6 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-82.422

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00961

Titres et sommaires

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES

Devant les juridictions correctionnelles, les personnes définitivement condamnées qui témoignent dans la même affaire doivent être entendues sans prestation de serment

Texte de la décision

N° U 22-82.422 F-B

N° 00961


SL2
6 SEPTEMBRE 2023


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 SEPTEMBRE 2023



M. [P] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 2022, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement et une confiscation.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [P] [Z], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement du 14 novembre 2019, le tribunal correctionnel a relaxé M. [P] [Z] des chefs de transport, détention, offre ou cession, acquisition non autorisés de stupéfiants, faits pour lesquels il était poursuivi avec d'autres personnes mises en cause, dont M. [N] [O], lequel a été condamné pour les mêmes infractions, par le même jugement.

3. Le ministère public a relevé appel de la relaxe prononcée pour M. [Z].

Examen des moyens

Sur le second moyen


4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de l'infraction d'offre ou cession de cocaïne commise entre le 12 janvier et le 3 décembre 2018 et, en répression, l'a condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement et a ordonné la confiscation de diverses sommes, alors « que ne peut être entendu sous serment l'un des prévenus présents et impliqués dans la même affaire ; que M. [O] a été jugé et condamné en première instance en même temps que M. [Z] pour des faits s'inscrivant dans le cadre du même trafic de stupéfiants ; que, dès lors, en procédant à l'audition sous serment de M. [O] en qualité de témoin et en fondant sa décision sur sa déposition, la cour d'appel a violé l'article 448 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

6. La circonstance que M. [O] ait été entendu comme témoin devant la cour d'appel, après avoir prêté serment, conformément aux dispositions de l'article 446 du code de procédure pénale, ne peut conduire à l'annulation de la décision, qui en fait état pour retenir la culpabilité du demandeur.

7. En effet, l'énumération limitative, contenue aux articles 447 et 448 du code précité, des personnes dont le témoignage est reçu sans serment devant les juridictions correctionnelles ne comprend pas les personnes qui ont été condamnées dans la même affaire, par une précédente décision, pour les faits dont est saisie la juridiction, ou pour des infractions connexes ou formant un ensemble indivisible avec elles.

8. La règle est inverse devant la cour d'assises, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011, qui a modifié l'article 335 du code de procédure pénale, portant sur l'exclusion du serment des témoins devant la seule juridiction criminelle, ce changement n'ayant pas été étendu à la procédure correctionnelle.

9. Cette différence de traitement ne se justifie pas, la faculté, ouverte à un témoin, se trouvant dans cette situation procédurale, de ne pas déposer sous serment étant reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme, afin d'éviter tout risque d'auto-incrimination (CEDH, arrêt du 10 juillet 2012, Vidgen c. Pays-Bas n° 29353/06, CEDH arrêt du 19 juillet 2012, Sievert c. Allemagne, n° 29881/07, CEDH, arrêt du 28 août 2018, Cabral c. Pays-Bas, n° 37617/10).

10. En conséquence, il doit être jugé que devant les juridictions correctionnelles, les personnes définitivement condamnées qui témoignent dans la même affaire doivent être entendues sans prestation de serment.

11. Cependant, il résulte des pièces de procédure que M. [O] a accepté de témoigner après avoir prêté serment, et que la défense de M. [Z], qui était en mesure de le faire, n'a pas formé d'observations à l'occasion de cette prestation de serment et de l'audition du témoin.

12. En conséquence, il doit être fait application de l'article 449 du code de procédure pénale, qui prévoit qu'une personne qui ne peut, en principe, être entendue sous serment peut néanmoins déposer sous serment si le ministère public et les parties ne s'y opposent pas.

13. Le moyen ne saurait donc être accueilli.

14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille vingt-trois.

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