit était expiré aux 31 janvier 2015 et 1er janvier 2014, dès lors que la réclamation doit avoir lieu dans le délai de deux ans courant à compter de la résiliation du contrat, puisque les cotisations complémentaires résultent du contrat d'assurance dont elles dérivent.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la décision du conseil d'administration d'appeler des cotisations complémentaires, au titre des exercices 2011 à 2013, avait été prise le 15 décembre 2015 et que l'assignation en paiement de ces cotisations avait été délivrée à la société First location automobiles le 25 juillet 2017, dans le délai de la prescription biennale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables comme prescrites les demandes présentées au titre des contrats n° 75108/60067 et n° 75108/604040 par M. [J] en qualité de liquidateur de la société Mutuelle des transports assurances, l'arrêt rendu le 14 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société First location automobiles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société First location automobiles et la condamne à payer à M. [J], en qualité de liquidateur de la société Mutuelle des transports assurances, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-trois.

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