9 août 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/00404

Pôle 1 - Chambre 12

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 12





SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT





ORDONNANCE DU 09 AOUT 2023



(n° 395 , 1 pages)







N° du répertoire général : N° RG 23/00404 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH7PP



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Juillet 2023 -Tribunal Judiciaire de BOBIGNY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 23/06311



L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 07 Août 2023



Décision réputée contradictoire



COMPOSITION



Raoul CARBONARO, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,



assisté de Camille BESSON, greffier lors des débats et du prononcé de la décision



APPELANT

LE PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS

demeurant [Adresse 2]



non comparant, non représenté,



INTIMÉ

M. [R] [J] (Personne ayant fait l'objet de soins)

né le 27/10/1998 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

Ayant été hospitalisé à l'EPS de [Localité 4]



Non comparant représenté par Me Marc GATEAU LEBLANC, avocat commis d'office au barreau de Paris,



PARTIE INTERVENANTE

M. LE DIRECTEUR DE L'EPS DE [Localité 4]

demeurant [Adresse 1]



non comparant, non représenté,



MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Mme Sylvie SCHLANGER, avocate générale,





DÉCISION





Il est statué sur l'appel interjeté par M. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, d'une ordonnance rendue le 28 juillet 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny dans le cadre du contrôle de l'hospitalisation sur décision du représentant de l'État de M. [R] [J].




FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :



Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le juge des libertés et de la détention dans son ordonnance au contenu de laquelle il sera référé pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que par arrêté du 19 juillet 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné la réintégration en hospitalisation complète de M. [R] [J] ; que par ordonnance du 28 juillet 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny a ordonné la mainlevée de la mesure en l'absence de certificat médical contre indiquant l'audition du patient et en l'absence de comparution de celui-ci ; que par déclaration reçue au greffe le 2 août 2023, M. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a interjeté appel de l'ordonnance.



Au soutien de son appel, le préfet a indiqué que le patient était en fugue au moment de la production de l'avis motivé du médecin et qu'il n'a donc pu honorer la convocation devant le juge par ce seul motif. Dès lors, il n'était pas possible à un médecin ne participant pas à la prise en charge du patient de se prononcer sur son état préalablement à l'audience. La fugue du patient, survenu dans le cadre de son programme de soins, constitue donc une circonstance insurmontable faisant obstacle à sa comparution. Il ajoute qu'aucun grief ne peut être articulé, dès lors que le patient était représenté par un avocat. La fugue du patient ne fait pas obstacle au contrôle du juge et reste justifié par des éléments médicaux antérieurs à celle-ci.



Le conseil de M [R] [J] a demandé à la cour de vérifier la régularité de l'appel interjeté et à formuler des observations relativement à l'opportunité de la mesure de réintégration en hospitalisation complète prononcée.



Le ministère public a requis lors de l'audience le maintien de l'hospitalisation complète.




SUR CE



- sur la régularité de l'appel



L'appel interjeté au nom du préfet de la Seine-Saint-Denis a été formé par Mme [Y] [P], sous-préfète chargée de mission auprès du préfet, bénéficiaire d'une délégation de signature en suppléance du directeur de cabinet par arrêté du 28 juin 2023, le directeur de cabinet bénéficiant lui-même par arrêté distinct du même jour d'une délégation de signature relative aux hospitalisations sous contrainte relevant des dispositions des articles L.3213-1 et suivants du code de la santé publique. L'acte d'appel est signé régulièrement, de telle sorte qu'aucune irrégularité ne peut être soulevée de ce chef. L'appel a été interjeté dans le délai légal, de telle sorte qu'il doit être déclaré recevable.



- sur l'absence de comparution du patient à l'audience



Il résulte des dispositions des articles L. 3211-12-1 et suivants du code de la santé publique que le juge de la liberté et de la détention de statuer dans les 12 jours de la réintégration d'un patient en hospitalisation complète. Selon l'article L 3211-11 du code de la santé publique et de l'article L. 3213-3 III du code de la santé publique, la fugue d'un patient n'a pas pour effet de lever de plein droit la mesure dont il fait l'objet et un avis médical peut être rendu au vu du dossier de ce dernier. Dès lors, l'absence de comparution d'un patient en fugue ne saurait faire échec au contrôle de plein droit que doit exercer le juge dans les 12 jours de la décision de réintégration de celui-ci, alors même qu'il s'y serait soustrait.



Aucun grief ne saurait en outre être retenu dès lors que le patient a été représenté par un avocat qui a pu faire valoir ses observations sur la procédure et sur les conditions de fond de l'hospitalisation.



L'ordonnance déférée sera donc infirmée.



- sur la réintégration



Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 20 septembre 2021 ordonnance de maintien de l'hospitalisation complète ;

Vu l'arrêté de M. Le préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 16 décembre 2021 décidant de la prise en charge à compter du 22 décembre 2021 sous la forme d'un programme de soins de M. [R] [J] ;

Vu les certificats médicaux mensuels ;

Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 15 mai 2023 maintenant la mesure de soins psychiatriques pour une durée maximale de six mois à compter du 15 mai 2023;

Vu le certificat de déclaration de fugue et de demande de réintégration en hospitalisation complète en date du 19 juillet 2023 du docteur [D] ;

Vu l'arrêté de M. Le préfet de la Seine-Saint-Denis portant réintégration en hospitalisation complète d'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en date du 19 juillet 2023;

Vu l'avis motivé en date du 24 juillet 2023 du docteur [G] ;

Vu le certificat de situation du 3 août 2023 établi par le docteur [G] ;



Vu les dispositions conjointes de l'article L 3211-11 du code de la santé publique et de l'article L. 3213-3 III du code de la santé publique ;



Selon les dispositions de cet article, « Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l'article L. 3211-2-1 pour tenir compte de l'évolution de l'état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié.



« Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient transmet immédiatement au directeur de l'établissement d'accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu'il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne. »



En la présente espèce, le certificat médical de réintégration fait état du fait que lors du dernier rendez-vous, le 12 juillet 2023, le patient était sthénique, peu coopérant, ayant tenu des propos menaçants la semaine précédente au téléphone. Il est en outre relevé qu'au cours de l'entretien, le patient était désorganisé avec une réticence associée à une certaine familiarité ainsi qu'à une désinhibition. Le patient a refusé le traitement et un autre rendez-vous lui a été délivré qu'il n'a pas honoré.



Ce certificat médical mentionne donc l'existence de troubles mentaux exprimés à la fois au téléphone et au cours de l'entretien médical, notamment du fait d'une désorganisation psychique et du constat d'une posture sthénique.



La fugue constitue une soustraction volontaire aux soins, le patient ayant en outre exprimé la semaine précédente une opposition à ces derniers.



Le risque d'atteinte grave aux personnes résulte de l'attitude agressive du patient au téléphone envers le personnel soignant.



Dès lors, la prise en charge du patient, décidée sous une autre forme, ne permettait plus, notamment du fait de son comportement, de dispenser les soins nécessaires à son état. La décision de réintégration était donc légalement justifiée.



L'avis motivé, que ne contredit pas le certificat de situation qui constate la persistance de la fugue, précise que le patient était suivi pour une psychose chronique et qu'il avait été admit suite d'une rechute sur un mode comportemental délirant avec hétéro agressivité verbale et menace au sein d'une église à la suite d'une rupture de soins ambulatoires. Il ajoute que si l'état du patient avait été déstabilisé, permettant la mise en place d'un programme de soins, celui-ci s'était montré opposant, menaçant, dans un contexte de recrudescence délirante avec une thématique de persécution.



Le certificat de situation du 3 août 2023 établi par le docteur [G] précise que l'état de santé du patient est sous-tendu par une désorganisation psychique importante et un délire aigu qui a été stabilisé à la suite d'une hospitalisation. Cependant, le 12 juillet 2023, le patient s'est montré opposant avec un début de désorganisation psychique, refusant le traitement qui devait avoir lieu le 5 juillet 2023. Le 19 juillet 2023, le patient a été amené par la police et reçue en entretien. Il est noté qu'alors il ne se déclarait pas malade et affirmé ne pas avoir besoin du traitement ni de l'hospitalisation. Il avait accepté de prendre son traitement retard mais voulait repartir immédiatement.



Ces éléments décrivent ainsi la persistance de troubles mentaux, l'absence de tout consentement soins du fait de la fugue et de l'opposition manifestée lors du précédent rendez-vous médical. Le risque de compromission de la sûreté des personnes résultait du comportement agressif lié à la recrudescence délirante sur une thématique de persécution, étant précisé qu'à chaque rupture de soins, le patient a émis des menaces de mort ou eu des comportements hétéro agressifs avec un passage à l'acte contre un personnel soignant lors de la dernière hospitalisation.



Dès lors, l'état de santé du patient nécessite des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante dans le cadre d'une hospitalisation complète.



Le maintien de la mesure sera donc ordonné.



Les dépens seront mis à la charge du Trésor Public.





































PAR CES MOTIFS,



Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire,



DÉCLARONS recevable l'appel de M. Le préfet de la Seine-Saint-Denis ;



INFIRMONS l'ordonnance rendue le 28 juillet 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny ;



Statuant à nouveau :



ORDONNONS le maintien en hospitalisation complète de M [R] [J] ;



METTONS les dépens à la charge du Trésor Public.





Ordonnance rendue le 09 AOUT 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.











LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE











































Une copie certifiée conforme notifiée le 09.08.2023 par fax / courriel à :





X patient à l'hôpital

ou/et ' par LRAR à son domicile

Xavocat du patient

Xdirecteur de l'hôpital

' tiers par LS

Xpréfet de police

' avocat du préfet

' tuteur / curateur par LRAR

XParquet près la cour d'appel de Paris

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.