14 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.209

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C300607

Titres et sommaires

CASSATION - Moyen - Moyen de pur droit - Applications diverses - Contrats et obligations - Résolution - Effets - Anéantissement du contrat - Portée

La restitution de la chose et du prix constituant une conséquence légale de la résolution du contrat, elle constitue un moyen de pur droit, recevable devant la Cour de cassation. Ayant constaté que la clause résolutoire insérée dans un contrat de vente viagère prévoyait qu'en cas de résolution, seuls les arrérages versés demeuraient acquis au vendeur, viole les articles 1134 et 1183 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la cour d'appel qui laisse au bénéfice du vendeur le « bouquet » et les arrérages échus et impayés au jour de la résolution, sans avoir retenu qu'ils constituaient des dommages-intérêts

RENTE VIAGERE - Résolution - Cause - Non-paiement des arrérages - Clause résolutoire - Effets - Restitutions - Etendue - Portée

Texte de la décision

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 607 FS-B

Pourvoi n° N 22-13.209







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2023

M. [X] [O], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° N 22-13.209 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [M] [N], domicilié [Adresse 10],

2°/ à M. [J] [N], domicilié [Adresse 1],

3°/ à M. [F] [N], domicilié [Adresse 6],

4°/ à M. [W] [N], domicilié [Adresse 8],

5°/ à Mme [D] [N], épouse [L], domiciliée [Adresse 3],

6°/ à M. [A] [N], domicilié [Adresse 4],

7°/ à Mme [C] [N], divorcée [B], domiciliée [Adresse 9],

8°/ à Mme [I] [Y], épouse [Z], domiciliée [Adresse 7],

9°/ à M. [E] [Y], domicilié [Adresse 11], époux de Mme [K] [P],

10°/ à Mme [H] [Y], divorcée [T], domiciliée [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. [O], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de MM. [M], [J], [F], [W] et [A] [N], Mmes [D] et [C] [N], Mmes [I] et [H] [Y] et M. [E] [Y], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, conseiller, Mme Djikpa, conseiller référendaire ayant voix délibérative, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 23 novembre 2021), par acte authentique du 6 janvier 1992, [G] et [V] [N] ont vendu à [U] [O], aux droits duquel vient M. [X] [O], une maison d'habitation moyennant le prix d'un million de francs payé comptant à hauteur de 440 000 francs, le solde ayant été converti en rente viagère d'un montant mensuel de 4 300 francs.

2. Le service de la rente ayant cessé à compter du mois d'août 2015, [G] et [V] [N] ont assigné M. [X] [O] en résolution de la vente, paiement des arrérages impayés et expulsion.

3. [G] et [V] [N] sont décédés en cours de procédure et ont laissé pour leur succéder MM. [M], [J], [F], [W] et [A] [N], Mmes [D] et [C] [N], Mmes [I] et [H] [Y] et M. [E] [Y] (les consorts [N]).

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. M. [X] [O] fait grief à l'arrêt de liquider la créance des consorts [N] à la somme de 28 495 euros et de le condamner à leur payer cette somme, alors :

« 1°/ qu'en cas de résolution du contrat, les parties doivent être mises dans la même situation que s'il n'y avait pas eu de contrat ; que la cour d'appel a prononcé la résolution du contrat de rente viagère du 6 janvier 1992, aux motifs adoptés des premiers juges que l'accomplissement de la clause résolutoire insérée dans ce contrat prenait effet à défaut du paiement à son échéance d'un seul terme, un mois après délivrance d'un commandement de payer, les arrérages versés et les embellissements restant à la charge de l'acquéreur à la suite d'un commandement visant cette clause ; qu'en statuant ainsi, sans ordonner la restitution du « bouquet » initialement payé au vendeur, la cour d'appel a violé l'article 1184, devenu article 1224, du code civil ;

2°/ que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que la cour d'appel a prononcé la résolution du contrat de rente viagère du 6 janvier 1992, aux motifs adoptés des premiers juges que l'accomplissement de la clause résolutoire insérée dans ce contrat prenait effet à défaut du paiement à son échéance d'un seul terme, un mois après délivrance d'un commandement de payer, les arrérages versés et les embellissements restant à la charge de l'acquéreur à la suite d'un commandement visant cette clause, qui a en l'occurrence été signifié par acte du 16 décembre 2016 mettant en demeure M. [O] de payer les « arrérages échus et impayés » ; qu'en condamnant en outre M. [O] à payer les arrérages ayant « continué à courir jusqu'à l'acquisition de la clause résolutoire », au titre des « arrérages échus et impayés », cependant que la clause résolutoire dont elle a fait application prévoyait exclusivement que demeuraient à la charge de l'acquéreur les arrérages versés, en l'occurrence jusqu'en août 2015, la cour d'appel, qui n'a pas précisé que la condamnation prononcée l'était à titre de dommages et intérêts pour compléter la réparation constituée par les arrérages déjà versés, a violé les articles 1184 et 1134, devenus 1224 et 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Les consorts [N] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que M. [X] [O] n'a jamais demandé, ni devant le tribunal ni devant la cour d'appel, la restitution du « bouquet » et n'a pas non plus invoqué les termes de la clause résolutoire pour s'opposer au paiement, aux crédirentiers, des arrérages échus et impayés.

7. Cependant, il est jugé que la restitution de la chose et du prix constituent une conséquence légale de la résolution du contrat (3ème Civ., 29 janvier 2003, pourvoi n° 01-03.185 ; 3ème Civ, 4 avril 2019, pourvoi n° 17-26.783).

8. Le moyen tiré de l'absence de mise en oeuvre de ces restitutions par la cour d'appel est en conséquence de pur droit et, partant, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1134 et 1183 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

10.Il résulte du second que la condition résolutoire entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat ainsi que des restitutions réciproques qui en constituent des conséquences légales.

11. Pour liquider la créance des consorts [N] à la somme de 28 495 euros, l'arrêt retient que la rente ayant continué à courir jusqu'à l'acquisition de la clause résolutoire, M. [O] doit être condamné à payer aux consorts [N] la somme de 830 euros par mois depuis le mois d'août 2015 jusqu'à la prise d'effet du commandement visant la clause résolutoire, soit 14 940 euros, somme à laquelle il faut ajouter les indemnités d'occupation dues jusqu'à la libération des lieux et retrancher les arrérages versés de janvier 2012 à août 2015.

12. En statuant ainsi, sans ordonner la restitution du « bouquet » correspondant à la part du prix payée comptant lors de la signature du contrat et en incluant dans son calcul le paiement des arrérages échus et impayés au jour de la résolution, après avoir constaté, par motifs adoptés, que la clause résolutoire prévoyait qu'en cas de résolution du contrat, seuls les arrérages versés et les embellissements et améliorations apportés au bien demeuraient acquis au vendeur, et sans retenir que le « bouquet » et les arrérages échus et impayés étaient laissés au vendeur à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il liquide la créance des consorts [N] à la somme de 28 495 euros et condamne M. [O] au paiement de cette somme, l'arrêt rendu le 23 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne MM. [M], [J], [F], [W] et [A] [N], Mmes [D] et [C] [N], Mmes [I] et [H] [Y] et M. [E] [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-trois.

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