20 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.868

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00587

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 septembre 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 587 F-D

Pourvoi n° Q 21-24.868






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 SEPTEMBRE 2023

M. [W] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-24.868 contre l'arrêt n° RG 20/05798 rendu le 13 septembre 2021 par la cour d'appel de [Localité 4] (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques d'[Localité 3] et du département de [Localité 4], domicilié [Adresse 5], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, lui-même domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [P], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'[Localité 3] et du département de [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2021), afin de bénéficier d'une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, M. [P] a joint à sa déclaration d'ISF de l'année 2010 une attestation de la société Finaréa entreprises certifiant qu'il avait investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe.

2. Considérant que la société Finaréa entreprises n'avait pas cette qualité, de sorte que M. [P] ne pouvait prétendre à l'avantage en cause, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification.

3. Après rejet de sa réclamation contentieuse, M. [P] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions réclamées.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

5. M. [P] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 2°/ que toute décision de justice doit être motivée, à peine de nullité ; que les contribuables avaient demandé à l'administration la communication de la liste des pièces sur lesquelles elle s'était fondée afin d'établir la proposition de rectification ; qu'en ne procédant à aucune recherche à cet égard, pour se contenter d'énoncer que, selon elle, "l'administration n'est […] pas tenue d'adresser une liste spécifique des documents qu'elle invoque dès lors qu'ils sont identifiés dans la proposition de rectification", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'obligation pour l'administration fiscale de transmettre au contribuable qui en fait la demande, avant la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire, l'ensemble des éléments considérés par elle est une obligation formelle qui doit être exécutée a priori totalement et à première demande du contribuable qui en fait la demande, qui n'a pas à en justifier la pertinence ni à dresser la liste des documents qu'il entend voir transmettre ; que c'est uniquement en cas d'atteinte à un secret légitime juridiquement protégé ou de présence, dans les documents considérés par l'administration, de données personnelles, que l'administration qui en justifie peut ne pas procéder à pareille transmission intégrale des éléments considérés par elle ; que, pour le reste, hormis, naturellement, les notes et analyses internes à l'administration qui accompagnent son dossier, l'administration doit communiquer l'intégralité des éléments de fond qu'il comporte ; qu'au cas présent, pour déclarer régulière la procédure de rectification menée à l'encontre des contribuables, la cour d'appel a relevé que l'obligation de communication ne porterait pas sur l'entier dossier de l'administration et que les contribuables n'établiraient pas la liste des pièces utiles à leur défense qu'ils voudraient voir communiquer : "M. [P] ne précise pas les pièces recueillies auprès de tiers autres que celles émanant de la société Finaréa entreprises dont il est associé qui auraient dû être communiquées" ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu à la fois le champ d'application et le régime de l'obligation de communication pesant sur l'administration, a violé les articles L. 76 et L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les principes des droits de la défense, du procès équitable et de loyauté ;

4°/ que la communication des documents fondant la proposition de rectification, quand elle est demandée par le contribuable, s'impose à l'administration fiscale, quand bien même ledit contribuable pourrait y avoir accès par ailleurs ; qu'en relevant, à l'appui de sa décision de dire satisfaites les obligations de communication pesant sur l'administration fiscale, la circonstance que les contribuables étaient associés au sein de la société Finaréa entreprises, donc, si l'on suit la cour, que la société était susceptible de transmettre au contribuable des éléments complémentaires d'information également utilisés par l'administration dans son dossier, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les principes de loyauté, du contradictoire et du procès équitable ;

5°/ que si tout associé a le droit de participer aux décisions collectives, ce qui impose à la société une obligation d'information sur les affaires sociales au bénéfice de ses associés, les contours de cette obligation d'information varient selon la forme sociale considérée ; qu'au sein d'une société par actions simplifiée, faute d'énumération légale, ce sont les statuts qui définissent les documents communiqués aux associés ; qu'en laissant entendre que la société Finaréa entreprises aurait dû communiquer à M. [P] les éléments sur lesquels l'administration a fondé la proposition de rectification litigieuse, sans pour autant préciser les documents qui devaient être communiqués au vu des statuts de ladite société, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 76 et L. 76 B du livre des procédures fiscales, 1844 du code civil et L. 227-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas applicable au présent litige, dès lors que l'ISF n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union. Il en va de même de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l'espèce, à contester le bien-fondé des suppléments d'impôt mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités.

7. En second lieu, selon l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande.

8. L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition.

9. Ni ce texte, ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue, ni le principe du respect du contradictoire des droits de la défense et du procès équitable ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due.

10. Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès.

11. Le moyen, pris en sa troisième branche, qui postule le contraire, manque en droit.

12. En dernier lieu, l'arrêt énonce exactement que l'administration fiscale n'est pas tenue d'adresser une liste spécifique des documents qu'elle invoque dés lors qu'ils sont identifiés dans le contenu de la proposition de rectification.

13. L'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que la proposition de rectification adressée à M. [P] le 30 novembre 2012 fait référence à la vérification de comptabilité de la société Finaréa entreprises et du GIE Finaréa services et met en avant un certain nombre de documents qu'elle analyse pour établir le bien-fondé des redressements articulés sur la remise en cause du caractère de holding animatrice de la société Finaréa entreprises. Il relève que M. [P] admet avoir reçu ces documents et que s'il conteste avoir reçu le contrat liant la société Finaréa entreprises à ses gérants de participation, il ne peut être prétendu que le vérificateur se serait appuyé sur ce document, qu'il ne cite pas et dont il n'expose pas la teneur, pour fonder son redressement.

14. L'arrêt ajoute qu'il importe peu que l'administration fiscale ait fait savoir à M. [P] que la proposition de rectification se fondait aussi sur des informations légales et financières accessibles au public, s'agissant du bilan et du rapport de gestion, dès lors que ces documents sont publiés, conformément aux obligations légales des entreprises, auprès du greffe du tribunal de commerce.

15. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que la proposition de rectification cite les documents obtenus de tiers sur lesquels sont fondées les rectifications et que ces documents ont tous été communiqués au contribuable, c'est par une décision motivée que la cour d'appel a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les quatrième et cinquième branches, retenu que la procédure de redressement était régulière.

16. Le moyen, inopérant en ses quatrième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'[Localité 3] et du département de [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme de 1 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois, et signé par lui et M. Mollard, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

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