9 août 2023
Cour d'appel de Versailles
RG n° 23/05894

20e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES





Code nac : 14G









N° RG 23/05894 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBKT



















Du 09 AOUT 2023































ORDONNANCE



LE NEUF AOUT DEUX MILLE VINGT TROIS



A notre audience publique,



Nous, Séverine ROMI, Conseiller, à la cour d'appel de Versailles, délégué par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Rosanna VALETTE, Greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :




ENTRE :



Monsieur [I] [M]

né le 25 Août 1963 à [Localité 2] (POLOGNE)

de nationalité Polonaise

CRA [Localité 1]

comparant par visioconférence, assisté par Me Anna KOENEN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 35, avocat commis d'office,



DEMANDEUR



ET :



Préfecture de SEINE ET MARNE

représentée par Me Lamiae HAFDI, de la SELARL CENTAURE AVOCAT, avocat au barreau de la SEINE SAINT DENIS,



DEFENDERESSE



Et comme partie jointe le ministère public absent

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 7 juillet 2023 par le préfet de Seine-et-Marne,



Vu l'ordonnance rendue le 9 juillet 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Versailles prolongeant la rétention administrative de M. [I] [M] pour une durée de 28 jours à compter du 9 juillet 2023, confirmée par la cour d'appel le 11 juillet 2023,



Vu l'ordonnance du 5 août 2023 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Versailles ordonnant la remise en liberté de l'intéressé,



Vu l'ordonnance du 7 août 2023 par laquelle le président de la cour d'appel de Versailles a infirmé cette décision,



Vu la requête du préfet de Seine-et-Marne du 6 août 2023, tendant à la prolongation de la rétention de M. [I] [M] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée supplémentaire de trente jours, en application des articles L 742-4 et suivants, L 743-l et suivants, R 743-1 motivée par l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résultant de l'hospitalisation de l'intéressé au cours de sa rétention administrative qui n`a pas permis de lui faire prendre le vol programmé le 25 juillet 2023, un nouveau vol étant programmé le 12 août 2023.



Par l'ordonnance rendue le 7 août 2023 à 11h25, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Evry a prolongé la rétention administrative de M. [I] [M] pour une durée de 30 jours à compter 7 août 2023 à 00h00,



M. [I] [M] a interjeté appel le 7 août de cette décision à 8h43.



A l'audience, le conseil de M. [I] [M] a conclu à la mainlevée de la mesure en raison de :

-l'insuffisance des diligences de l'administration en violation de l'article L 741-3 du CESEDA, le 22 mars 2023, une obligation de quitter le territoire français, assortie d'une décision fixant la Pologne comme pays de renvoi, d'une décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, d'une interdiction de circulation sur le territoire français pendant 3 ans lui ont été notifiées par la préfecture de la Seine et Marne, décisions notifiées le 23 mars 2023, contestées par l'intéressé devant le tribunal administratif de Melun qui devait transmettre au tribunal administratif de Versailles qui finalement par un mail du 4 août 2023 l'a informé que l'affaire viendrait le 10 août 2023 à 9h00, après une rétention de plus de trois semaines.

-de l'absence de décision du tribunal administratif intervenue dans le délai de 144 heures, en violation de l'article L 614-9 du CESEDA



-du défaut de base légale, le placement en rétention suppose l'existence d'une mesure d'éloignement exécutoire. A défaut il est dépourvu de base légale. Or la date les vols de retour sont prévus avant qu'une telle mesure ne soit devenue exécutoire.



- de l'incompatibilité de son état de santé avec la rétention, disant souffrir de problèmes psychologiques qui l'ont contraint à une hospitalisation de plusieurs jours à l'hôpital.



- de l'assignation à résidence judiciaire dont les conditions sont réunies.



Le conseil du préfet a fait valoir dans ses conclusions orales que si le tribunal administratif de Versailles n'a pas statué cela ne peut être imputé au préfet qui a fait toutes les diligences pour cela. Le dépassement de ce délai n'entache pas la procédure d'irrégularité, le moyen tiré de la violation par le tribunal administratif du délai pour statuer est inopérant à l'encontre d'une mesure portant refus de séjour et OQTF,

- l'intéressé est convoqué le 10 août 2023 devant le TA de Versailles pour que son recours soit examiné. Si le juge administratif statue dans le sens qu'il souhaite, l'éloignement ne sera pas effectif.

- ses garanties de représentation sont insuffisantes eu égard notamment à son casier judiciaire.

Le ministère public n'a pas pris de réquisition.

Monsieur [I] [M] n'a rien ajouté.


SUR CE,

Sur la recevabilité de l'appel

En vertu de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

L'article R 743-11du même code prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.

En l'espèce, l'appel a été interjeté dans les délais légaux et est motivé. Il doit être déclaré recevable.

L'appel doit être déclaré recevable.

Sur la demande de mainlevée de la rétention



En application de l'article 742-4 du CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ; 2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ; 3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.



Sur les diligences de l'administration

En application de l'article L 741-3 du CESEDA « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».



En l'espèce, il apparaît que l'autorité préfectorale a fait toute diligence dans ce sens et dans le délai strictement nécessaire.



En effet, pour que le recours de l'intéressé soit examiné par la juridiction administrative, la préfecture a informé le 16 juin 2023 le tribunal administratif de Melun de la sortie de prison de [I] [M] le 7 juillet 2023, et sollicité qu'il soit statué en urgence sur son recours contre sa décision d'éloignement, ce à quoi le greffe de ce tribunal a répondu le même jour que le dossier ne pourrait être traité dans l'immédiat.



Le préfet a informé le 7 juillet 2023 le tribunal administratif de Melun du placement de [I] [M] le jour même au centre de rétention de [Localité 1], et sollicité que son dossier soit transféré au tribunal administratif de Versailles, dans le ressort duquel se trouve le centre de rétention, pour qu'il soit statué en urgence sur son recours.



Le 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Melun a indiqué que le dossier allait être renvoyé au tribunal administratif de Versailles, et que l'ordonnance « était en cours de signature ».



Le dossier n'a finalement été transmis que le 3 août 2023 au tribunal administratif de Versailles, qui a indiqué le lendemain qu'il ferait l'objet d'un enrôlement à l'audience du jeudi 10 août 2023 à 9h.



Sur les diligences du tribunal administratif



En application de l'article L.614-9 du CESEDA « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction, ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue au plus tard quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours. Dans le cas où la décision d'assignation à résidence ou de placement en rétention intervient en cours d'instance, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la notification de cette décision par l'autorité administrative au tribunal. »



Le juge judiciaire ne peut s'immiscer dans l'organisation de l'ordre administratif.



En l'espèce, le tribunal administratif de Melun a transmis tardivement le dossier au tribunal administratif de Versailles, lequel n'a pas statué dans le délai de 144 heures imparti par la loi.



Le non-respect de ce délai a pu causer grief à M. [I] [M], privé du droit de voir examiner son recours dans le bref délai, mais ceci a justifié son placement en rétention.



Sur le défaut de base légal de l'arrêté



L'alinéa premier de l'article L. 741-1 du CESEDA dispose que « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. »



L'article L.731-1 du CESEDA énumère les cas dans lesquels l'étranger peut faire l'objet d'un placement en rétention et les mesures d'éloignement pouvant fonder le placement en rétention, et notamment :

-lorsque l'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé

-l'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ; [']

-l'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ; [']

-l'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.



De plus, l'article L. 722-7 du CESEDA dispose que l'éloignement effectif de l'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir avant l'expiration du délai ouvert pour contester, devant le tribunal administratif, cette décision et la décision fixant le pays de renvoi qui l'accompagne, ni avant que ce même tribunal n'ait statué sur ces décisions s'il a été saisi.



Ce texte fait uniquement obstacle à l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français, mais n'empêche par le préfet de prendre une mesure de rétention postérieurement au recours administratif formé par l'intéressé, lequel a également pu présenter une requête en contestation contre la régularité de cette mesure.



La procédure ouverte devant le juge administratif contre l'arrêté d'éloignement suspend son exécution pendant le temps de la rétention, mais n'a pas d'incidence sur la légalité de cette mesure et ne met pas un terme à celle-ci. Elle continue à produire ses effets jusqu'à son terme judiciairement fixé.



Sur l'état de santé de l'intéressé



L'intéressé a été hospitalisé pendant sa rétention administrative.



Mais il ne démontre pas que son état soit incompatible avec cette mesure.



Sur l'assignation à résidence

En vertu de l'article L743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution.

En l'espèce, il peut être constaté que l'intéressé a produit un récépissé de remise d'un passeport polonais en cours de validité auprès du greffe du centre de rétention.

Toutefois, il ne fournit toujours pas d'attestation d'hébergement, et a même interdiction de se rendre à son domicile et d'entrer en contact avec sa conjointe, victime de ses violences, ce qui a conduit à son incarcération. Il n'a pas d'activité professionnelle et revenus officiels sur le territoire français.

Monsieur [I] [M] n'a aucune garantie de représentation effective.

Il y a lieu, en conséquence, de confirmer la décision entreprise.

PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement et par décision réputée contradictoire

Déclare le recours recevable en la forme,

Rejette le recours de monsieur [I] [M],

Confirme l'ordonnance entreprise,

Fait à VERSAILLES le 9 août 2023 à





Et ont signé la présente ordonnance, Séverine ROMI, Conseiller, et Rosanna VALETTE, Greffier



Le Greffier, Le Conseiller,,







Rosanna VALETTE Séverine ROMI





































Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu'elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.


l'intéressé, l'avocat,







POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.



Article R 743-20 du CESEDA :



' L'ordonnance du premier président de la cour d'appel ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui l'a placé en rétention et au ministère public. '.



Articles 973 à 976 du code de procédure civile :



Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux ;

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