30 août 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-20.222

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00522

Titres et sommaires

CAUTIONNEMENT - Conditions de validité - Acte de cautionnement - Proportionnalité de l'engagement (article L. 341-4 du code de la consommation) - Appréciation - Eléments à considérer - Fiche de renseignements établie plusieurs mois avant la conclusion du cautionnement

Afin d'apprécier si un cautionnement est ou non disproportionné, une cour d'appel peut se fonder sur les indications non contestées d'une fiche de renseignements, fût-elle établie plusieurs mois avant la conclusion du cautionnement, en les confrontant avec les éléments de preuve versés aux débats afin de déterminer la valeur des biens de la caution au jour de la conclusion du cautionnement

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Cautionnement - Principe de proportionnalité - Disproportion de l'engagement - Appréciation - Eléments à considérer - Fiche de renseignements établie plusieurs mois avant la conclusion du cautionnement

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 août 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 522 F-B

Pourvoi n° Q 21-20.222




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 AOÛT 2023

1°/ Mme [E] [D], domiciliée [Adresse 2],

2°/ M. [R] [D], domicilié [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° Q 21-20.222 contre l'arrêt rendu le 21 mai 2021 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige les opposant à la société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [D] et de Mme [D], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Banque CIC Ouest, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 mai 2021), par un acte du 28 décembre 2007, la société CIC Ouest (la banque) a consenti à la société Bretagne Sud immobilier (la société) une ouverture de crédit d'un montant de 560 000 euros, remboursable intégralement au plus tard le 30 septembre 2009, garantie par le cautionnement solidaire de M. [D] et de Mme [D] (les consorts [D]), dans la limite de 280 000 euros, chacun. Par un acte du 19 mars 2010, le montant de l'ouverture de crédit a été porté à 600 000 euros et l'échéance prorogée au 30 septembre 2010. Par des actes du 19 mars 2011, les consorts [D] se sont rendus cautions solidaires en garantie du remboursement de ce crédit, chacun dans la limite de 336 000 euros. Par un acte du 23 avril 2013, Mme [D] s'est en outre rendue caution solidaire de la société, au profit de la banque, dans la limite de 48 000 euros et pour une durée de trente-six mois.

2. Alléguant que le prêt consenti à la société n'avait pas été intégralement remboursé à son échéance, la banque a assigné en paiement les consorts [D], qui lui ont opposé la disproportion de leurs engagements.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les consorts [D] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir juger disproportionnés leurs engagements de caution et de les condamner solidairement à payer à la banque une somme de 178 220,16 euros, dont devront être déduits les intérêts normaux, les pénalités et les intérêts de retard postérieurs au 20 mars 2013, alors « qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que pour apprécier la proportionnalité de l'engagement de caution à ses biens et revenus à la date de conclusion du cautionnement, le juge ne peut se référer à la fiche de renseignements remplie par la caution qu'à la condition que celle-ci soit contemporaine de la souscription du cautionnement ; que pour juger que les engagements de caution de Mme [D] des 22 septembre 2011 et 23 avril 2013 ne seraient pas disproportionnés à ses biens et revenus, la cour d'appel s'est pourtant fondée sur les énonciations d'une fiche de renseignements remplie par l'exposante le 27 janvier 2010, soit vingt mois avant le premier cautionnement et plus de trois ans avant le second cautionnement ; qu'elle a considéré, en effet, que les éléments de la fiche de renseignements pourraient être actualisés ; qu'en statuant ainsi, quand le juge ne pouvait tenir compte d'une fiche de renseignements qui n'était pas contemporaine de la souscription des engagements de caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

5. Il appartient à la caution, personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d'en apporter la preuve.

6. Après avoir relevé que la fiche de renseignements du 27 janvier 2010 avait été établie vingt mois avant la conclusion des cautionnements et considéré que ce seul document ne permettait pas de déterminer l'étendue des revenus et patrimoine des consorts [D], l'arrêt retient que ces derniers ne contestent toutefois pas être, comme mentionné dans la fiche, nus-propriétaires de deux biens immobiliers. Il retient également qu'il résulte de cette fiche que Mme [D] était propriétaire en propre de dix immeubles évalués en janvier 2010 à 1 596 000 euros et que, faute pour les consorts [D] de justifier de la valeur de leurs biens indivis au jour des engagements litigieux, il convient de retenir le taux minimum du barème fiscal, soit 10 %, ce qui aboutit à une valeur nette des biens de 704 700 euros ou 352 350 euros pour chacun des nus-propriétaires. Il ajoute que la créance de la société Crédit immobilier de France s'élevait à 250 350,67 euros le 11 décembre 2010, soit une différence de 20 350,67 euros par rapport aux indications de la fiche du 27 janvier 2010 (230 000 euros). Il en déduit qu'après actualisation de la fiche patrimoniale sur la base des pièces produites par des consorts [D], la valeur nette du patrimoine immobilier détenu par Mme [D] s'élevait à 352 350 euros pour la nue-propriété du bien indivis et 1 575 649,40 euros pour les biens en propre (1 596 000 - 20 350,67), soit un total de 1 927 999,40 euros, ramené à 1 887 999,40 euros après déduction du cautionnement antérieur.

7. En l'état de ces appréciations, la cour d'appel, qui pouvait se fonder sur les indications non contestées d'une fiche de renseignements, fût-elle établie plusieurs mois avant la conclusion des engagements litigieux, en les confrontant avec les éléments de preuve versés aux débats afin de déterminer la valeur des biens de la caution au jour de la conclusion des engagements litigieux, a pu retenir que Mme [D] ne démontrait pas que ses engagements étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [D] et Mme [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] et Mme [D] et les condamne in solidum à payer à la société Banque CIC Ouest la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente août deux mille vingt-trois.

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