28 juillet 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-86.418

Assemblée plénière

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2023:PL90671

Titres et sommaires

COUR DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE - Commission d'instruction - Droits de la défense - Droits de la personne mise en examen - Droit de se taire - Notification - Nécessité de renouveler l'avertissement à chaque comparution (non)

La notification faite à la personne mise en examen du droit de se taire lors de son interrogatoire de première comparution vaut pour l'ensemble de la procédure d'information conduite par la commission d'instruction jusqu'à sa clôture, de sorte que la commission d'instruction n'a pas l'obligation de renouveler cet avertissement à chaque comparution devant elle de la personne mise en examen, notamment à l'audience consacrée au règlement de la procédure


COUR DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE - Procureur général près la Cour de cassation - Faculté de procéder à des vérifications sommaires - Possibilité - Cas - Recueil d'éléments de procédure auprès d'une autre autorité judiciaire

Le procureur général près la Cour de cassation qui tient des articles 68-2, alinéa 4, de la Constitution et 17 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 le pouvoir de saisir d'office la Cour de justice de la République, après avoir recueilli l'avis conforme de la commission des requêtes, dispose de la faculté de procéder à des vérifications sommaires afin d'apprécier la pertinence des signalements dont il est rendu destinataire et la suite à y donner. Est constitutif d'une telle vérification, le recueil d'éléments de procédure auprès d'une autre autorité judiciaire


COUR DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE - Commission d'instruction - Saisine - Réquisitoire signé au nom du procureur général par un avocat général désigné par celui-ci pour l'assister dans l'exercice du ministère public près ladite Cour - Régularité de la saisine

La commission d'instruction de la Cour de justice de la République est régulièrement saisie par un réquisitoire signé au nom du procureur général par un avocat général désigné par celui-ci pour l'assister dans l'exercice du ministère public près ladite Cour


COUR DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE - Commission d'instruction - Saisine - Moyen tiré de l'irrecevabilité des plaintes transmises par la commission des requêtes au procureur général - Moyen inopérant - Cas - Réquisitoire du procureur général agissant d'office sur avis conforme de la commission des requêtes aux fins de poursuites identiques

Dès lors que la commission d'instruction est régulièrement saisie par le réquisitoire du procureur général agissant d'office sur avis conforme de la commission des requêtes, le moyen qui critique la régularité de la saisine de la commission d'instruction en raison de l'irrecevabilité des plaintes transmises par la commission des requêtes au procureur général aux fins de poursuites identiques, est inopérant


INSTRUCTION - Pouvoirs d'investigation du juge d'instruction - Pouvoirs indélégables en l'absence de texte - Cas - Perquisition - Greffier s'étant vu confier la tâche de procéder au tri des documents découverts à l'effet de sélectionner ceux qui sont en rapport avec l'objet de l'information

En l'absence de texte l'autorisant à déléguer au greffier tout ou partie de ses pouvoirs d'investigation, le juge d'instruction ne peut, lorsqu'il se transporte sur les lieux pour procéder à une perquisition, confier au greffier la tâche de procéder au tri des documents découverts à l'effet de sélectionner ceux qui sont en rapport avec l'objet de l'information


COUR DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE - Règles applicables à la procédure - Règles en vigueur au moment de l'acte ou de la décision de la Cour de justice de la République - Commission d'instruction - Demandes en nullité des actes de la procédure d'information - Applicabilité de l'article 173-1 du code de procédure pénale

Les règles applicables, en vertu des articles 18 et 26 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993, à la procédure suivie devant la Cour de justice de la République, sont celles en vigueur au moment de l'acte ou de la décision de ladite Cour. Dès lors, les membres du gouvernement et leurs avocats ne peuvent demander à la commission d'instruction de la Cour de justice de la République de statuer sur d'éventuelles nullités en application de l'article 23 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 que sous réserve que leur requête ne soit pas irrecevable en application de l'article 173-1 du code de procédure pénale, introduit dans ce code par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, puis modifié par les lois n° 2002-307 du 4 mars 2002 et n° 2016-731 du 3 juin 2016

Texte de la décision

COUR DE CASSATION MAS2


ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE


Audience publique du 28 juillet 2023

Non lieu à statuer,
Non-admission,
Rejet,
Cassation partielle sans renvoi,
Cassation sans renvoi

M. SOMMER, président faisant fonction
de premier président

Arrêt n° 671 B+R

Pourvois n° S 21-86.418,
W 21-87.457,
A 22-80.634,
E 22-81.029,
H 22-83.929,
G 22-83.930,
D 22-83.949,
et Y 22-85.784 Jonction



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

______________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
______________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 28 JUILLET 2023
M. [B] [P] a formé des pourvois contre :

- l'ordonnance de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République (la commission d'instruction) du 17 août 2021 qui, dans l'information suivie contre lui du chef de prises illégales d'intérêts, a statué sur une demande de mesure d'instruction complémentaire,
- les arrêts de la commission d'instruction des 3 novembre 2021 et 14 juin 2022 (arrêt n° 3) qui, dans la même information, ont prononcé sur ses demandes d'annulation d'actes de la procédure,

- les arrêts de la commission d'instruction des 26 janvier, 9 février et 14 juin 2022 (arrêts n° 1 et 2) qui, dans la même information, ont rejeté ses demandes de mesures d'instruction complémentaires,

- l'arrêt de la commission d'instruction du 3 octobre 2022 qui l'a renvoyé devant la formation de jugement de la Cour de justice de la République sous la prévention de prises illégales d'intérêts.

La SCP Spinosi a déposé, au greffe de la Cour de cassation, des mémoires.

Le rapport écrit de Mme Dard, conseiller, et l'avis écrit de M. Desportes, premier avocat général, ont été mis à disposition des parties.

La SCP Spinosi a déposé, au greffe de la Cour de cassation, des observations complémentaires.

Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, assistée de M. Dureux, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Spinosi, et l'avis de M. Desportes, premier avocat général, auquel la SCP Spinosi, invitée à le faire, a répliqué, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2023, où étaient présents M. Sommer, président de chambre faisant fonction de premier président, Mme Teiller, MM. Bonnal, Vigneau, présidents, M. Huglo, Mme Duval-Arnould, doyens de chambre faisant fonction de présidents, Mme Taillandier-Thomas, conseiller faisant fonction de président, Mme Dard, conseiller rapporteur, M. Echappé, Mme Darbois, doyens de chambres, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Capitaine, Guihal, Renault-Malignac, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, MM. Boyer, Martin, Seguy, Gouton, Calloch, conseillers, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,

la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, il y a lieu de procéder à la jonction des pourvois S 21-86.418, W 21-87.457, A 22-80.634, E 22-81.029, H 22-83.929, G 22-83.930, D 22-83.949 et Y 22-85.784.

Faits et procédure

2. Il résulte des décisions attaquées et des pièces de la procédure ce qui suit.


3. Par décision du 8 janvier 2021, la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (la commission des requêtes) a transmis au procureur général près ladite Cour (le procureur général) des plaintes émanant d'une association de lutte contre la corruption et de deux syndicats de magistrats, aux fins de saisine de la commission d'instruction du chef de prises illégales d'intérêts à l'encontre de M. [B] [P], garde des sceaux, ministre de la justice, relativement à des enquêtes administratives diligentées contre des magistrats, et émis un avis favorable aux demandes formées aux mêmes fins par le procureur général.

4. Par réquisitoire du 13 janvier 2021, la commission d'instruction a été saisie aux fins d'informer à l'encontre de M. [P] du chef de prises illégales d'intérêts, délit prévu et réprimé par l'article 432-12 du code pénal.

5. Le 1er juillet 2021, la commission d'instruction a procédé à une perquisition au sein des locaux du ministère de la justice.

6. Le 16 juillet 2021, M. [P] a été mis en examen par la commission d'instruction du chef précité.

7. Le 20 juillet 2021, il a saisi la commission d'instruction, sur le fondement des articles 82-1, alinéa 1, 81, alinéa 10, et 82-2 du code de procédure pénale, d'une demande d'acte.

8. Par une décision, qualifiée d'ordonnance, du 17 août 2021, la commission d'instruction a statué sur cette demande.

9. M. [P] a formé un pourvoi contre cette décision. Le 5 janvier 2022, le premier président de la Cour de cassation a rendu une ordonnance disant n'y avoir lieu à examen immédiat de ce pourvoi.

10. Le 7 septembre 2021, M. [P] a déposé une requête en nullité des pièces de la procédure.

11. Par un arrêt du 3 novembre 2021, la commission d'instruction a rejeté cette requête.

12. M. [P] s'est pourvu en cassation contre cette décision. Le 1er décembre 2021, le premier président de la Cour de cassation a rendu une ordonnance disant n'y avoir lieu à examen immédiat de ce pourvoi.

13. Entre le 12 janvier et le 3 mai 2022, M. [P] a saisi la commission d'instruction, sur le fondement des articles 82-1, alinéa 1, 81, alinéa 10, et 82-2 du code de procédure pénale, de quatre demandes d'actes.

14. Par quatre arrêts, le premier du 26 janvier 2022, le deuxième du 9 février 2022 et les deux derniers, portant les numéros 1 et 2, du 14 juin 2022, la commission d'instruction a rejeté ces demandes.

15. M. [P] s'est pourvu en cassation contre ces décisions. Par ordonnances respectivement des 9 février 2022, 2 mars 2022 et, pour les deux dernières, 13 juillet 2022, le premier président de la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à examen immédiat de ces pourvois.

16. Le 29 avril 2022, M. [P] a, sur le fondement de l'article 23 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République (la loi organique), déposé une nouvelle requête en nullité, portant sur les mêmes actes que la précédente.

17. Par arrêt, portant le numéro 3, du 14 juin 2022, la commission d'instruction a rejeté cette requête.

18. M. [P] a formé un pourvoi contre cette décision. Le 13 juillet 2022, le premier président de la Cour de cassation a rendu une ordonnance disant n'y avoir lieu à examen immédiat de ce pourvoi.

19. Par arrêt du 3 octobre 2022, la commission d'instruction a ordonné le renvoi de M. [P] devant la formation de jugement de la Cour de justice de la République du chef de prises illégales d'intérêts.

20. M. [P] a formé un pourvoi contre cette décision.

Non-lieu à statuer sur le pourvoi N° W 21-87.457 formé contre la décision, qualifiée d'ordonnance, du 17 août 2021

Vu l'article 606 du code de procédure pénale :

21. Saisie d'une demande d'audition de M. Molins en qualité de témoin, la commission d'instruction a ordonné, par décision du 17 août 2021, les auditions concomitantes de Mme [W], MM. [R] et [N], témoins, en présence du procureur général près la Cour de cassation, pris en sa qualité de représentant du ministère public près la Cour de justice de la République, et des avocats de M. [P].

22. Celui-ci n'était recevable à critiquer cette décision qu'en ce qu'elle avait omis de statuer sur sa demande d'audition de M. Molins en qualité de témoin ou rejeté celle-ci.

23. Par requête du 27 janvier 2022, M. [P] a de nouveau sollicité cette audition. Par arrêt du 9 février 2022, cette demande a été rejetée. Dans le pourvoi formé contre cet arrêt, il ne critique pas ce chef de décision.

24. Il n'y a pas lieu, dès lors, de statuer sur le pourvoi formé contre la décision du 17 août 2021, devenu sans objet.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, huitième, neuvième moyens et le dixième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches, du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021, et les moyens uniques des pourvois n° A 22-80.634, E 22-81.029, H 22-83.929 et D 22-83.949 formés respectivement contre les arrêts du 26 janvier 2022, du 9 février 2022, et n° 1 et 2 du 14 juin 2022


25. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le moyen du pourvoi n° Y 22-85.784 formé contre l'arrêt du 3 octobre 2022

Enoncé du moyen

26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le renvoi de M. [P] devant la formation de jugement de la Cour de justice de la République, alors « que le Ministre de la Justice, qui a comparu à l'audience devant la commission d'instruction du 6 septembre 2022 et s'est exprimé au cours de celle-ci, ne s'est pas vu notifier son droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés, en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14.3 g) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article 26 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République et de l'article 199 alinéa 4 du Code de procédure pénale ; qu'en conséquence, l'arrêt encourt la censure. »

Réponse de la Cour

27. En premier lieu, le chapitre III, intitulé « Des débats et du jugement », du titre II de la loi organique, dans lequel est inséré l'article 26 de ladite loi, renvoie aux règles fixées par le code de procédure pénale concernant les débats et le jugement en matière correctionnelle. Cet article ne s'applique, dès lors, qu'à la formation de jugement de la Cour de justice de la République.

28. Selon l'article 18 de la loi organique, sauf disposition dérogatoire, la commission d'instruction procède à tous les actes qu'elle juge utiles à la manifestation de la vérité selon les règles édictées par le code de procédure pénale et spécialement celles relatives aux droits de la défense.

29. Il n'est ainsi renvoyé qu'au chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale relatif à la juridiction d'instruction du premier degré.


30. Aucune autre disposition du chapitre II du titre II de la loi organique, afférent à la procédure suivie devant la commission d'instruction, ne rend applicable à celle-ci l'article 199, alinéa 4, du code de procédure pénale, propre à la chambre de l'instruction, juridiction d'instruction du second degré.

31. En second lieu, l'article 14, § 3, g, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques consacre le droit de ne pas être contraint à témoigner contre soi-même ou de s'avouer coupable.

32. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de se taire sont au coeur de la notion de droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH, arrêt du 10 mars 2009, Bykov c. Russie, n° 4378/02, § 92).

33. La Convention visant à garantir des droits non pas théoriques et illusoires mais concrets et effectifs, cette Cour estime donc inhérent au droit de garder le silence celui d'en être informé (CEDH, arrêt du 13 septembre 2016, Ibrahim et autres c. Royaume-Uni, n° 50541/08, 50571/08, 50573/08 et 40351/09, § 272).

34. A cet égard, l'article préliminaire, III, avant-dernier alinéa, du code de procédure pénale, prévoit qu'en matière de crime ou de délit, le droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie avant tout recueil de ses observations et avant tout interrogatoire, lors de sa première présentation devant une juridiction.

35. La Cour de cassation juge qu'aucun texte ne fait obligation au magistrat instructeur de renouveler, à l'occasion de chaque acte, l'avertissement du droit de se taire (Crim., 4 novembre 2020, pourvoi n° 20-84.046, publié).

36. La commission d'instruction, juridiction unique, procède aux actes utiles à la manifestation de la vérité, notamment aux auditions et interrogatoires des membres du Gouvernement, en application des dispositions des articles 18 à 21 de la loi organique, puis au règlement de la procédure, ainsi qu'en disposent les articles 22 et 23 de la même loi.

37. Il en résulte que la notification faite à la personne mise en examen du droit de se taire lors de son interrogatoire de première comparution vaut pour l'ensemble de la procédure d'information conduite par la commission d'instruction jusqu'à sa clôture, de sorte que la commission d'instruction n'a pas l'obligation de réitérer cet avertissement à chaque comparution devant elle de la personne mise en examen.


38. En l'espèce, les juges ayant notifié à M. [P] le droit de se taire lors de son interrogatoire de première comparution, ils n'avaient pas à réitérer cet avertissement à l'audience du 6 septembre 2022, consacrée au règlement de la procédure.

39. La commission d'instruction n'a donc méconnu aucune des exigences des textes visés au moyen, lequel, en conséquence, doit être rejeté.

Sur les troisième et cinquième moyens du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021

Enoncé des moyens

40. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [P] sans lui avoir donné accès à l'audition de Mme [I] [K] réalisée le 12 octobre 2021, alors « que les principes du droit à un procès équitable, du contradictoire et des droits de la défense, tels que protégés par les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du Code de procédure pénale, impliquent la communication au mis en examen, par la juridiction chargée à la fois de la réalisation des investigations et du contrôle de la régularité de celles-ci, et antérieurement à l'audience au cours de laquelle la régularité de la procédure est appréciée, de tout élément du dossier susceptible d'influer sur l'appréciation du moyen de nullité qui lui est soumis ; qu'en s'abstenant de communiquer au Ministre de la Justice l'audition de Mme [I] [K], conseillère justice du Président de la République, réalisée le 12 octobre 2021, qui affirmait avoir eu un contact avec M. Molins au sujet de la saisine de l'Inspection générale de la Justice s'agissant des magistrats du PNF, lorsque la requête en nullité décriait précisément l'intervention de M. Molins dans ces faits sans évoquer cet élément déterminant jusqu'alors inconnu de la défense, la Commission d'instruction a méconnu les principes précités. »

41. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré du défaut d'impartialité du procureur général près la Cour de cassation exerçant le ministère public près la Cour de justice de la République, alors « qu'est entachée d'inéquité, en violation de l'article 6 §1 de la Convention européenne et de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, une information judiciaire ouverte à l'initiative de M. Molins, Procureur général, qui a en amont écrit une tribune pour dénoncer les faits, qui a rendu public tant le déclenchement des poursuites que la mise en examen, et dont les éléments de l'information ont révélé qu'il a participé, en donnant des conseils à différentes autorités, et notamment à Mme [W], chef de cabinet du Ministère de la Justice, mais également à Mme [K], Conseiller Justice de l'Elysée, au sujet de la décision d'engager une enquête administrative à l'égard des magistrats du Parquet national financier, qui est précisément l'objet des poursuites ; qu'il est également apparu que M. Molins a donné à M. [O], magistrat du parquet, son accord pour participer à l'émission de télévision dans laquelle M. [G] est intervenu, au prix de soupçons de violation du secret de l'instruction ; que la violation du droit à un procès équitable, du contradictoire et de l'égalité des armes, que la Commission d'instruction a refusé la demande formulée par la défense d'entendre M. Molins comme témoin, ce dernier s'étant borné à un courrier livrant des éléments sélectifs sur ses diverses interventions ; que la Commission d'instruction ne pouvait, dans ces conditions, se refuser à annuler la procédure. »

Réponse de la Cour

42. Les moyens sont réunis.

43. Le représentant du ministère public ne décidant pas du bien-fondé d'une accusation en matière pénale, le moyen pris de la partialité supposée de ce magistrat est inopérant (Crim., 6 janvier 1998, pourvoi n° 97-81.466, Bull. crim. 1998, n° 1 ; Crim., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-80.291).

44. L'application faite par la commission d'instruction de ce principe suffit à justifier sa décision de rejeter le moyen tiré du défaut d'impartialité du procureur général.

45. Par conséquent, le troisième moyen, qui invoque l'absence de communication préalable d'une pièce présentée comme déterminante pour l'examen de ce grief, est inopérant.

46. Les moyens, dès lors, doivent être écartés.

Sur le sixième moyen du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021

Enoncé du moyen

47. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité des actes de recherche et des demandes de documents émanant du procureur général antérieurement à la délivrance du réquisitoire introductif, alors « qu'il résulte des articles 15 et 19 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 que devant la Cour de justice de la République, les investigations sont menées par la Commission d'instruction postérieurement au réquisitoire à fin d'informer ou, à titre exceptionnel, et en cas de plainte insuffisamment motivée ou insuffisamment justifiée par les pièces produites, par l'un de ses membres selon les formes prévues par les articles 75, 76 et 77-1 du Code de procédure pénale ; qu'encourait en conséquence l'annulation pour excès de pouvoir les actes par lesquels le Procureur général a, dès le 2 octobre 2020, sollicité puis obtenu la transmission de certains éléments de procédure auprès du Parquet de Nanterre. »



Réponse de la Cour

48. Selon les articles 68-2, alinéa 4, de la Constitution et 17 de la loi organique, le procureur général peut saisir d'office la Cour de justice de la République, après avoir recueilli l'avis conforme de la commission des requêtes.

49. Il en résulte que, sans préjudice des pouvoirs que la commission des requêtes tient de l'article 15, alinéa 1, de la loi organique ni des pouvoirs réservés à la commission d'instruction par l'article 19 de la même loi, le procureur général dispose de la faculté de procéder à des vérifications sommaires afin d'apprécier la pertinence des signalements dont il est rendu destinataire et la suite à y donner.

50. Est constitutif d'une telle vérification, le recueil d'éléments de procédure auprès d'une autre autorité judiciaire.

51. Pour écarter le moyen tiré de la nullité des actes de recherche et des demandes de documents émanant du procureur général, l'arrêt retient que celui-ci a seulement sollicité du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre la transmission de copies de pièces déjà établies, dans l'unique perspective d'examiner la pertinence d'un signalement dont le ministère public avait été saisi et d'émettre un avis sur ses suites.

52. En l'état de ces seules constatations et énonciations, la commission d'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

53. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le septième moyen du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021

Enoncé du moyen

54. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité du réquisitoire introductif non signé par le procureur général, alors « qu'en vertu des articles 8 et 19 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, la saisine de la Cour de justice de la République revient au Procureur général près la Cour de cassation, qui doit prendre un réquisitoire à fin d'informer, sans possibilité de délégation de signature de cet acte de saisine aux avocats généraux qui l'assistent ; que la Commission d'instruction ne pouvait refuser d'annuler le réquisitoire à fin d'informer signé en l'espèce non par le Procureur général, M. Molins, mais par son avocat général, M. [Y]. »





Réponse de la Cour

55. Selon l'article 8 de la loi organique, le ministère public près la Cour de justice de la République est exercé par le procureur général près la Cour de cassation, assisté d'un premier avocat général et de deux avocats généraux qu'il désigne.

56. L'article 19 de la même loi, selon lequel la commission d'instruction informe en vertu d'un réquisitoire du procureur général, n'exige pas que cet acte soit signé personnellement par celui-ci.

57. Le seul recours, à l'article 8 précité, à la notion d'assistance, reprise de l'article 13 de l'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice, ne suffit pas à considérer que le législateur aurait entendu déroger, au sein du parquet ainsi institué devant la Cour de justice de la République, au principe d'indivisibilité du ministère public, selon lequel tout magistrat d'un parquet puise dans sa seule qualité, en dehors de toute délégation de pouvoirs, le droit d'accomplir tous les actes rentrant dans l'exercice de l'action publique (Crim, 3 juillet 1990, n° 90-82.418, Bull. crim. 1990, n° 275).

58. Il en résulte que la commission d'instruction a été régulièrement saisie par un réquisitoire signé au nom du procureur général par un avocat général désigné par celui-ci pour l'assister dans l'exercice du ministère public près la Cour de justice de la République.

59. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021

Enoncé du moyen

60. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la saisine de la commission d'instruction en raison de l'irrecevabilité des plaintes à l'origine de celle-ci, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 13 alinéa 1er de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993, il est prévu que "sous peine d'irrecevabilité, la plainte portée auprès de la commission des requêtes par une personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions doit contenir le nom du membre du Gouvernement visé par ladite plainte et l'énoncé des faits allégués à son encontre ; elle doit être signée par le plaignant" ; qu'il résulte de ce texte que le non-respect du formalisme imposé par la loi organique s'agissant de la plainte qui permet in fine la saisine de la Commission d'instruction doit pouvoir faire l'objet d'une critique de la part de l'ensemble des parties, et notamment de la défense ; qu'en jugeant que "tout nouvel examen par la commission d'instruction de la recevabilité d'une plainte admise par
la commission des requêtes apparaît exclu par l'article 14 alinéa 3 [de la loi organique]" (Arrêt, p. 19), la Commission d'instruction a méconnu l'article 13 de cette loi, interprété à la lumière du droit à un recours effectif protégé par l'article 6 de la Convention européenne ;

2°/ qu'il résulte de l'article 68-2 de la Constitution que le Procureur général près la Cour de cassation se trouve en situation de compétence liée, devant saisir la Commission des requêtes si la Commission d'instruction lui transmet une plainte ; qu'en conséquence, c'est à tort que la Commission d'instruction a jugé – là où en l'espèce l'existence d'une saisine d'office est à exclure, considérant les plaintes qui avaient été déposées – que "les irrégularités éventuelles pouvant affecter la décision de la commission des requêtes, nonobstant le fait qu'elle n'est pas susceptible de recours, ne sauraient affecter la régularité de la saisine de la commission d'instruction, laquelle en application de l'article 19 susvisé, n'est saisie que par le réquisitoire du procureur général" (Arrêt, p. 19) ;

3°/ qu'en outre, a méconnu l'article 13 de la loi organique précitée, qui exclut l'applicabilité des articles 2-1 et suivants du Code de procédure pénale permettant à des associations d'exercer les droits reconnus à la partie civile concernant certaines infractions, la Commission d'instruction qui a jugé, s'agissant d'ANTICOR, qu'elle pouvait agir sur le fondement de l'article 2-23 du même code pour en déduire que "le requérant n'est pas fondé à invoquer l'absence de préjudice direct et personnel de l'association" (Arrêt, p. 19), après avoir relevé que cet article avait été invoqué de manière "superfétatoire" ;

4°/ que de plus fort, des syndicats de magistrat ne peuvent se prévaloir de l'atteinte à un intérêt collectif du fait des "agissements en matière disciplinaire d'un ministre de la justice, anciennement avocat, à l'encontre de magistrats contre lesquels il a, en son nom ou celui des clients qu'il représentait, précédemment déposé plainte ou qu'il a accusés publiquement notamment d'user de méthodes qualifiées de "barbouzardes" (CJR, D776)" (Arrêt, p. 20) ;

5°/ que par ailleurs, il résulte de l'article L. 2132-3 du Code du travail que le représentant d'une organisation syndicale doit justifier d'un pouvoir spécial ou d'une disposition des statuts l'habilitant à agir en justice ; qu'a méconnu ce principe et n'a pas justifié sa décision la Commission d'instruction qui a considéré que "l'absence au dossier de pouvoir spécial ou d'habilitation autorisant les représentants des syndicats à se constituer partie civile ne saurait être utilement invoquée, dès lors d'une part qu'ils n'ont jamais réclamé cette qualité, d'autre part que la loi organique l'interdit […]" (Arrêt, p. 20) ;

6°/ qu'enfin, il appartenait à la Commission d'instruction de se pencher sur l'ensemble des critiques qui lui étaient soumises s'agissant des plaintes de l'association [1] et des plaintes des deux syndicats [4] et [4], sinon pour annuler l'ensemble de la procédure, serait-ce, a minima, pour écarter ces éléments du dossier de la procédure, au même titre que les auditions de témoin de ces plaignants par la Commission d'instruction (D120, D25, D130) ; que l'Assemblée plénière, dans l'exercice du contrôle en droit et en fait qui est le sien, constatera l'irrecevabilité de ces plaintes, la condition de signature par la partie lésée n'étant pas remplie s'agissant de la plainte d'ANTICOR pas plus que celles tenant à la qualité et à l'intérêt à agir ; que ces deux dernières conditions font également défaut s'agissant de la plainte commune du [3], les représentants de ces syndicats ne disposant pas, en outre, d'une habilitation ou d'un pouvoir spécial pour agir en justice ; que l'Assemblée plénière ne pourra que constater l'irrecevabilité de ces plaintes, et la méconnaissance des articles 13 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, 2, 2-23 et 3 du Code de procédure pénale et L. 2132-3 du Code du travail. »

Réponse de la Cour

61. Aux termes de l'article 68-2, alinéas 2 à 4, de la Constitution, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d'une commission des requêtes. Cette commission ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au procureur général près la Cour de cassation aux fins de saisine de la Cour de justice de la République. Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi saisir d'office la Cour de justice de la République sur avis conforme de la commission des requêtes.

62. Selon l'article 19 de la loi organique, la commission d'instruction informe en vertu d'un réquisitoire du procureur général près la Cour de cassation.

63. En l'espèce, la commission d'instruction a été saisie par un réquisitoire du procureur général fondé, d'une part, sur la décision de la commission des requêtes de lui transmettre les plaintes de l'association [1] et des syndicats de magistrats aux fins de poursuites à l'encontre de M. [P] du chef de prises illégales d'intérêts, d'autre part, sur l'avis favorable donné par cette commission à sa demande aux mêmes fins.

64. La commission d'instruction est régulièrement saisie par le réquisitoire du procureur général agissant d'office sur avis conforme de la commission des requêtes.

65. Il en résulte que le moyen, qui critique la régularité de la saisine de la commission d'instruction en raison de l'irrecevabilité des plaintes de l'association [1] et des syndicats de magistrats, est devenu inopérant par suite du rejet des cinquième, sixième et septième moyens du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021.


Mais sur le dixième moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021

Enoncé du moyen

66. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité de la perquisition, alors :

« 4°/ qu'un greffier ne peut recevoir pour mission de trier les objets découverts au cours d'une perquisition ; que dès lors, la Commission d'instruction devait prononcer la nullité de ces opérations de tri des éléments utiles à la manifestation de la vérité effectuées par la greffière, en violation des articles 9 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993, 56, 57, 66 et 92 du Code de procédure pénale, 4 du décret n° 2015-1275 du 13 octobre 2015 portant statut particulier des greffiers des services judiciaires. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 56 et 81 du code de procédure pénale :

67. Il résulte du premier de ces textes que le tri de documents découverts lors d'une perquisition à l'effet de sélectionner ceux qui sont en rapport avec l'objet de l'information procède de la réalisation de la mesure d'investigation elle-même, en ce qu'il tend à la recherche des éléments utiles à la manifestation de la vérité.

68. Aucun texte n'autorise le juge d'instruction à déléguer au greffier tout ou partie des pouvoirs d'investigation qu'il tient du second.

69. Il s'en déduit que, lorsqu'il se transporte sur les lieux pour procéder à une perquisition, le juge d'instruction ne peut confier une telle tâche au greffier.

70. Pour rejeter le grief pris de la participation d'un greffier à des opérations de tri des documents découverts au cours de la perquisition, l'arrêt énonce que le greffier a un rôle d'assistance du juge d'instruction dans le déroulement de la procédure, qu'il authentifie les actes auxquels il participe et qu'il est tenu au secret de l'instruction.

71. Il précise que le greffier est soumis à l'autorité fonctionnelle du juge d'instruction et à ce titre exécute les consignes qui lui sont données par celui-ci.

72. Il ajoute que, dès lors qu'il assiste le magistrat à l'occasion d'un transport susceptible d'aboutir à l'appréhension puis à la saisie de pièces à conviction, aucun texte n'interdit au greffier de participer, sous la direction du juge d'instruction, au bon ordonnancement des opérations de tri de documents.

73. En statuant ainsi, la commission d'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés.

74. La cassation de l'arrêt est donc encourue de ce chef.

Et sur le moyen relevé d'office dans le pourvoi n° G 22-83.930 formé contre l'arrêt n° 3 du 14 juin 2022, mis dans le débat par le ministère public et pris de l'irrecevabilité de la requête en nullité du 29 avril 2022

Vu les articles 18 et 23 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République et 173-1, alinéa 1, du code de procédure pénale :

75. Selon l'article 18 de la loi organique, sauf disposition dérogatoire, la commission d'instruction procède à tous les actes qu'elle juge utiles à la manifestation de la vérité selon les règles édictées par le code de procédure pénale et spécialement celles relatives aux droits de la défense.

76. Aux termes de l'article 23 de la loi organique, aussitôt que l'information lui paraît terminée, la commission d'instruction communique le dossier au procureur général pour que ce magistrat prenne ses réquisitions. Les membres du Gouvernement et leurs avocats en sont avisés. Ils disposent d'un délai de vingt jours à compter de cet avis pour demander à la commission d'instruction de statuer sur d'éventuelles nullités.

77. Ce texte n'introduit pas de disposition dérogatoire au droit commun dès lors que, selon l'article 175 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur à la date d'adoption de la loi organique, les parties disposaient également d'un délai identique pour déposer une requête en nullité.

78. Aux termes de l'article 173-1, alinéa 1, du code de procédure pénale, introduit dans ce code par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, dans sa rédaction modifiée par les lois n° 2002-307 du 4 mars 2002 et n° 2016-731 du 3 juin 2016, sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf dans le cas où elle n'aurait pu les connaître. Il en est de même s'agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs ou des actes qui lui ont été notifiés en application de ce code.

79. Si l'avis de fin d'information prévu à l'article 175 précité, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, ouvre aux parties la possibilité de déposer des requêtes en nullité, c'est à la condition que celles-ci soient recevables en application de l'article 173-1.



80. Les règles applicables, en vertu des articles 18 et 26 de la loi organique, à la procédure suivie devant la Cour de justice de la République sont celles en vigueur au moment de l'acte ou de la décision de ladite Cour (Ass. plén., 26 avril 2022, pourvoi n° 21-86.158, publié ; Ass. plén., 4 juin 2021, pourvoi n° 21-81.656, publié).

81. Il en résulte que l'article 173-1, alinéa 1, du code de procédure pénale est applicable aux demandes en nullité des actes de la procédure d'information suivie par la commission d'instruction.

82. Dès lors, les membres du Gouvernement et leurs avocats ne peuvent demander à la commission d'instruction de statuer sur d'éventuelles nullités en application de l'article 23 de la loi organique que sous réserve que leur requête ne soit pas irrecevable en application de l'article 173-1 du code de procédure pénale.

83. Le 29 avril 2022, les avocats de M. [P] ont déposé une requête en nullité dirigée contre la mise en examen qui lui avait été notifiée lors de l'interrogatoire de première comparution du 16 juillet 2021 et des actes antérieurs à celui-ci.

84. Pour la déclarer recevable, l'arrêt n° 3 rendu par la commission d'instruction le 14 juin 2022 retient que les dispositions de l'article 23 de la loi organique, exorbitantes du droit commun en ce qu'elles autorisent le dépôt d'une requête en fin de procédure, confèrent en cela un droit complémentaire aux membres du Gouvernement mis en examen et à leurs avocats.

85. En statuant ainsi, alors qu'il s'était écoulé plus de six mois depuis l'interrogatoire de première comparution de M. [P], la commission d'instruction a violé les textes précités.

86. La cassation de l'arrêt susvisé est donc encourue.

Portée et conséquences de la cassation partielle de l'arrêt du 3 novembre 2021 et de la cassation totale de l'arrêt n° 3 du 14 juin 2022

87. La Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3, alinéa 3, du code de l'organisation judiciaire, la cassation des arrêts du 3 novembre 2021 et n° 3 du 14 juin 2022 aura lieu sans renvoi.

88. Eu égard à ce qui a été énoncé aux paragraphes n° 67 à 74, il y a lieu de prononcer la nullité des saisies de pièces ayant donné lieu aux scellés DIRCAB ADJ 1 à DIRCAB ADJ 11.



89. Il y a lieu de prononcer également la nullité des copies de pièces saisies, faisant l'objet des annexes 2, 3, 4 et 5 de la pièce 3-61 du procès-verbal n° 34/2021 de la section de recherches de la gendarmerie de [Localité 2] (D1219/10 à D1219/16) et de canceller les mentions se référant aux pièces annulées dans les actes figurant en cotes D903, D1002, D1219 et D1579.

90. L'arrêt du 3 octobre 2022 ordonnant le renvoi de M. [P] devant la formation de jugement de la Cour de justice de la République du chef de prises illégales d'intérêts se réfère à l'une des pièces dont la saisie est annulée, celle faisant l'objet du scellé DIRCAB ADJ 10, mention figurant en page 131, § 2, dont il y a lieu d'ordonner la cancellation.

91. La décision de la commission d'instruction repose sur d'autres motifs dont elle déduit l'existence de charges qu'elle estime suffisantes pour ordonner le renvoi et qu'il appartiendra à la formation de jugement d'apprécier. En conséquence, la cassation de l'arrêt du 3 novembre 2021 n'entraîne pas celle de l'arrêt de renvoi.

92. Enfin, eu égard à ce qui a été énoncé aux paragraphes n° 75 à 86, il y a lieu de déclarer irrecevable la requête en nullité déposée le 29 avril 2022.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens de cassation proposés au soutien du pourvoi n° G 22-83.930 formé contre l'arrêt n° 3 du 14 juin 2022, la Cour :

Sur le pourvoi n° W 21-87.457 formé contre la décision rendue par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 17 août 2021 :

DIT n'y avoir lieu à statuer ;

Sur les pourvois n° A 22-80.634, E 22-81.029, H 22-83.929 et D 22-83.949 formés respectivement contre les arrêts de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République du 26 janvier 2022, du 9 février 2022 et n° 1 et 2 du 14 juin 2022 :

Les DÉCLARE NON ADMIS ;

Sur le pourvoi n° Y 22-85.784 formé contre l'arrêt rendu par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 3 octobre 2022 :

Le REJETTE ;





Sur le pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt rendu par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 3 novembre 2021 :

CASSE et ANNULE l'arrêt de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République du 3 novembre 2021, mais seulement en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité des opérations de tri de documents effectuées par le greffier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE les saisies des pièces placées sous scellés DIRCAB ADJ 1 à DIRCAB ADJ 11 ;

ORDONNE la restitution de ces pièces ;

PRONONCE l'annulation des copies de celles de ces pièces figurant en cotes D1219/10 à D1219/16 ;

ORDONNE leur retrait du dossier de la procédure et leur classement au greffe de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République et DIT qu'il sera interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties ;

ORDONNE la cancellation après qu'il aura été pris une copie certifiée conforme par le greffier, pour être classée au greffe de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République, des pièces concernées :

- de la cote D903/12, à partir du paragraphe commençant par « Dans le même temps » ;

- de la cote D903/13, jusqu'au paragraphe se terminant par « sous scellé DIRCAB ADJ 11 » inclus ;

- dans la cote D1002/3, du passage allant de « DIRCABADJ1 "entretien avec Mme [C] [A]..." » jusqu'à « 45 feuillets de notes manuscrites écrites par M. [R] » ;

- dans la cote D1219/3, de la mention « et scellé DIRCABADJ1 » ;

- dans la cote D1219/4, de la mention « et scellé DIRCABADJ2 » et à partir de la mention « scellé n°DIRCABADJ3 » jusqu'à la mention « mission sur le PNF. » ;

- de la cote D1219/5, de la mention « scellé n°DIRCABADJ5 » jusqu'à la mention « Annexe 5, 2 feuillets, (copie) » ;

- dans la cote D1579/2, du passage allant de « DIRCABADJ1 "entretien avec Mme [C] [A]..." » jusqu'à « 45 feuillets de notes manuscrites écrites par M. [R] D903 CJR » ;


- à la page 131 de l'arrêt rendu par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 3 octobre 2022, du paragraphe commençant par « une "note pour le ministre" » et se terminant par « le ministre "n'estimait pas se trouver en situation de conflit d'intérêts" (D 858/9). »

Sur le pourvoi n° G 22-83.930 formé contre l'arrêt n° 3 rendu par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 14 juin 2022 :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° 3 rendu par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 14 juin 2022 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE irrecevable la requête en nullité déposée le 29 avril 2022 par M. [P] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt du 3 novembre 2021 partiellement cassé et de l'arrêt n° 3 du 14 juin 2022 cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-huit juillet deux mille vingt-trois.

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