7 juillet 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-17.902

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00624

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective - Obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire (non)

Selon l'article L. 3253-19, 1° et 3°, du code du travail, il incombe au mandataire judiciaire en cas d'ouverture d'une procédure collective, d'établir le relevé des créances mentionnées aux articles L. 3253-2 et L. 3253-4 de ce code dans les dix jours suivant le prononcé du jugement d'ouverture et, pour les salaires et les indemnités de congés payés couvertes en application du 3° de l'article L. 3253-8 et les salaires couverts en application du dernier alinéa de ce même article, dans les dix jours suivant l'expiration des périodes de garantie prévues à ce 3°, et ce jusqu'à concurrence du plafond mentionné aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du même code. L'article L. 3253-20 du code du travail, dispose, en son premier alinéa, que si les créances salariales ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code et, en cas d'ouverture d'une sauvegarde, le second alinéa prévoit que le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée, la réalité de cette insuffisance pouvant être contestée par l'AGS devant le juge-commissaire. Il résulte de ces textes que l'obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire de l'insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective et la possibilité de sa contestation immédiate par les institutions de garantie ne sont prévues qu'en cas de sauvegarde. Doit donc être rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt qui en déduit, sans méconnaître les règles gouvernant l'administration de la preuve, ni la subsidiarité de l'intervention de l'AGS, qu'en dehors de cette procédure, aucun contrôle a priori n'est ouvert à l'AGS, de sorte que, sur la présentation d'un relevé de créances salariales établi sous sa responsabilité par le mandataire judiciaire, l'institution de garantie est tenue de verser les avances demandées afin qu'il soit répondu à l'objectif d'une prise en charge rapide de ces créances

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Sauvegarde judiciaire - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective - Obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement et liquidation judiciaires - Créances - Salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective - Obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire (non)

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Sauvegarde - Créances - Salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective - Obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire

Texte de la décision

COMM.

CH.B


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juillet 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 624 FS-B+R

Pourvoi n° P 22-17.902






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 JUILLET 2023

1°/ L'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 3], agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de [Localité 5], dont le siège est Les [Adresse 6], représentée par Mme [R] [V], en qualité de directrice nationale de la DUA,

2°/ l'AGS, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° P 22-17.902 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société [M], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de son gérant M. [E] [M], prise en qualité de mandataire liquidateur à la procédure de liquidation judiciaire de la société Ets Audis,

2°/ à la société AJ UP, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de son cogérant M. [J] [S], prise en qualité d'administrateur judiciaire à la procédure de liquidation judiciaire de la société Ets Audis,
défenderesses à la cassation.

Partie intervenante volontaire :

Le Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ), dont le siège est [Adresse 4].

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'UNEDIC, ès qualités, et de l'AGS, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société [M], ès qualités, et de la société AJ UP, ès qualités, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ), et l'avis de Mme Henry, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Bélaval, Fontaine, Boisselet, Guillou, M. Bedouet, conseillers, Mmes Barbot, Kass-Danno, M. Boutié, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Intervention

1. Il est donné acte au Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires de son intervention volontaire au soutien de la société AJ UP et de la société [M], en leurs qualités respectives d'administrateur et de liquidateur de la société Ets Audis.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 juin 2022), le 20 novembre 2020, la société Ets Audis a été mise en redressement judiciaire, la société AJ UP étant désignée en qualité d'administrateur et la société [M] en celle de mandataire judiciaire.

3. Par un jugement du 16 avril 2021, le tribunal a arrêté un plan de cession des actifs de la société Ets Audis au profit de la société Ridoret menuiserie. Il a fixé la date d'entrée en jouissance au 1er mai 2021 et celle du transfert de propriété à la date de signature des actes. Le prix de cession a été consigné entre les mains du mandataire judiciaire.

4. Par un jugement du 30 avril 2021, la procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire, la société [M] étant désignée en qualité de liquidateur.

5. Le 5 mai 2021, la société [M] a saisi le Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de [Localité 5] d'une demande d'avance par l'Association de garantie des salaires (l'AGS) pour assurer le paiement des salaires du mois d'avril 2021 et d'heures supplémentaires.

6. Le CGEA lui ayant partiellement opposé un refus en invoquant la subsidiarité de son intervention, le liquidateur l'a assigné devant le tribunal de la procédure collective pour obtenir le versement d'une somme correspondant au montant du solde ressortant du relevé des créances salariales.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en ses première à quatrième branches

Enoncé du moyen

8. L'UNEDIC, agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, fait grief à l'arrêt de la condamner au versement d'une somme équivalente au solde du relevé des créances salariales, alors :

« 1°/ que ce n'est que si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail, que le mandataire judiciaire peut demander, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à son article L. 3253-14 ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la sanction de l'absence de respect par le liquidateur de la subsidiarité ne pouvant être obtenue par lesdites institutions qu'a posteriori, par le droit au remboursement de ces avances, ainsi que par la responsabilité du mandataire, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-20 du code du travail ;

2°/ que l'AGS a un droit propre pour contester le principe et l'étendue de sa garantie, dans tous les cas où les conditions de celle-ci ne paraissent pas remplies ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la sanction de l'absence de respect par le liquidateur de la subsidiarité ne pouvant être obtenue par lesdites institutions qu'a posteriori, par le droit au remboursement de ces avances, ainsi que par la responsabilité du mandataire, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-20 du code du travail, ensemble l'article L. 625-4 du code de commerce ;

3°/ que la charge de la preuve de ce que les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail repose sur le mandataire judiciaire ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil ;

4°/ qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en jugeant qu'il n'appartiendrait pas au mandataire judiciaire de prouver que les créances salariales ne pouvaient pas être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail, pour demander l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à son article L. 3253-14, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. D'une part, selon l'article L. 3253-19, 1° et 3°, du code du travail, en cas d'ouverture d'une procédure collective, il incombe au mandataire judiciaire d'établir le relevé des créances mentionnées aux articles L. 3253-2 et L. 3253-4 de ce code dans les dix jours suivant le prononcé du jugement d'ouverture et, pour les salaires et les indemnités de congés payés couvertes en application du 3° de l'article L. 3253-8 et les salaires couverts en application du dernier alinéa de ce même article, dans les dix jours suivant l'expiration des périodes de garantie prévues à ce 3° et ce, jusqu'à concurrence du plafond mentionné aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du même code.

10. D'autre part, l'article L. 3253-20 du code du travail dispose, en son premier alinéa, que si les créances salariales ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code. Le second alinéa de ce texte prévoit pour sa part, qu'en cas d'ouverture d'une sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée, la réalité de cette insuffisance pouvant être contestée par l'AGS devant le juge-commissaire.

11. Faisant l'exacte application de ces textes, la cour d'appel a retenu, sans méconnaître les règles gouvernant l'administration de la preuve, ni la subsidiarité de l'intervention de l'AGS, que l'obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire de l'insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective et la possibilité de sa contestation immédiate par les institutions de garantie ne sont prévues qu'en cas de sauvegarde et en a déduit qu'en dehors de cette procédure, aucun contrôle a priori n'est ouvert à l'AGS, de sorte que, sur la présentation d'un relevé de créances salariales établi sous sa responsabilité par le mandataire judiciaire, et afin de répondre à l'objectif d'une prise en charge rapide de ces créances, l'institution de garantie est tenue de verser les avances demandées.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'UNEDIC, agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, et l'AGS aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'UNEDIC, agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, et l'AGS et les condamne à payer à la société [M] et à la société AJ UP, en leurs qualités de liquidateur et d'administrateur de la société Ets Audis, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt-trois.

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