14 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-13.486

Deuxième chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2023:C201028

Texte de la décision

CIV. 2

COUR DE CASSATION



FD


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 14 septembre 2023




NON-LIEU A RENVOI


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 1028 FS-D

Pourvoi n° J 23-13.486







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2023

Par mémoire spécial présenté le 30 juin 2023, le groupement d'intérêt public [3], dont le siège est [Adresse 2], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° J 23-13.486 qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2023 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre sociale), dans une instance l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Midi-Pyrénées, dont le siège est [Adresse 1].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du groupement d'intérêt économique [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Midi-Pyrénées, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mmes Coutou, Lapasset, MM. Leblanc, Pedron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, M. Labaune, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. A la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 et 2013, l'URSSAF de Midi-Pyrénées (l'URSSAF) a adressé au groupement d'intérêt public [3] (le GIP) une lettre d'observations du 9 mars 2015 emportant, notamment, redressement résultant de la réintégration, dans l'assiette des cotisations sociales, d'une somme qui en avait été exclue par celui-ci, au motif que, en raison de sa nature juridique, il ne saurait prétendre au bénéfice de la réduction dégressive prévue par l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.

2. Contestant ce redressement, le GIP a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

3. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2023 par la cour d'appel de Montpellier, le GIP a, par mémoire distinct et motivé reçu au greffe de la Cour de cassation le 30 juin 2023, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les articles L. 241-13 du code de la sécurité sociale et L. 5424-1 du code du travail, interprétés, selon une jurisprudence constante, comme édictant que les groupements d'intérêt public ne sont pas au nombre des employeurs auxquels s'applique, pour la rémunération de leurs agents, la réduction dégressive prévue par le premier de ces textes (2e Civ., 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-12.128), portent-ils atteinte au principe d'égalité consacré par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

4. La disposition contestée est applicable au litige, dans ses rédactions issues successivement des lois n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, n° 2012-354 du 14 mars 2012 et n° 2012-958 du 16 août 2012, qui porte notamment sur la contestation par le GIP du redressement auquel l'URSSAF a procédé à son encontre, du chef de la réduction générale des cotisations patronales sur les bas salaires, dite réduction « Fillon », prévue par l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.

5. Dans cette rédaction issue des textes précités, elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

7. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

8. En effet, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet qu'il établit.

9. Le paragraphe II de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, définit les conditions d'application de la réduction des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles et des allocations familiales qui sont assises sur les gains et rémunérations, en précisant notamment qu'elle est appliquée aux gains et rémunérations versés aux salariés au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par l'article L. 5422-13 du code du travail et aux salariés mentionnés au 3° de l'article L. 5424-1 du même code, à l'exception des gains et rémunérations versés par les particuliers employeurs.

10. Par sa décision n° 2013-300 QPC du 5 avril 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le paragraphe II de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 et dans celle issue de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005.

11. Il a dit que, bien que non expressément visés à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, bénéficient également de la réduction dégressive les employeurs des salariés mentionnés au 4° de l'article L. 351-12 devenu L. 5424-1 du code du travail, et notamment les employeurs des salariés non statutaires des services à caractère industriel et commercial gérées par les chambres de commerce et d'industrie qui se sont, par une option irrévocable, volontairement soumis à l'obligation édictée par l'article L. 351-4, devenu L. 5422-13, du code du travail. Il a ajouté, pour écarter toute atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, que, par la réduction des cotisations à la charge de l'employeur prévue par le paragraphe I de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, le législateur a entendu favoriser l'emploi en allégeant le coût des charges sociales pesant sur l'employeur et que, pour définir les conditions ouvrant droit à cette réduction, le législateur s'est fondé sur des différences de situation en lien direct avec l'objet de la loi, en prenant en compte le régime juridique de l'employeur, les modalités selon lesquelles l'employeur est assuré contre le risque de privation d'emploi de ses salariés ainsi que le régime de sécurité sociale auquel ces salariés sont affiliés et en fondant son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en lien avec l'objectif poursuivi.

12. Or, il résulte de la combinaison des articles L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail que les groupements d'intérêt public assurent eux-mêmes la charge et la gestion de l'allocation d'assurance chômage et que, pour leurs agents non statutaires, ils peuvent adhérer au régime de l'assurance chômage, par une option qui n'est pas irrévocable.

13. Dès lors, les groupements d'intérêt public n'étant pas, à l'égard de leurs agents non statutaires, dans la même situation que les employeurs privés soumis à l'obligation légale d'assurer leurs salariés contre le risque de perte d'emploi prévue à l'article L. 5422-13 du code du travail ni dans celle des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1 du même code qui ont la faculté, par une option irrévocable, d'adhérer au régime d'assurance chômage, leur exclusion du champ d'application de la réduction des cotisations à la charge de l'employeur, prévue par l'article L. 241-13, II, du code la sécurité sociale, ne porte pas atteinte au principe d'égalité devant la loi énoncé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

14. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.




PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-trois.

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