13 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-12.047

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00566

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Jugement - Effets - Arrêt des poursuites individuelles - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Action en justice - Action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de location de véhicules - Effets - Clause résolutoire de plein droit acquise avant le jugement d'ouverture

Le principe édicté à l'article L. 622-21, I, du code de commerce, de l'interruption ou de l'interdiction des actions en justice de la part des créanciers, dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de location de véhicules par application d'une clause résolutoire de plein droit ayant produit ses effets avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du locataire. Viole ainsi l'article L. 622-21, I, du code de commerce la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable le loueur en sa demande de constatation d'acquisition de la clause résolutoire, retient que l'action de ce loueur ne peut, en l'absence de décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du locataire

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 septembre 2023




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 566 F-B

Pourvoi n° Z 22-12.047









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 SEPTEMBRE 2023

La société Temsys, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], exerçant sous l'enseigne Ald Automotive, a formé le pourvoi n° Z 22-12.047 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société KC technologies, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société BCM, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [V] [Z] ou M. [P] [A], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société KC technologies,

3°/ à la société [T] [X], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [T] [X], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société KC technologies,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bedouet, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la société Temsys, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Bedouet, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 mai 2021), rendu en référé, la société Temsys a signé avec la société KC technologies un contrat cadre portant sur la location de 22 véhicules utilitaires.

2. Par une lettre recommandée avec avis de réception reçue le 24 septembre 2019, la société Temsys, se prévalant de la clause résolutoire de plein droit, a mis en demeure la société KC technologies de lui régler sous huit jours une somme de 197 495,62 euros représentant les loyers impayés.

3. Par ordonnance du 11 décembre 2019, le président d'un tribunal, statuant en référé, a constaté l'acquisition de la clause résolutoire incluse dans le contrat, au 1er octobre 2019, ordonné la restitution des véhicules sous astreinte et condamné la société KC technologies à payer une provision.

4. Le 26 décembre 2019, la société KC technologies a été mise en redressement judiciaire, la société BCM étant désignée administrateur judiciaire et la société Alliance MJ, mandataire judiciaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la société Temsys irrecevable en sa demande de provision


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la société Temsys irrecevable en sa demande de résolution du contrat du 11 avril 2021

Enoncé du moyen

6. La société Temsys fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa demande de résolution du contrat du 11 avril 2021, alors « que la règle d'interdiction des poursuites individuelles ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résiliation d'un contrat bail par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du preneur ; qu'en infirmant l'ordonnance ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 1er octobre 2019 et en déclarant irrecevable la demande en résolution du contrat de bail, du fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société KC technologies, cependant que la résolution du contrat de bail du 11 avril 2016 avait produit ses effets avant l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 622-21 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-21 I du code de commerce :

7. Le principe édicté par ce texte, de l'interruption ou de l'interdiction des actions en justice de la part des créanciers, dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de location de véhicules par application d'une clause résolutoire de plein droit ayant produit ses effets avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du locataire.

8. Pour déclarer irrecevable la société Temsys en sa demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, l'arrêt retient que l'action de cette société ne peut, en l'absence de décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société KC technologies. Il ajoute que la demande se heurte, devant la juridiction des référés statuant au provisoire, à la règle de l'interdiction des actions en paiement dès lors que l'ouverture et la poursuite de la procédure collective de la société KC technologies interdisent l'action en référé engagée par la société Temsys tendant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat pour défaut de paiement des loyers.

9. En statuant ainsi, alors que l'acquisition de la clause résolutoire, le 1er octobre 2019, était intervenue antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société KC technologies, de sorte que la demande de la société Temsys de constat de la résiliation du contrat de location à cette date était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de déclarer irrecevable la demande de provision, la cassation encourue sur l'irrecevabilité de la demande d'acquisition ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant l'ordonnance du 11 décembre 2019, il déclare la société Temsys irrecevable en sa demande d'acquisition de la clause résolutoire et statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société KC technologies aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Temsys ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.