23 août 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-83.480

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01056

Titres et sommaires

PRESSE - Immunités - Discours ou écrits devant les tribunaux - Exceptions à l'immunité - Conditions - Demande de réserve de l'action en diffamation - Compétence - Chambre de l'instruction

La chambre de l'instruction, qui n'a pas compétence pour connaître des actions publique et civile relatives aux propos prétendus diffamatoires contenus dans le mémoire d'une partie produit devant elle, a, en revanche, compétence pour réserver de telles actions au sens de l'article 41, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Texte de la décision

N° Q 23-83.480 F-B

N° 01056


ODVS
23 AOÛT 2023


CASSATION PARTIELLE


Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 AOÛT 2023



M. [V] [M], Mmes [F] [B], épouse [X], [S] [T], et [Y] [M], épouse [E], ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 mai 2023, qui, infirmant, sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel sous les préventions, pour le premier, de faux et complicité d'escroquerie, pour la deuxième, d'escroquerie et d'abus de confiance, pour la troisième, de complicité d'escroquerie et pour la quatrième, de faux et complicité d'escroquerie.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [V] [M], Mmes [F] [B], épouse [X], [S] [T], et [Y] [M], épouse [E], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 août 2023 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. La Fondation [1] a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs de faux, usage, escroquerie, abus de confiance, recel et complicité à l'encontre de Mmes [F] [X], [Y] [E], [S] [T], M. [V] [M] et la société « [2] ».

3. Le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de non-lieu dont la partie civile a interjeté appel.

Examen des moyens

Sur les premier, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens


4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande du conseil de Mme [X] visant à réserver au bénéfice de celle-ci l'action publique et civile relative aux propos diffamatoires contenus dans le mémoire de la partie civile, alors « que pourront donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, les faits diffamatoires étrangers à la cause, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux ; qu'un tel principe s'applique devant toutes les juridictions, qu'elles soient d'instruction ou de jugement ; qu'à défaut, la personne visée par le propos diffamatoire ne peut en demander réparation devant le juge pénal ou civil de son choix ; qu'en l'espèce, en déclarant irrecevable la demande de réservation de l'action en diffamation, « la chambre de l'instruction n'ayant pas compétence pour en connaître » (arrêt, p. 41), quand il lui était demandé non de réparer les conséquences dommageables d'une diffamation, mais de réserver l'action en réparation à la personne visée par ce propos pour permettre à une juridiction de statuer au fond, la chambre de l'instruction a violé l'article 41, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

6. Il résulte de ce texte que les discours prononcés et les écrits produits devant les juridictions ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation. Si cette règle reçoit exception dans le cas où les faits prétendus diffamatoires sont étrangers à la cause, c'est à la condition, lorsqu'ils concernent l'une des parties, que l'action ait été réservée par la juridiction devant laquelle les propos ont été tenus ou les écrits produits.

7. Pour déclarer irrecevable la demande de Mme [X] tendant à voir réserver les actions publique et civile relatives aux propos prétendus diffamatoires contenus dans le mémoire de la partie civile, l'arrêt énonce que la chambre de l'instruction n'a pas compétence pour en connaître.

8. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

9. En effet, si la chambre de l'instruction n'a pas compétence pour connaître des actions publique et civile relatives aux propos prétendus diffamatoires contenus dans le mémoire d'une partie produit devant elle, cette juridiction a, en revanche, compétence pour réserver de telles actions.

10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation portera sur la seule irrecevabilité de la demande de Mme [X] visant à réserver les actions publique et civile relatives aux propos prétendus diffamatoires qui seraient contenus dans le mémoire de la partie civile. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 mai 2023, mais en ses seules dispositions relatives à l'irrecevabilité de la demande de Mme [X] de réserver les actions publique et civile relatives aux propos prétendus diffamatoires contenus dans le mémoire de la partie civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois août deux mille vingt-trois.

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