13 juillet 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-14.535

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C300556

Titres et sommaires

AGENT IMMOBILIER - Garantie financière - Etendue

La garantie financière exigée des professionnels exerçant des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, en application de l'article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, s'applique à toute créance ayant pour origine un versement, ou une remise, effectué à l'occasion de l'une de ces opérations. Elle produit effet sur les seules justifications que la créance est certaine, liquide et exigible, et que la personne garantie est défaillante, quelle que soit la cause de cette défaillance. En conséquence, une cour d'appel déduit à bon droit de l'existence d'un détournement de fonds commis par la salariée d'un syndic de copropriété au préjudice d'un syndicat de copropriétaires, que l'obligation de garantie du professionnel n'est pas sérieusement contestable et peut donner lieu en référé à l'allocation d'une provision, sans trancher de contestation sérieuse sur le domaine respectif de l'assurance de responsabilité civile professionnelle et de la garantie financière

COPROPRIETE - Syndic - Responsabilité - Garantie financière - Mise en oeuvre - Référé - Provision - Attribution - Conditions - Obligation non sérieurement contestable

Texte de la décision

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 556 FS-B

Pourvoi n° D 22-14.535




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023

La Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-14.535 contre l'arrêt rendu le 8 février 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires de l'Ensemble immobilier [Localité 5], dont le siège est [Adresse 6], représenté par son syndic la société C&M immobilier, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Etude Bouvet-Guyonnet, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Acim (agences Chauvin immobilier Maurienne),

3°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la Compagnie européenne de garanties et cautions, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du syndicat des copropriétaires Ensemble immobilier [Localité 5], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Etude Bouvet-Guyonnet, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 février 2022, RG n° 21/00041), le 31 mars 2018, la société Agences Chauvin immobilier Maurienne (la société ACIM) a informé ses clients, parmi lesquels, le syndicat des copropriétaires de « l'ensemble immobilier » [Localité 5], dont elle était le syndic, de détournements de fonds commis par l'un de ses salariés depuis 2015.

2. Elle a déclaré ce sinistre à sa compagnie d'assurance responsabilité civile, la société Allianz IARD (la société Allianz), et à sa garante financière, la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC).

3. La société ACIM n'ayant pas donné suite à la demande de remboursement des sommes détournées, le syndicat des copropriétaires l'a assignée en référé, ainsi que les sociétés Allianz et CEGC, aux fins de paiement d'une provision correspondant aux sommes détournées majorées du préjudice financier et à titre subsidiaire, d'expertise.

4. Par jugement du 12 mai 2020, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire de la société ACIM et désigné la société Etude Bouvet-Guyonnet en qualité de mandataire liquidateur, laquelle a été appelée en la cause par le syndicat des copropriétaires.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société CGEC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer et de la condamner à payer la somme provisionnelle de 231 267,22 euros au syndicat des copropriétaires de « l'ensemble immobilier » [Localité 5], alors :

« 1°/ que la déclaration d'une créance de restitution de fonds prétendument détenus par un professionnel de l'immobilier faisant l'objet d'une mesure de redressement ou de liquidation judiciaire demeure sans incidence sur l'obligation de mise en oeuvre de la garantie financière obligatoire souscrite par ce professionnel, l'existence de cette garantie serait-elle non contestée ; qu'en jugeant cependant qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société Acim, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l'égard du syndicat des copropriétaires de l'ensemble [Localité 5], pour la circonstance que « la créance a été admise à titre définitif par ordonnance du juge-commissaire », la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à établir le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de garantie de la société CEGC, violant ainsi le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile ;

2° / que, subsidiairement, la garantie financière obligatoire souscrite par les professionnels de l'immobilier ne peut être mise en oeuvre lorsque la défaillance du professionnel garanti est imputable à ses fautes de gestion, relevant exclusivement de sa responsabilité civile dont les conséquences sont prises en charge par son assureur ; qu'en jugeant cependant qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société Acim, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l'égard du syndicat des copropriétaires de l'ensemble [Localité 5], et que la « garantie responsabilité civile » assumée par la société Allianz, assureur de la société Acim, revêtait un « caractère subsidiaire » au regard de la garantie financière de la société CEGC, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à l'étendue respectives de la garantie financière de la société Cecg et de l'assurance responsabilité civile de la société Allianz, relevant pourtant de champs d'application distincts ; que la cour d'appel a ainsi violé le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile ;

3°/ que, à tout le moins, en jugeant qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société Acim, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l'égard du syndicat des copropriétaires de l'ensemble [Localité 5], sans répondre aux conclusions de la société CEGC faisant valoir que sa garantie financière était exclue puisqu'à supposer que les fonds litigieux aient été remis à titre précaire à la société Acim, celle-ci les avaient fautivement affectés à d'autres syndicats de copropriétaires pour les besoins d'une opération de «cavalerie», ce qui traduisait l'existence de fautes de gestion relevant exclusivement de la responsabilité civile professionnelle de la société Acim, et non de sa garantie financière, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 39 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, d'une part, que la garantie financière exigée des personnes exerçant des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce s'applique à toute créance ayant pour origine un versement, ou une remise, effectué à l'occasion de l'une de ces opérations, d'autre part, qu'elle produit effet sur les seules justifications que la créance est certaine, liquide et exigible, et que la personne garantie est défaillante, quelle que soit la cause de cette défaillance.

7. Ayant souverainement retenu que l'existence d'un détournement de fonds à hauteur de 231 627,22 euros au préjudice du syndicat des copropriétaires était établie, notamment par un audit comptable et l'admission à titre définitif par le juge commissaire de la créance pour ce même montant, et relevé que la société ACIM n'avait pas restitué les fonds malgré mise en demeure, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes relatives à l'existence de fautes de gestion de la société ACIM et aux conséquences en découlant quant aux garanties susceptibles d'être mises en oeuvre, en a déduit à bon droit, sans trancher de contestation sérieuse, que l'obligation de garantie n'était pas sérieusement contestable et pouvait donner lieu à l'allocation d'une provision.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Compagnie européenne de garanties et cautions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Compagnie européenne de garanties et cautions et la condamne à payer la somme de 1 000 euros à la société Allianz IARD, celle de 1 000 euros à la société Etude Bouvet-Guyonnet en qualité de mandataire liquidateur de la société Agences Chauvin immobilier Maurienne et celle de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires de « l'ensemble immobilier » [Localité 5] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.

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