13 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-83.669

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00915

Titre

  • douanes

Sommaire

Il résulte de l'article 28-1 du code de procédure pénale que les agents des douanes habilités ne peuvent effectuer des enquêtes judiciaires que sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction visant les infractions mentionnées par le I, 1° à 7°, et le cas échéant, en application du I, 8°, les infractions qui leur sont connexes. Encourt la cassation, la cour d'appel, qui, pour refuser de faire droit à la demande du prévenu en nullité de la procédure diligentée par le service national de la douane judiciaire tirée de ce que celui-ci n'était pas compétent pour enquêter sur les éventuels faits d'abus de biens sociaux, qui n'étaient pas visés par les réquisitions du procureur de la République saisissant la douane judiciaire, se prononce par des motifs inopérants desquels il résulte qu'il existait un lien de connexité entre les faits visés par le soit-transmis du procureur de la République et les faits objet de la poursuite, qui ne l'était pas

Texte de la décision

N° Z 22-83.669 F-B

N° 00915


MAS2
13 SEPTEMBRE 2023


CASSATION SANS RENVOI


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 SEPTEMBRE 2023



M. [V] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 5 avril 2022, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, 30 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de gérer.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [V] [H], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite de deux notes du traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) des 31 août et 15 octobre 2012, portant sur l'acquisition d'un terrain à bâtir situé à [Localité 1] par la société SMA Environnement (société SMAE) dont M. [V] [H] était le président, le procureur de la République a saisi le service national des douanes judiciaires (SNDJ), par soit-transmis du 6 novembre 2012, pour enquêter sur des faits susceptibles de caractériser les délits d'abus de biens sociaux et de blanchiment d'abus de biens sociaux.

3. Dans un rapport de synthèse du 20 février 2015, le SNDJ a conclu que l'existence d'un abus de biens sociaux au préjudice de la société SMAE, à l'occasion de l'achat de ce terrain, n'était pas établie. Il a été cependant fait état de ce que des investigations complémentaires avaient fait apparaître que la société SMAE avait acquis d'autres biens immobiliers dont une maison d'habitation appartenant à M. [H] et son épouse, que M. [H] continuait d'occuper seul en vertu d'un bail d'habitation qui lui avait été concédé par la société SMAE pour un loyer paraissant anormalement faible, et non réglé à la date des investigations. Afin d'établir ces faits, les enquêteurs du SNDJ avaient procédé à des réquisitions à la brigade de contrôle et de recherche de la direction générale des finances publiques, réalisé un transport sur les lieux et entendu M. [H] et son épouse sous le régime de la garde à vue.

4. Le procureur de la République a saisi le SNDJ afin de poursuivre l'enquête sur ces faits. A l'issue, M. [H] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'abus de biens sociaux pour avoir acheté pour le compte de la société SMAE un bien immobilier, dont il était propriétaire avec son épouse, à un prix supérieur à celui du marché et bénéficié après cette vente d'un contrat de bail à des conditions contraires à l'intérêt social.

5. Par jugement en date du 23 septembre 2021, le tribunal correctionnel a prononcé l'annulation de l'ensemble de la procédure.

6. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement et rejeté l'exception de nullité de la procédure, alors :

« 1°/ que si les agents des douanes habilités peuvent effectuer des enquêtes judiciaires sur des infractions connexes à celles énumérées à l'article 28-I du code de procédure pénale, ce ne peut être que sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que, par le soit-transmis du 6 novembre 2012, le service national des douanes judiciaire, investi d'une enquête portant sur des faits de blanchiment d'abus de biens sociaux susceptibles d'avoir été commis par M. [E] à l'occasion de l'acquisition d'un immeuble en mai 2012 par la société SMA Environnement, a fait porter ses investigations sur des faits d'abus de biens sociaux qu'aurait pu commettre M. [H] en faisant acquérir en janvier 2013 par la société SMA Environnement un bien immobilier lui appartenant et en lui faisant conclure un bail à son profit en août 2013, ensuite de quoi seulement 2015 le parquet avait requis le SNDJ de poursuivre l'enquête sur ces faits ; que pour infirmer le jugement ayant prononcé la nullité des actes d'enquête menés sur les faits d'abus de biens sociaux commis par M. [H] en l'absence de toute réquisition du parquet et écarté cette nullité, la cour d'appel a retenu que ces faits étaient connexes à ceux mentionnés dans le soit-transmis du 6 novembre 2012 ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, alors que l'éventuelle connexité des faits ne permettait pas aux services des douanes d'enquêter sur des faits non visés dans le soit-transmis initial et en l'absence de toute nouvelle réquisition du parquet, la cour d'appel a violé l'article 28-1 du code de procédure pénale ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 28-1 du code de procédure pénale :

8. Il résulte de ce texte que les agents des douanes habilités ne peuvent effectuer des enquêtes judiciaires que sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction visant les infractions mentionnées par le I, 1° à 7°, et le cas échéant, en application du I, 8°, les infractions qui leur sont connexes.

9. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel l'enquête du SNDJ n'avait pas été régulièrement menée, les faits en cause n'étant pas visés dans le soit-transmis du procureur de la République l'ayant saisi, l'arrêt attaqué énonce que, compte tenu du lien de connexité existant entre les faits visés par le soit-transmis initial du procureur de la République et les faits objet de la poursuite, les enquêteurs du SNDJ étaient compétents pour conduire les investigations sur ces derniers.

10. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses constatations que les réquisitions initiales du procureur de la République ne visaient pas les infractions d'abus de biens sociaux pour lesquelles M. [H] a été poursuivi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

11. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 avril 2022 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

RAPPELLE que du fait de la présente décision le jugement ayant prononcé l'annulation de la procédure recouvre sa force exécutoire ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille vingt-trois.

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