26 juillet 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-80.362

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01022

Texte de la décision

N° A 23-80.362 F-D

N° 01022




26 JUILLET 2023

MAS2





QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC







Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 JUILLET 2023




M. [C] [J] a présenté, par mémoire spécial reçu le 10 mai 2023, des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 9 janvier 2023, qui, dans la procédure suivie contre MM. [G] et [M] [E] et Mme [Y] [L], épouse [E], notamment des chefs de blanchiment aggravé et déclaration incomplète ou mensongère à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, a déclaré irrecevable son appel et son intervention volontaire.

Des observations ont été produites.

Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [C] [J], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [R] [W], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat français, et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 juillet 2023 où étaient présents

Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Maziau, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. Les questions prioritaires de constitutionnalité sont ainsi rédigées :

« Les articles 509 et 515 du code de procédure pénale portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et plus précisément à l'égalité des citoyens devant la loi, protégée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, en ce qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions telles qu'appliquées en vertu d'une jurisprudence constante, que, contrairement aux règles de procédure civile, en cas de solidarité ou d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé par l'une ne conserve pas le droit d'appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l'instance, d'où résulte une inégalité de traitement selon que le prévenu a été condamné solidairement, sur les intérêts civils, au paiement de dommages et intérêts par une juridiction répressive ou par une juridiction civile ? »

« Les articles 509 et 515 du code de procédure pénale portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et plus précisément au droit de propriété tel qu'il est consacré aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, dès lors qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions telles qu'appliquées en vertu d'une jurisprudence constante, que, faute de pouvoir bénéficier de l'appel interjeté par un coobligé, une partie pourra se trouver légalement débitrice au titre d'une créance dont le caractère infondé aura ultérieurement été judiciairement reconnu ? »

2. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

3. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

4. Les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

5. Sur la première question, le fait que, en application des articles 509 et 515 du code de procédure pénale, l'appel formé par un prévenu à l'encontre d'un jugement correctionnel ne conserve pas le droit d'appel d'un autre prévenu, codébiteur solidaire condamné en première instance, et qu'il ne permet pas à ce dernier de se joindre à l'instance d'appel, à la différence de la faculté offerte par les dispositions de l'article 552 du code de procédure civile selon lequel, en cas de solidarité ou d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel d'un jugement civil formé par l'une des parties conserve le droit d'appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l'instance, ne méconnaît pas le principe de l'égalité des citoyens devant la loi.

6. En effet, d'une part, il est loisible au législateur compte tenu des spécificités de la justice répressive et de ses finalités, d'instaurer en matière de procédure pénale des règles différentes de celles applicables devant le juge civil, fût-ce sur les intérêts civils.

7. D'autre part, les dispositions législatives contestées, qui prévoient, en procédure pénale, des règles différentes de celles instituées par les dispositions réglementaires applicables en procédure civile, s'appliquent de manière générale, sans aucune distinction tenant aux faits, aux situations ou aux personnes.

8. Sur la seconde question, la condamnation du prévenu au paiement de dommages et intérêts en réparation du dommage causé personnellement et directement par l'infraction, est prononcée en conséquence de la déclaration de culpabilité de l'intéressé de ce chef, de sorte que le grief tiré de l'atteinte au droit de propriété est inopérant.

9. En tout état de cause, les dispositions combinées des articles 509 et 515 précités permettent au prévenu de contester l'atteinte susceptible d'être portée à son droit de propriété en interjetant appel du jugement le condamnant au paiement de dommages et intérêts.

10. Il n'y a pas lieu en conséquence de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-six juillet deux mille vingt-trois.

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