13 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.830

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00876

Texte de la décision

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 septembre 2023




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 876 F-D

Pourvoi n° K 21-25.830




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 SEPTEMBRE 2023

Mme [H] [N], épouse [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-25.830 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [N] & Fils, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, neuf moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [N], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société [N] & Fils, après débats en l'audience publique du 21 juin 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 29 septembre 2021), Mme [N], épouse [F] a travaillé à compter du 11 septembre 1978 pour la société [N] et Fils (la société) alors dirigée par son père. En août 2002, elle est nommée, en même temps que ses deux frères, directrice générale de la personne morale, laquelle sera présidée par son frère [G] [N] à compter de 2008.

2. En 2012, l'assemblée générale de la société a rejeté le renouvellement du mandat de Mme [N]. À compter du 1er mars 2012, la salariée a exercé les fonctions de directrice administrative et financière en restant associée minoritaire. Depuis le décès de son père, elle est en outre propriétaire indivise d'actions de la société.

3. Licenciée pour faute grave le 26 septembre 2016, la salariée a saisi, le 9 janvier 2017, la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution du contrat de travail et à la rupture de ce contrat.

Examen des moyens

Sur les premier, cinquième, septième et huitième moyens


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le troisième moyen, pris en sa première branche, qui est préalable

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors « que sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement, ce dont il résulte que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant effectivement à la direction de l'entreprise ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [F] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que ''entre 2014 et 2016, la salariée était associée de la société et détenait 5 % des parts'', que ''selon une attestation établie le 11 avril 2014 par le président de la société, elle avait la qualité de cadre dirigeant et exerçait les fonctions de directrice administrative et financière, ce que reproduit d'ailleurs le bulletin de paie qu'elle avait la charge d'établir'', que ''l'organigramme montre qu'elle a été la directrice administrative et financière au côté du directeur de production, du directeur technique et commercial, mais sans lien hiérarchique avec le président et le directeur général'', que ''par ailleurs, elle fait partie, avec le président des trois cadres à la classification la plus élevée'', qu'elle a demandé ''le bénéfice du contrat collectif de retraite additive souscrit par l'assureur auprès du Swiss Life alors que ce contrat a été pris au bénéfice des seuls cadres dirigeants et que les cotisations étaient prélevées sur son salaire à ce titre'' et qu' ''enfin, dans un des nombreux courriers qu'elle a adressés à son président, elle revendiquait sa qualité de cadre dirigeant'' ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser le statut de cadre dirigeant sans vérifier s'il ressortait des conditions réelles d'emploi de la salariée que cette dernière participait effectivement à la direction de l'entreprise, ce qu'elle contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3111-2 du code du travail :

6. Selon ce texte, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

7. Pour rejeter la demande de la salariée tendant au paiement de sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés, l'arrêt retient qu'entre 2014 et 2016, la salariée était associée de la société et détenait 5 % des parts. Il ajoute que selon une attestation établie le 11 avril 2014 par le président de la société, elle avait la qualité de cadre dirigeant et exerçait les fonctions de directrice administrative et financière, ce que reproduit d'ailleurs le bulletin de paie qu'elle avait la charge d'établir. Il relève que l'organigramme montre qu'elle a été la directrice administrative et financière aux côtés du directeur de production, du directeur technique et commercial, mais sans lien hiérarchique avec le président et le directeur général, qu'à cet égard, aux demandes du président d'établir les payes dans les deux premiers jours ouvrables du mois, elle répond que cela est impossible en refusant de répondre à sa demande d'explication, prétendant avoir trop de travail à faire impérativement pour lui répondre par écrit par retour de mail.

8. L'arrêt retient encore que, dans divers courriers adressés au président de la société, il apparaît qu'elle juge elle-même la nécessité de sa présence à telle ou telle réunion. Il constate que la salariée fait partie, avec le président, des trois cadres à la classification la plus élevée et que le procès-verbal d'assemblée générale du 29 février 2012 mentionne une rémunération identique pour les directeurs et le président. Il relève encore que la salariée demande le bénéfice du contrat collectif de retraite additive souscrit par l'assureur auprès de Swiss Life alors que ce contrat a été pris au bénéfice des seuls cadres dirigeants et que les cotisations étaient prélevées sur son salaire à ce titre, et qu'enfin, dans un des nombreux courriers qu'elle a adressés à son président, elle revendiquait sa qualité de cadre dirigeant.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser que, dans l'exercice de ses fonctions, la salariée était effectivement habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome, l'amenant à participer à la direction de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes de rappel d'heures supplémentaires antérieures au 9 janvier 2014, alors « que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en l'espèce, en retenant pour juger prescrites les demandes de rappel d'heures supplémentaires pour la période antérieure au 9 janvier 2014 que ''le paiement du salaire étant mensuel, le salarié a connaissance de l'absence de paiement chaque mois'', que ''la saisine du conseil de prud'hommes date du 9 janvier 2017, interrompant ainsi la prescription'' et que ''les demandes concernant les salaires d'octobre 2013 au 8 janvier 2014 auraient dues être portées devant une juridiction avant le 8 janvier 2017'', quand le fait que le contrat de travail avait été rompu le 29 septembre 2016 permettait à Mme [F] de réclamer un rappel d'heures supplémentaires à compter du 29 septembre 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3245-1 du code du travail :

11. En application de ce texte l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat.
12. Pour déclarer irrecevables les demandes en paiement de rappel d'heures supplémentaires antérieures au 9 janvier 2014, l'arrêt retient que le paiement du salaire étant mensuel, le salarié a connaissance de l'absence de paiement chaque mois, que la saisine du conseil de prud'hommes date du 9 janvier 2017, interrompant ainsi la prescription. Il en déduit que les demandes antérieures au 9 janvier 2014 sont prescrites.

13. L'arrêt ajoute que les demandes concernant les salaires d'octobre 2013 au 8 janvier 2014 auraient dû être portées devant une juridiction avant le 8 janvier 2017, qu'à défaut, la prescription est encourue, sans que le cantonnement de la demande prévue à la deuxième phrase de l'article précité ne permette de l'écarter.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la rupture du contrat était intervenue le 29 septembre 2016, ce dont elle aurait dû déduire que la demande en paiement pouvait porter sur l'intégralité des sommes dues au titre des trois années précédant cette rupture, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

15.La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme le montant du rappel de rémunération alloué au titre du treizième mois pour la période de janvier à septembre 2016, alors « que le juge devant, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour limiter le montant de la condamnation de la société [N] et fils au titre du rappel de treizième mois à la somme de 322,58 euros, la cour d'appel a retenu que ''si le treizième mois a été payé en décembre 2015, tel n'a pas été le cas en 2016. Dans la mesure où la salariée était absente pour cause d'accident du travail à partir du 25 janvier jusqu'à la rupture du contrat de travail, le contrat a été suspendu. Par conséquent, le treizième mois doit être payé au prorata du temps de présence, soit 25 jours de présence, étant fait observer que l'absence pour accident du travail n'est considérée comme temps de présence que pour le calcul des congés payés'' ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de ce que le treizième mois de salaire devait être payé au prorata du temps de présence de la salariée dans l'entreprise, dont devait être exclu son arrêt pour accident du travail, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

16. Selon ce texte le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

17. Pour limiter la condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre du treizième mois pour la période de janvier à septembre 2016, l'arrêt retient que, dans la mesure où la salariée était absente pour cause d'accident du travail à partir du 25 janvier jusqu'à la rupture du contrat de travail, le contrat a été suspendu.

18. La cour d'appel en a déduit que le treizième mois devait être payé au prorata du temps de présence, soit vingt-cinq jours de présence, étant observé que l'absence pour accident du travail n'est considérée comme temps de présence que pour le calcul des congés payés.

19. En statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré d'une éventuelle proratisation du treizième mois à raison de l'absence de la salariée pour cause d'accident de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

20. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'un rappel d'indemnités journalières détournées par l'employeur à son détriment, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, Mme [F] faisait valoir que du 25 avril 2016 jusqu'au 31 juillet 2016, l'entreprise lui avait versé la somme de 108,04 euros par jour, tandis qu'il ressortait du courrier de la Pro BTP, qui récapitulait les montants des indemnités journalières que la caisse avait versées directement à l'employeur, que ce dernier aurait dû lui reverser une somme de 118,96 euros par jour ; qu'en relevant d'office pour débouter Mme [F] de sa demande de rappel d'indemnités journalières détournées par l'employeur, que ''faute de connaître le montant exact des indemnités journalières payées directement à la salariée, la cour ne peut trouver dans le rapprochement entre les bulletins de salaire et l'attestation de la caisse PRO BTP la preuve que l'employeur n'a pas reversé la totalité des indemnités dues à la salariée'' sans avoir invité Mme [F] à faire valoir ses observations sur ce moyen relevé d'office, ce qui aurait permis à cette dernière d'expliquer qu'il était indifférent de connaître le montant des indemnités journalières directement payées à la salariée par la CPAM puisqu'elle ne demandait que le remboursement du solde qui existait entre les indemnités journalières versées au titre de la prévoyance directement par la caisse Pro BTP à l'employeur et les indemnités que ce dernier lui avait reversées, telles que mentionnées sur ses bulletins de paie, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

21. Selon ce texte le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

22. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement de sommes au titre d'indemnités versées par l'assurance Pro BTP détournées, l'arrêt retient que la preuve de ce détournement de salaire n'est pas rapportée. Il relève que si comme la salariée l'indique, elle doit percevoir 100 % de son salaire du 25 janvier 2016 au 24 juillet 2016, puis 85 % de son salaire du 25 juillet 2016 jusqu'au 26 septembre 2016, date de la rupture, et considérant le fait que sur cette période, le salaire à verser est de 4 800 euros brut, c'est une somme brute de 41 177,30 euros qui doit lui être versée sur cette période incluant les indemnités versées par l'assurance Pro BTP, mais également les indemnités journalières versées par la sécurité sociale.

23. Il retient encore que, faute de connaître le montant exact des indemnités journalières payées directement à la salariée par la caisse de sécurité sociale, la cour ne peut trouver dans le rapprochement entre les bulletins de salaire et l'attestation de l'assurance Pro BTP la preuve que l'employeur n'a pas reversé la totalité des indemnités dues à la salariée.

24. En statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré du défaut d'indication du montant exact des indemnités journalières perçues par la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le neuvième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

25. La salariée fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement repose sur une faute grave et de la débouter de ses demandes d'indemnités afférentes, alors « qu'il résulte du règlement intérieur de la société [N] et fils du 1er octobre 2007 que lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il doit, dans un premier temps, convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandée ou remise en main propre en l'informant des griefs tenus contre lui ; que pour débouter Mme [F] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que ''les dispositions du règlement intérieur renforcent les droits de la défense en lui permettant de connaître les motifs de la sanction envisagée préalablement à l'entretien préalable, alors que la loi limite l'obligation de l'employeur à une information sur l'objet de l'entretien préalable'', qu' ''il s'agit donc d'une condition de fond dont la méconnaissance rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse'', mais que ''la salariée a été informée qu'il lui était fait grief de faits graves commis dans l'exercice de ses fonctions, caractéristiques d'une faute grave. Ce faisant l'employeur qui n'est pas contraint par le règlement intérieur de détailler le grief, a respecté les conditions de fond du règlement intérieur lequel renvoie, pour le détail des faits à l'appui du grief, à l'entretien préalable qui a eu lieu ultérieurement'' ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur n'avait pas informé la salariée des griefs qu'il lui reprochait, la cour d'appel a violé le règlement intérieur susvisé, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1232-2, L. 1321- 1 et L. 1321-2 du code du travail et le règlement intérieur de la société [N] et Fils :

26. Il résulte de ces textes que l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d'une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'elle a privé le salarié de droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur.

27. Pour juger que le licenciement de la salariée repose sur une faute grave et la débouter de ses demandes d'indemnités afférentes, l'arrêt relève que le règlement intérieur de la société [N] et Fils prévoit que « lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il doit dans un premier temps convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandée ou remis en main propre en l'informant des griefs retenus contre lui (article L. 122-41 du code du travail). Suivra l'entretien préalable au cours duquel lui seront exposés les faits reprochés et ses explications retenues. En fonction de ses explications, l'employeur enverra ou non la lettre de sanctions en recommandé avec accusé réception au plus tôt un jour franc et au plus tard un mois après l'entretien. »

28. L'arrêt retient de ces dispositions qu'il s'agit d'une condition de fond dont la méconnaissance rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

29. L'arrêt constate ensuite que la lettre de convocation à l'entretien préalable était ainsi rédigée : « Madame, nous devons vous informer que nous sommes amenés à envisager à votre égard une sanction pouvant aller jusqu'à un licenciement pour faute grave. En effet, nous venons de découvrir des faits particulièrement graves commis dans l'exercice de vos fonctions en conséquence, et conformément aux dispositions des articles L. 1232-2 et suivants du code du travail, nous vous prions de bien vouloir présenter.... »

30. La cour d'appel en a déduit que la salariée avait été informée qu'il lui était fait grief de faits graves commis dans l'exercice de ses fonctions, caractéristiques d'une faute grave, et que, ce faisant, l'employeur, qui n'est pas contraint par le règlement intérieur de détailler le grief, avait respecté les conditions de fond de ce règlement qui renvoie, pour le détail des faits à l'appui du grief, à l'entretien préalable.

31. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la seule mention dans la lettre de convocation de faits particulièrement graves, non détaillés même sommairement, n'avait pas privé la salariée de la possibilité de préparer utilement sa défense lors de l'entretien préalable, de sorte qu'elle ne répondait pas aux dispositions du règlement intérieur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

32. La cassation prononcée au titre des troisième et deuxième moyens entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant la demande en paiement du rappel de salaire au titre de la période d'arrêt de travail du 25 avril au 31 juillet 2016 qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge que Mme [N], épouse [F] était cadre dirigeant, déclare irrecevables les demandes en paiement de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires antérieures au 9 janvier 2014, rejette les demandes en paiement de rappel d'heures supplémentaires à compter de cette date, outre congés payés afférents, ainsi que les demandes de rappels de sommes versées par l'assurance Pro BTP et de rappel de salaire au titre de la période d'arrêt de travail du 25 avril au 31 juillet 2016, limite la condamnation de la société [N] et Fils à payer à Mme [N] à la somme de 322,58 euros au titre du treizième mois pour la période de janvier à septembre 2016, dit le licenciement fondé sur une faute grave, rejette les demandes d'indemnités afférentes, condamne Mme [N] aux dépens et au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société [N] et Fils aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [N] et Fils et la condamne à payer à Mme [N], épouse [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille vingt-trois.

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