20 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-21.249

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00909

Titres et sommaires

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité social et économique - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Régularité - Recours au vote électronique - Accès aux listes d'émargement - Accès après la clôture du scrutin - Conditions - Respect - Défaut - Cas - Portée

S'il résulte des articles R. 2314-16 et R. 2314-17 du code du travail relatifs aux modalités du vote électronique, que la liste d'émargement n'est accessible qu'aux membres du bureau de vote et à des fins de contrôle du déroulement du scrutin, et qu'après la clôture du scrutin il appartient aux parties intéressées de demander au juge, en cas de contestation des élections, que les listes d'émargement soient tenues à sa disposition, l'irrégularité résultant de la transmission directe par l'employeur, après la clôture du scrutin, de la liste d'émargement à la demande d'une partie intéressée, n'est pas susceptible d'entraîner en elle-même l'annulation des élections

Texte de la décision

SOC. / ELECT

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 septembre 2023




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 909 F-B

Pourvoi n° B 22-21.249




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 SEPTEMBRE 2023

1°/ Mme [V] [TX], domiciliée [Adresse 2],

2°/ l'union départementale CGT 34, dont le siège est [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° B 22-21.249 contre le jugement rendu le 30 août 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Nephrocare [Localité 3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ au syndicat départemental CFDT santé sociaux 34, dont le siège est [Adresse 4],




3°/ à Mme [B] [SS],

4°/ à Mme [O] [F],

5°/ à Mme [VU] [AY],

6°/ à Mme [YW] [DR],

7°/ à Mme [S] [EW],

8°/ à Mme [D] [AE],

9°/ à M. [E] [OP],

10°/ à Mme [P] [R],

11°/ à Mme [CL] [T],

12°/ à Mme [JD] [RM],

13°/ à Mme [Y] [NK],

14°/ à M. [EG] [GT],

15°/ à Mme [L] [C],

16°/ à Mme [W] [VC],

17°/ à Mme [B] [K],

18°/ à M. [PH] [A],

19°/ à Mme [D] [G],

20°/ à M. [M] [I],

21°/ à Mme [U] [MF],

22°/ à M. [WZ] [Z],

23°/ à Mme [J] [LA],

24°/ à Mme [X] [H],

tous vingt-deux domiciliés au siège de la société Nephrocare [Localité 3], [Adresse 1],



défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [TX] et du syndicat Union départementale CGT 34, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Nephrocare [Localité 3], après débats en l'audience publique du 28 juin 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Béziers, 30 août 2022), les opérations en vue de l'élection des membres du comité social et économique de la société Nephrocare [Localité 3] se sont déroulées entre le 3 et le 6 mai 2022, par voie électronique.

2. Par requête du 20 mai 2022, Mme [TX] et l'union départementale CGT 34 ont saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation des élections en invoquant une irrégularité résultant de la transmission par l'employeur à Mme [TX], à sa demande, de la liste d'émargement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, irrecevable s'agissant de la troisième branche, et qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation s'agissant des deuxième et cinquième branches.







Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. Mme [TX] et l'union départementale CGT 34 font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la pièce n° 8 qu'elles ont versée aux débats, de les débouter de leurs demandes d'annulation des élections des représentants du personnel au comité social et économique de la société et de les condamner à verser une certaine somme à la société pour procédure abusive, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que ne constitue pas un stratagème le simple fait, pour un représentant syndical, de solliciter de l'employeur la liste d'émargement de l'élection professionnelle tenue par voie électronique dans l'entreprise, qui ne s'accompagne d'aucune manoeuvre, mensonge ou autre procédé trompeur, peu important qu'il ait, ou non, voulu se constituer la preuve d'une irrégularité dans le déroulement des opérations électorales ; qu'en l'espèce, il ressort du jugement attaqué que "suivant mail du 9 mai 2022, à 9h59, Mme [TX], élue CGT, envoie un mail en indiquant : Mesdames, pouvez-vous m'adresser la liste d'émargement de l'élection qui a eu lieu entre le 3 et le 6 mai 2022. Cordialement. [V] [TX], membre du CSE DS CGT NC [Localité 3]. Le 10 mai 2022 à 15h36, Mme [N] [HY], responsable des ressources humaines, la lui transmet. Mme [TX] et son syndicat intenteront quelques jours plus tard une action en justice aux motifs que cette transmission était irrégulière" ; qu'en déclarant irrecevable la pièce n° 8 des demanderesses, représentant cet échange de courriels, aux motifs que "Mme [TX] reproche à la société de lui avoir transmis une pièce qu'elle n'aurait pas eu le droit de lui transmettre, suite à sa propre demande en ce sens...que c'est elle qui a placé l'employeur en situation de faute...qu'il est permis de penser que c'est précisément à cette fin que le mail du 9 mai 2022 a été envoyé" de sorte "qu'il peut donc être considéré que cette demande constituait bien un stratagème" le tribunal judiciaire, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code de procédure civile et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ;

4°/ que toute partie a droit à la preuve ; qu'il n'est pas déloyal, pour une partie, de se préconstituer une preuve afin d'intenter une action en justice ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la preuve déduite de l'échange de courriels des 8 et 9 mai 2022 dont résultait la violation, par l'employeur, de son obligation de conservation sous scellés de la liste d'émargement, condition de la confidentialité du scrutin, "que la seule conséquence qui a été tirée de cette transmission n'apparaît être qu'une action en justice", le tribunal a violé derechef les textes susvisés. »


Réponse de la Cour

5. Il résulte de la jurisprudence établie de la Cour de cassation (Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-20.047, publié) que, selon le premier alinéa de l'article R. 2314-16 du code du travail, la liste d'émargement n'est accessible qu'aux membres du bureau de vote et à des fins de contrôle de déroulement du scrutin, qu'aux termes de l'article R. 2314-17 de ce code, l'employeur ou le prestataire qu'il a retenu conserve sous scellés, jusqu'à l'expiration du délai de recours et, lorsqu'une action contentieuse a été engagée, jusqu'à la décision juridictionnelle devenue définitive, les fichiers supports comprenant la copie des programmes sources et des programmes exécutables, les matériels de vote, les fichiers d'émargement, de résultats et de sauvegarde, après la clôture du scrutin, et qu'il appartient aux parties intéressées de demander au juge, en cas de contestation des élections, que les listes d'émargement soient tenues à sa disposition.

6. L'irrégularité résultant de la transmission directe par l'employeur, après la clôture du scrutin, de la liste d'émargement à la demande d'une partie intéressée n'est pas susceptible d'entraîner en elle-même l'annulation des élections.

7. Ayant constaté que les élections s'étaient déroulées par vote électronique du 3 au 6 mai 2022 et que, le 10 mai suivant, l'employeur avait transmis directement la liste d'émargement à la déléguée syndicale CGT à la demande de celle-ci, le tribunal a débouté à bon droit l'intéressée et le syndicat de leur demande d'annulation des élections fondée sur cette transmission irrégulière intervenue postérieurement à la clôture du scrutin.

8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, le jugement se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.

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