7 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.433

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200815

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - Caisse - Agents de contrôle - Vérifications et enquêtes administratives - Conditions d'exercice - Agrément ou assermentation - Nécessité

L'obligation d'agrément et d'assermentation prescrite par l'article L. 114-10, alinéa 1, du code de la sécurité sociale ne s'applique aux agents qui procèdent aux vérifications portant sur l'exactitude des déclarations, attestations et justificatifs de toute nature fournis par les assurés sociaux en vue de bénéficier, notamment, des prestations servies au titre des assurances maladie, maternité, accidents du travail, maladies professionnelles, invalidité ou décès, que lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique. Tel est le cas notamment lorsqu'ils exercent le droit de communication prévu par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale. L'irrégularité ou l'omission de la formalité d'agrément ou d'assermentation prive les agents de leur pouvoir de contrôle, et, dès lors, entraîne la nullité de tous les actes postérieurs qui en sont la conséquence

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 septembre 2023




Rejet


Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 815 F-B

Pourvoi n° N 20-17.433




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2023

La caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 20-17.433 contre l'arrêt rendu le 9 avril 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à M. [P] [E], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [E], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 avril 2020), à la suite d'un contrôle, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse) a notifié à M. [E] (l'assuré) un indu correspondant aux indemnités journalières perçues au cours de la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2014, ainsi qu'une pénalité financière.

2. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours et de rejeter ses demandes en restitution de l'indu et en paiement de la pénalité financière, alors :

« 1°/ que devant trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, le juge du fond ne peut statuer sur le fondement d'une circulaire ministérielle dépourvue de toute portée normative et ne pouvant en conséquence être de nature à restreindre les droits de l'organisme de sécurité sociale ; que, pour décider que l'exercice du droit de communication était irrégulier, la cour, ajoutant à la lettre de l'article L. 114-19, 1°, du code de la sécurité sociale, lequel vise sans autre précision l'ensemble des agents des organismes de sécurité sociale, s'est référée à la circulaire n° DSS/2011/323 du 21 juillet 2011 relative aux conditions d'application par les organismes de sécurité sociale du droit de communication institué aux articles L. 114-19 et suivants du code de la sécurité sociale, laquelle circulaire exige que la demande émanant d'un agent non assermenté soit visée par le directeur de l'organisme ou par un agent ayant reçu délégation expresse à cet effet ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 12 du code de procédure civile et L. 114-19, 1°, du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ;

2°/ que le droit de communication envisagé au 1° de l'article L.114-19 du code de la sécurité sociale peut être exercé par l'ensemble des agents des organismes de sécurité sociale, qu'ils soient ou non assermentés ; que cet article n'exige pas que la demande effectuée par un agent non assermenté soit adressée après visa du directeur de l'organisme ou d'un agent ayant reçu délégation expresse à cet effet ; qu'en créant de toute pièce une telle exigence au prétexte que l'exercice du droit de communication doit s'inscrire dans une procédure offrant des garanties procédurales et en décidant en conséquence que l'exercice du droit de communication par la caisse était irrégulier par cela seul qu'il n'était pas établi que l'agent ayant sollicité l'établissement bancaire de l'assuré était assermenté ou disposait du visa du directeur de l'organisme ou d'un agent ayant reçu délégation expresse à cet effet, la cour d'appel, ajoutant à la loi, a violé l'article L. 114-19, 1° du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ;

3°/ que le défaut de visa de la demande de communication émanant d'un agent non assermenté n'est pas sanctionné par la nullité de la décision prise par l'organisme en fonction des informations obtenues ; qu'en décidant le contraire, la cour, ajoutant aux normes applicables, a violé l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ;

4°/ que l'irrégularité affectant l'exercice du droit de communication n'entraîne la nullité de la décision prise que si elle est de nature à exercer une influence sur le sens de cette décision ou si elle a privé l'assuré d'une garantie ; qu'en affirmant que l'exercice du droit de communication dans des conditions irrégulières entraîne nécessairement la nullité de la décision prise par l'organisme aux motifs qu'elle n'a pas le pouvoir d'appliquer la jurisprudence Danthony du Conseil d'Etat, la cour d'appel a violé l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011, applicable à la date du contrôle, les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.

5. Aux termes de l'article R. 114-18, I, du code de la sécurité sociale, les agents chargés du contrôle, assermentés et agréés, des organismes locaux d'assurance maladie mentionnés à l'article L. 114-10 procèdent à toutes vérifications sur pièces et sur place portant sur l'exactitude des déclarations, attestations et justificatifs de toute nature fournis par les assurés sociaux en vue de bénéficier ou de faire bénéficier des prestations servies au titre des assurances maladie, maternité, accidents du travail, maladies professionnelles, invalidité, décès, de la protection complémentaire en matière de santé, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou de l'aide médicale de l'Etat.

6. Selon l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, applicable à la date du contrôle, avant d'entrer en fonctions, les agents de l'organisme chargés du contrôle prêtent, devant le tribunal d'instance, serment de ne rien révéler des secrets de fabrication et en général des procédés et résultats d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leur mission.

7. L'obligation d'agrément et d'assermentation prescrite par le premier de ces textes ne s'applique aux agents qui procèdent aux vérifications portant sur l'exactitude des déclarations, attestations et justificatifs de toute nature fournis par les assurés sociaux en vue de bénéficier, notamment, des prestations servies au titre des assurances maladie, maternité, accidents du travail, maladies professionnelles, invalidité ou décès, que lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique. Tel est le cas notamment lorsqu'ils exercent le droit de communication prévu par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale.

8. L'irrégularité ou l'omission de la formalité d'agrément ou d'assermentation prive les agents de leur pouvoir de contrôle, et, dès lors, entraîne la nullité de tous les actes postérieurs qui en sont la conséquence.

9. L'arrêt constate que l'agent qui a procédé au contrôle du respect des obligations prévues par l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale par l'assuré bénéficiaire d'indemnités journalières a sollicité l'établissement bancaire de ce dernier, au titre du droit de communication, aux fins d'obtenir ses relevés de comptes. Il relève que cet agent n'était pas assermenté.

10. Il en résulte que le contrôle diligenté par la caisse était irrégulier, de sorte qu'il ne pouvait fonder les demandes en remboursement de l'indu et en paiement de la pénalité financière.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé en l'audience publique du sept septembre deux mille vingt-trois par Mme Renault-Malignac, conseiller, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

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