6 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-82.809

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00877

Titres et sommaires

PEINES - Sursis - Sursis avec mise à l'épreuve - Révocation - Décision de la juridiction de jugement - Conditions - Avis du juge de l'application des peines - Domaine d'application - Cour d'assises

Les dispositions de l'article 132-48 du code de procédure pénale, qui imposent à la juridiction de jugement de solliciter l'avis préalable du juge de l'application des peines pour ordonner la révocation d'un sursis probatoire, sont applicables devant la cour d'assises. Encourt, dès lors, la cassation sur les peines l'arrêt de la cour d'assises qui prononce la révocation d'un sursis probatoire antérieur sans que l'avis du juge de l'application des peines ait été sollicité

Texte de la décision

N° Q 22-82.809 F-B

N° 00877


ECF
6 SEPTEMBRE 2023


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 SEPTEMBRE 2023


M. [N] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises du Loiret, en date du 22 mars 2022, qui, pour viol, agression sexuelle, usage de stupéfiants et outrage en récidive, l'a condamné à douze ans de réclusion criminelle, cinq ans de suivi socio-judiciaire, une confiscation et a ordonné la révocation d'un sursis probatoire, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [N] [D], les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mmes [S] [L] et [R] [H], parties civiles, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 16 mars 2020, le juge d'instruction a renvoyé M. [N] [D] devant la cour d'assises du Loir-et-Cher sous l'accusation de viol, agression sexuelle, usage de stupéfiants et outrage en récidive.

3. Par arrêt du 23 mars 2021, cette juridiction l'a condamné à douze ans de réclusion criminelle, a ordonné la révocation du sursis probatoire prononcé le 19 avril 2017 par le tribunal correctionnel de Bobigny et une confiscation. Par arrêt distinct du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils.

4. M. [D] a relevé appel de cette décision. Le ministère public, Mmes [S] [L] et [R] [H], parties civiles, ont formé appel incident.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens et le quatrième moyen, pris en sa seconde branche


5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la révocation totale du sursis mise à l'épreuve prononcé par le tribunal correctionnel de Bobigny le 19 avril 2017, alors :

« 1°/ que la révocation d'un sursis avec mise à l'épreuve ne peut être ordonnée par la juridiction de jugement qu'après avis du juge de l'application des peines ; qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué, ni du procès-verbal des débats, ni de la feuille de motivation qu'un tel avis ait été recueilli ; qu'en statuant ainsi, la cour d'assises a violé les articles 132-47 et 132-48 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 132-48 du code pénal :

7. Selon ce texte, la révocation d'un sursis probatoire ne peut être ordonnée par la juridiction de jugement qu'après avis du juge de l'application des peines.

8. Il résulte des pièces de procédure que M. [D], condamné définitivement par jugement du 19 avril 2017 du tribunal correctionnel de Bobigny à la peine de dix mois d'emprisonnement dont huit mois avec sursis probatoire, a commis les faits pour lesquels il a été mis en accusation pendant la période de sursis probatoire.

9. En ordonnant la révocation de ce sursis probatoire, sans avoir recueilli préalablement l'avis du juge de l'application des peines, la cour d'assises a méconnu le texte susvisé.

10. La cassation est, dès lors encourue.

Et sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation des scellés, alors « que si la cour d'assises n'a pas à préciser les raisons qui la conduisent à ordonner la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction, elle doit néanmoins énumérer les objets dont elle ordonne la confiscation et indiquer, pour chacun d'eux, s'ils constituent l'instrument, le produit ou l'objet de l'infraction, afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision, et d'apprécier, le cas échéant, son caractère proportionné ; que la feuille de motivation mentionne que les scellés, qui sont constitués des effets portés par le condamné et « des objets saisis sur les lieux des faits », sont « en lien direct » avec les infractions ; que ce document n'énumère pas les objets saisis sur les lieux des faits et n'indique pas, pour chacun des objets, s'ils constituaient l'instrument, le produit ou l'objet de l'infraction ; qu'en statuant ainsi, la cour d'assises a violé les articles 131-21 du code pénal et 365-1 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 131-21 du code pénal et 365-1 du code de procédure pénale :

12. Selon le premier de ces textes, la confiscation est encourue de plein droit pour les crimes et porte sur tous les biens ayant servi à les commettre, ainsi que sur ceux qui en sont l'instrument, l'objet ou le produit direct ou indirect.

13. Selon le second, la motivation consiste, en cas de condamnation, dans l'énoncé des principaux éléments ayant convaincu la cour d'assises dans le choix de la peine, la motivation de la peine de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction n'étant pas nécessaire.

14. Il résulte de ces textes que, si la cour d'assises n'a pas à préciser les raisons qui la conduisent à ordonner la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction, elle doit néanmoins énumérer les objets dont elle ordonne la confiscation et indiquer, pour chacun d'eux, s'ils constituent l'instrument, le produit ou l'objet de l'infraction, afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision, et d'apprécier, le cas échéant, son caractère proportionné.

15. En l'espèce, après avoir déclaré l'accusé coupable et l'avoir condamné à douze ans de réclusion criminelle et à la révocation d'un précédent sursis probatoire, la cour d'assises a ordonné la confiscation des scellés constitués des effets portés par le condamné et des objets saisis sur les lieux des faits qui sont en lien direct avec les infractions.

16. En prononçant ainsi, sans préciser quels étaient les objets saisis sur le lieu des faits dont elle a ordonné la confiscation ni en quoi chacun d'eux était l'instrument, le produit ou l'objet des infractions, la cour d'assises n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision.

17. La cassation est, dès lors, de nouveau encourue.

Et sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [D] à payer à M. [T] [U] la somme de 300 euros en réparation de son préjudice moral, alors « que la cour d'assises statuant en appel sur l'action civile ne peut, sur le seul appel de l'accusé, aggraver le sort de l'appelant ; qu'en première instance, la cour d'assises du département du Loir-et-Cher a condamné l'accusé à payer à M. [U] la somme de 150 euros en réparation de son préjudice moral ; que la cour d'assises a augmenté les dommages et intérêts alloués à cette partie civile, non appelante ; qu'en statuant ainsi, la cour d'assises a violé l'article 380-6 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 380-6 du code de procédure pénale :

19. Selon ce texte, la cour d'assises, statuant en appel sur l'action civile, ne peut sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de la partie civile, aggraver le sort de l'appelant. La partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle sauf à demander une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis la précédente décision.

20. La Cour de cassation interprète cette disposition comme permettant à la victime, constituée partie civile en première instance, non appelante, de demander une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice subi depuis la première décision (Crim., 10 juin 2015, pourvoi n° 14-84.345). Mais l'arrêt civil de la cour d'assises, statuant en appel, qui accorde à une partie civile des dommages et intérêts sans préciser qu'ils réparent un préjudice souffert depuis la décision de première instance encourt la cassation (Crim., 22 janvier 2020, pourvoi n° 19-80.122 ; Crim., 10 mai 2012, pourvoi n° 11-81.437, Bull. crim. 2012, n° 114).

21. En l'espèce, l'arrêt civil attaqué a accordé à M. [T] [U], partie civile, non appelant, des dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi, d'un montant supérieur à ceux qui avaient été attribués en première instance, sans constater qu'ils réparaient un préjudice subi depuis la décision prononcée par la cour d'assises statuant en première instance.

22. En statuant ainsi, la cour d'assises a méconnu le texte susvisé.

23. La cassation est, dès lors, à nouveau encourue.

Portée et conséquences de la cassation

24. La cassation de l'arrêt pénal attaqué sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.

25. La cassation de l'arrêt civil attaqué sera limitée aux seules dispositions relatives au montant des dommages et intérêts alloués à M. [U], partie civile. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt pénal susvisé de la cour d'assises du Loiret, en date du 22 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

CASSE et ANNULE l'arrêt civil susvisé de la cour d'assises du Loiret, en date du 22 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives au montant des dommages et intérêts alloués à M. [T] [U], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites des cassations ainsi prononcées,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de l'Indre-et-Loire, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Loiret et sa mention en marge ou à la suite des arrêts partiellement annulés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille vingt-trois.

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