5 juillet 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/16405

Pôle 4 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 05 JUILLET 2023



(n° 2023/ 124 , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16405 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGNUI



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Août 2022 -Juge de la mise en état de PARIS - RG n° 21/03737





APPELANT



Monsieur [R] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, assisté de Me Claire BINISTI, avocat au barreau de PARIS, SELARL CLAIRE BINISTI, toque

C 1454





INTIMÉE



S.A. PACIFICA,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

N° SIRET : 352 .35 8.8 65



représentée par Me Eric MANDIN de la SARL MANDIN - ANGRAND AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J046, assistée de Me Manon AIDLI, SARL MANDIN ANGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque J 046





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Julien SENEL, Conseiller, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M. Julien SENEL, Conseiller



Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET





ARRÊT : Contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.






*******



EXPOSÉ DU LITIGE :



Le 19 novembre 2005, M. [R] [N] a souscrit un contrat d'assurance 'garantie des accidents de la vie' (GAV) auprès de la société PACIFICA.



Le 19 septembre 2007, M. [N] a été victime d'un accident au cours duquel il aurait chuté dans une tranchée du site de la société UNIBETON à [Localité 4] où il se trouvait pour effectuer une livraison de ciment.



Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.



Le certificat médical initial établi par le docteur [U] le jour de l'accident faisait état d'une 'première luxation antéro-interne scapulo- humérale droite' et prononçait un arrêt de travail jusqu'au 30 septembre 2007, lequel a été prolongé.



M. [N] a déclaré cet accident auprès de la société PACIFICA, qui lui a versé trois provisions pour la somme totale de 11 000 euros et a mandaté le docteur [S] aux fins de réalisation d'une expertise amiable.



Le rapport d'expertise amiable du docteur [S] a été rendu le 28 novembre 2008. Il fixait la date de consolidation au 1er novembre 2008 et concluait notamment, s'agissant de l'IPP, que les séquelles, 'à type de douleur et raideur de l'épaule droite sur membre dominant, constituent un déficit physiologique justifiant, en droit commun, une IPP évaluée à 18%'.



A la suite de cette expertise, la société PACIFICA a proposé à M. [N], par courrier du 22 janvier 2009, une offre d'indemnisation définitive, avec proposition de transaction, à hauteur de 32 720 euros, dont à déduire les provisions déjà versées (soit un solde de 21 720 euros), que ce dernier a refusée.



Par ordonnance du 11 mai 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles, saisi par M. [N] à cette fin, a ordonné au visa de l'article 145 du code de procédure civile, une expertise médicale et désigné pour cela le docteur [J], et a condamné au visa de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, la société PACIFICA à verser à M. [N] la somme de 21 720 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive due par l'assureur au titre de l'accident du 19 septembre 2007, outre 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.





Le docteur [J] a déposé son rapport d'expertise médicale le 1er juillet 2010 et il a notamment fixé la date de consolidation au 28 mai 2009 (date de 'retour du Cameroun, où les séances de massage l'avaient notablement amélioré') et retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 3%, justifié par 'le déficit de la force musculaire du membre supérieur droit'.



Par acte du 17 avril 2012, M. [N] a assigné la société PACIFICA et le RSI France Ouest devant le tribunal de grande instance de Versailles en réparation de son préjudice corporel.



Par jugement réputé contradictoire (le RSI n'ayant pas constitué avocat), rendu le 26 mars 2013, le tribunal de grande instance de Versailles a rejeté les demandes tant principales que reconventionnelles et condamné M. [N] aux dépens.



La cour d'appel de Versailles a, par arrêt du 24 septembre 2015, infirmé cette décision en ce qu'elle a débouté la société PACIFICA de sa demande reconventionnelle, et statuant de nouveau a condamné M. [N] à restituer à la société PACIFICA la somme de 11.000 euros au titre de la provision perçue, confirmé le jugement entrepris pour le surplus, condamné M. [N] aux dépens dont distraction, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.



Compte tenu de nouvelles douleurs ressenties par M. [N], deux certificats médicaux de rechute d'accident du travail ont été établis les 11 juillet 2013 et 14 mars 2016 respectivement par les docteurs [C] et [V].



M. [N] en a informé son assureur, lequel a mandaté son médecin expert, le docteur [S], aux fins d'expertise amiable, réalisée le 11 avril 2018 avec l'assistance du docteur [I], médecin expert de l'assuré, à sa demande.



Le rapport d'expertise en aggravation a été adressé le 5 septembre 2018 à M. [N] et par chaque médecin à son mandant. Il fixe la date de consolidation au 1er novembre 2008 et celle afférente à l'aggravation au 29 juillet 2017, avec un taux d'IPP de 3%.



M. [N], se fondant sur les conclusions de ce rapport, a demandé à plusieurs reprises à la société PACIFICA de l'indemniser de ses préjudices en aggravation, ce qu'elle a refusé.



C'est dans ce contexte que M. [N] a, par acte du 5 mars 2021, fait assigner la société PACIFICA devant le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir indemnisation de l'intégralité de ses préjudices corporels résultant de l'accident du 19 septembre 2007, ainsi qu'à titre subsidiaire, que soit ordonnée une expertise judiciaire, et à titre infiniment subsidiaire, d'être indemnisé des seuls préjudices imputables à l'aggravation de son état de santé.



La société PACIFICA a saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir par conclusions distinctes d'incident notifiées le 16 juin 2021.



Par ordonnance du 25 août 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré les demandes formulées par M. [R] [N] irrecevables au titre de l'autorité de la chose jugée ;

- condamné M. [R] [N] aux entiers dépens ;



- condamné M. [R] [N] à verser à la société PACIFICA la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande de M. [R] [N] formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par déclaration électronique du 19 septembre 2022, M. [N] a interjeté appel de cette ordonnance en mentionnant dans sa déclaration d'appel que l'appel a pour objet la réformation de l'ordonnance.



Par conclusions (n°3) notifiées par voie électronique le 3 février 2023, M. [N] demande à la cour, au visa de l'article 1355 du code de procédure civile, de :

- le RECEVOIR en son appel, le déclarer bien fondé ;

- Y faisant droit, INFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

. Déclaré toutes les demandes de M. [N] irrecevables au titre de l'autorité de la chose jugée,

. Condamné M. [N] aux entiers dépens,

. Condamné M. [N] à verser à PACIFICA la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. Rejeté la demande de M. [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Par conséquent,

. DIRE que l'autorité de chose jugée ne s'oppose pas à ce que le tribunal judiciaire de Paris

statue sur les demandes de réparation des préjudices de M. [N] dans le cadre de l'aggravation de son état de santé ;

. DECLARER ses demandes devant le tribunal judiciaire de Paris recevables ;

. CONDAMNER PACIFICA à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la procédure d'incident en première instance et en cause d'appel.



Par conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 2 décembre 2022, la société PACIFICA demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré les demandes formulées par M. [N] irrecevables au titre de l'autorité de la chose jugée, et de débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes formulées à son encontre.



La clôture est intervenue le 6 février 2023.



Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 8 février 2023, la société PACIFICA demande à la cour au visa notamment des articles 122 et 789 du code civil, 1103, 1231-1, 1355 du code civil, et l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 24 septembre 2015, de :

- REJETER des débats les pièces et conclusions signifiées par M. [N] le 3 février 2023 et le déclarer irrecevable en ses dernières conclusions, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile,

- A tout le moins, ORDONNER la révocation de l'ordonnance de clôture du 6 février 2023, en application des articles 783 et 784 du code de procédure civile,

- ADMETTRE les présentes écritures,



- CONFIRMER l'Ordonnance entreprise en ce qu'elle :

'DECLARE les demandes formulées par M. [R] [N] irrecevables au titre de l'autorité de la chose jugée ;

CONDAMNE M. [R] [N] aux entiers dépens ;



CONDAMNE M. [R] [N] à verser à la société PACIFICA la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de M. [R] [N] formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile' ;



- REJETER, comme étant infondé, l'appel interjeté par M. [N] à l'encontre de l'ordonnance entreprise ;



A défaut, statuant de nouveau, JUGER que :

- par un arrêt rendu le 24 septembre 2015, la cour d'appel de Versailles a débouté M. [N] de ses demandes indemnitaires formulées à l'encontre de la compagnie PACIFICA en réparation de ses préjudices corporels résultant de son accident du 19 septembre 2007, considérant que cet accident n'était pas garanti par le contrat d'assurance dès lors que le DFP de 3% fixé par le docteur [J], expert judiciaire, était inférieur au seuil de 5% prévu à ce contrat comme condition de mise en 'uvre de la garantie ;

- cet arrêt est définitif et revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

- les demandes de M. [N] devant la présente cour concernent les mêmes parties que lors de la procédure devant la cour d'appel de Versailles ayant conduit à l'arrêt du 24 septembre 2015, le même accident du 19 septembre 2007 et le même objet et la même cause, à savoir la réparation des préjudices corporels résultant de l'accident du 19 septembre 2007 ;

- l'éventuelle existence d'une aggravation de l'état de santé de M. [N] est sans incidence sur le fait que l'accident initial du 19 septembre 2007 a été irrévocablement jugé par la cour d'appel de Versailles, comme n'entrant pas dans le champ des garanties souscrites par M. [N] auprès de PACIFICA ;

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré les demandes formulées par M. [N] irrecevables au titre de l'autorité de la chose jugée;

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes formulées à l'encontre de la compagnie PACIFICA ;



En tout état de cause,

- débouter M. [N] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

- condamner M. [N] aux entiers dépens d'appel dont distraction ;

et y ajoutant, condamner M. [N] à verser à la compagnie PACIFICA la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



A l'audience, le greffier a pris note que le conseil de la société PACIFICA renonçait à sa demande de rejet des conclusions et pièces notifiées par le conseil de M. [N] le 03 février 2023, dès lors que ses dernières écritures, destinées à répliquer aux conclusions tardives du conseil de M. [N] étaient intégrées aux débats, après rabat de la clôture, ce que le conseil de M. [N] a accepté.



Le conseiller en charge de la mise en état en a pris acte et les conseils des parties ont été entendus en leurs observations, sur les conclusions d'appelant n°3 pour l'appelant et les conclusions récapitulatives n°3 pour l'intimée.














MOTIFS DE LA DÉCISION





1) Sur le rabat de l'ordonnance de clôture



Vu les articles 15,16, 783 et 784 du code de procédure civile ;



Afin d'intégrer aux débats la réplique de l'intimée en date du 8 février 2023 aux dernières conclusions de l'appelant, du 3 février 2023, la cour ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture et prononce de nouveau la clôture.



2) Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée



Vu les articles 789, 122 du code de procédure civile et 1355 du code civil ;



L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif. Les motifs, seraient-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas autorité de chose jugée.



Pour invoquer l'autorité que la loi attribue à la chose jugée, il faut, entre autres conditions, que la demande soit entre les mêmes parties et formée pour elles ou contre elles en la même qualité ; il faut également que la demande soit fondée sur la même cause et qu'elle ait le même objet.



Il en résulte qu'une nouvelle action, dès lors qu'elle mettrait en présence les mêmes parties et aurait un objet et une cause identiques à celle précédemment jugée, est irrecevable, sauf au demandeur à démontrer la survenance d'événements nouveaux postérieurs à la décision et venant modifier la situation antérieurement reconnue en justice.



Par ailleurs, comme l'a exactement relevé le juge de la mise en état, il résulte de la combinaison des textes sus-visés que le dommage est définitivement fixé à la date où le juge rend sa décision. Au cas où, après cette date une aggravation survient dans l'état de la victime, l'évaluation de cette aggravation ne saurait, sans porter atteinte à la chose jugée, autoriser une remise en cause de l'évaluation initiale du préjudice.



En l'espèce, pour déclarer irrecevables les demandes de M. [N] au titre de l'autorité de la chose jugée, le juge de la mise en état a notamment considéré que l'intégralité des demandes de M. [N] se heurte à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 24 septembre 2015, qui a définitivement jugé qu'il n'est pas fondé à demander la mise en oeuvre de la garantie GAV aux fins d'indemnisation de ses préjudices corporels résultant de l'accident du 19 septembre 2007, dès lors qu'il y a, outre identité de parties, identité d'objet et de cause entre les deux procédures en ce que les demandes formulées dans le cadre de la procédure engagée devant le tribunal judiciaire de Paris portent en réalité sur le principe même de l'indemnisation au regard de l'application du contrat GAV.



En cause d'appel, M. [N] demande l'infirmation de l'ordonnance en toutes ses dispositions en exposant en substance que :

- il a commencé à ressentir, dès 2013, de nouvelles douleurs dans son épaule ; il a été reçu en consultation le 11 juillet 2013 par le docteur [C] qui a estimé qu'il s'agissait d'une rechute d'accident de travail, a dressé un certificat médical de rechute d'accident de travail en constatant une « tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite » et a prescrit des soins jusqu'au 30 septembre 2013 ; ses douleurs ont persisté et son médecin traitant a constaté une nouvelle rechute de l'accident de travail par certificat du 14 mars 2016, prolongé par certificat du 14 juin 2016 jusqu'au 14 octobre 2016 ;

- il a informé PACIFICA de l'aggravation de son état de santé, par courriers des 14 mars et 24 juin 2016 ; à la suite d'un courrier de son conseil, demandant à l'assureur de rouvrir le dossier, de procéder à une expertise contradictoire amiable en présence du docteur [I], médecin expert, et de lui verser une provision de 3.000 euros,

- PACIFICA a répondu le 24 août 2017 avoir missionné le 7 juillet 2017 son médecin expert, le docteur [S] pour réaliser une expertise médicale mais a refusé de verser la somme provisionnelle demandée au regard de l'exécution en cours de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles (concernant la restitution de la somme provisionnelle de 11.000 euros);

- l'examen en aggravation mené par le docteur [I] en présence du docteur [S] a conclu à un taux d'IPP de 3% ;

- ses démarches amiables en vue de la prise en charge de l'aggravation sont restées vaines;

- le juge de la mise en état a dénaturé ses conclusions, et n'y a répondu que partiellement, en ne répondant pas à sa demande d'interprétation du contrat et aux demandes en découlant ; or, ses demandes au fond, présentées devant le tribunal judiciaire de Paris, ne se heurtent pas à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 24 septembre 2015 que lui oppose l'assureur ;

- en effet, il n'y a pas d'identité de cause et d'objet entre les deux procédures, dès lors qu'au cours de la première procédure, il sollicitait la mise en 'uvre de son contrat du fait de l'accident initial, tandis qu'au cours de la procédure ayant donné lieu à l'ordonnance entreprise, il sollicite une indemnisation au titre de l'aggravation de son état de santé ;

- ce principe du droit à réparation des séquelles imputables à l'aggravation, qui sont des séquelles nouvelles par rapport à celles causées par l'accident initial est conforme à la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui rappelle de longue date que l'autorité de chose jugée ne fait pas obstacle à ce que la victime sollicite une nouvelle indemnisation pour les préjudices imputables à l'aggravation ;

- le fait que la compagnie ait fait procéder à une expertise amiable après l'aggravation de son état de santé démontre qu'elle considérait qu'il s'agissait d'un sinistre différent pouvant donner lieu à réparation, indépendamment de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, sans quoi elle lui aurait directement indiqué refuser le principe de l'expertise amiable dans la mesure où elle refusait également le principe de la réparation ;

- que le juge du fond du tribunal judiciaire de Paris se fonde sur le rapport initial amiable ou le rapport d'expertise judiciaire, le taux total de DFP qu'il présente après aggravation s'élève soit à 21%, soit à 6% et est, en toutes hypothèses, supérieur au seuil d'intervention de l'assureur ;

- le docteur [I] certifie d'ailleurs que le taux de 3% qui avait été retenu par lui et le docteur [S] à l'issue de l'expertise amiable du 11 avril 2018 correspondait à la seule majoration du DFP imputable à l'aggravation et portait ainsi le taux de DFP global présenté à 21% ;

- la discordance significative entre le taux de 21% retenu par les docteurs [I] et [S] et le taux non-inférieur à 5% estimé par la cour d'appel de Versailles démontre que l'applicabilité de la garantie contractuelle ne saurait être sérieusement écartée et justifie, a minima, qu'une expertise en aggravation soit ordonnée ;

- les dispositions contractuelles que PACIFICA oppose à sa demande d'indemnisation (définition de l'aggravation dans les conditions générales) au titre de l'évolution de son état séquellaire sont inopérantes.







La société PACIFICA réplique que l'ordonnance doit être confirmée dès lors que le juge a estimé à bon droit qu'à défaut de première indemnisation octroyée en application du contrat GAV, le fait de statuer sur les demandes de M. [N] reviendrait à statuer de nouveau sur l'application des conditions générales du contrat, ce qui aurait pour effet de remettre en cause ce qui a été jugé définitivement par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 24 septembre 2015 ;

- M. [N] a été débouté de l'intégralité de ses demandes d'indemnisation de son préjudice corporel résultant de l'accident du 19 septembre 2007, la garantie souscrite n'étant pas acquise à ce titre ; dès lors, à partir du moment où il a été définitivement tranché que l'accident initial du 19 septembre 2007 n'entrait pas dans le champ du contrat d'assurance GAV souscrit, l'existence d'une éventuelle aggravation de l'état de santé de M. [N] à la suite de ce même accident non garanti du 19 septembre 2007 n'a aucune incidence ;

- il ne s'agit pas ici de solliciter un complément d'indemnisation d'un préjudice corporel qui a déjà connu une première indemnisation dès lors que la cour d'appel de Versailles a d'ores et déjà décidé que l'accident traumatique n'entrait pas dans le champ des garanties offertes ;

- les demandes de M. [N] se heurtent en toute hypothèse à la définition contractuelle de l'aggravation.



Sur ce,



Il n'est pas contesté qu'il y a identité de parties, l'action de M. [N] étant dirigée contre la société PACIFICA, en sa qualité d'assureur.



Le débat porte sur l'identité d'objet et de cause entre les procédures diligentées par M. [N] devant d'une part, le tribunal de grande instance de Versailles puis la cour d'appel de Versailles, et d'autre part devant le tribunal judiciaire de Paris, à la suite de la survenance de douleurs ayant donné lieu notamment à un examen en aggravation, après l'arrêt de la cour d'appel de Versailles.



Mais pour que M. [N] puisse prétendre être indemnisé de ses blessures, encore faut-il, comme l'avait déjà relevé le juge du tribunal de grande instance de Versailles en 2013, que le seuil d'intervention pour lequel il a opté en incapacité permanente, soit 5%, soit atteint, en application des conditions générales du contrat en cause.



S'agissant tout d'abord de l'identité de cause et d'objet entre les deux procédures, dont M. [N] soutient qu'elle n'est pas établie, la cour ne peut le suivre dans son argumentation lorsqu'il expose que le juge de la mise en état a fait une interprétation erronée des demandes formulées devant le tribunal, en résumant ses demandes comme suit: 'M. [N] a, par acte du 5 mars 2021, fait assigner la société PACIFICA devant le tribunal judiciaire de Paris afin, à titre principal, d'obtenir indemnisation de l'intégralité de ses préjudices corporels résultant de l'accident du 19 septembre 2007, à titre subsidiaire, que soit ordonnée une expertise judiciaire, et à titre infiniment subsidiaire, d'être indemnisé des seuls préjudices imputables à l'aggravation de son état de santé', sans avoir rappelé qu'il demandait au préalable au tribunal de 'dire si l'aggravation de l'état de santé de Monsieur [N], qui permettait d'atteindre les seuils de prise en charge du sinistre, devait donner lieu à la réparation uniquement des préjudices imputables à l'aggravation strictement, ou si elle pouvait conduire également à la réparation des préjudices non encore réparés préexistant à l'aggravation conformément à la jurisprudence'.



En effet, M. [N] affirme en page 7/20 de ses conclusions qu'au terme de son assignation devant le tribunal judiciaire de Paris, en date du 5 mars 2021, il soutenait que son taux de DFP avait, du fait de l'aggravation de son état de santé, nécessairement dépassé les 5%, seuil d'intervention de sa garantie des accidents de la vie, et ce, que l'on retienne le taux de DFP initial avant aggravation de 18% retenu par le docteur [S] dans le rapport amiable ou le taux de 3% retenu par l'expert judiciaire, l'aggravation du taux de DFP ayant, elle, été fixée à 3% ; que par conséquent, sa garantie contractuelle était applicable et qu'il pouvait solliciter la réparation de ses préjudices ;que les préjudices qui préexistaient à l'aggravation pouvaient donner lieu à réparation dans ce cadre dans la mesure où, pour l'heure, ils n'avaient encore jamais donné lieu à indemnisation, le contrat n'ayant pas encore été mis en 'uvre ; que néanmoins, il indiquait que si le tribunal devait considérer que ces préjudices n'étaient pas nouveaux, il demeurait fondé à solliciter a minima la réparation des préjudices exclusivement imputables à la seule aggravation.

Il ajoute qu'il 'demandait donc au Tribunal de trancher cette question qui relevait de l'interprétation du contrat, et, en fonction de l'analyse que retiendrait le Tribunal, d'appliquer le contrat de la manière suivante :

* Si le Tribunal devait estimer qu'il y avait lieu à réparer tous les préjudices de Monsieur [N] y compris ceux préexistant à l'aggravation, Monsieur [N] lui demandait:

o A titre principal, d'appliquer le contrat sur la base d'un DFP de 21% correspondant au DFP de 18% retenu dans le rapport amiable initial et au taux de 3% d'aggravation retenu par le rapport amiable après aggravation, et de liquider tous les préjudices indemnisables au titre du contrat ;

o A titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire en vue de déterminer le taux global de déficit fonctionnel permanent de Monsieur [N] résultant de son aggravation ;

o A titre infiniment subsidiaire, d'appliquer le contrat sur la base d'un DFP de 6% correspondant au DFP de 3% retenu par l'Expert judiciaire et au taux de 3% d'aggravation retenu par le rapport amiable après aggravation, et de liquider tous les préjudices indemnisables au titre du contrat ;



* Si le Tribunal devait estimer qu'il y avait lieu à ne réparer que les préjudices de Monsieur [N] imputables à l'aggravation, il lui était demandé :

o A titre principal, d'appliquer le contrat sur la base d'un DFP de 21% correspondant au DFP de 18% retenu dans le rapport amiable initial et au taux de 3% d'aggravation retenu par le rapport amiable après aggravation, et de liquider les préjudices imputables à l'aggravation indemnisables au titre du contrat ;

o A titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire en vue de déterminer le taux global de déficit fonctionnel permanent de Monsieur [N] résultant de son aggravation ;

o A titre infiniment subsidiaire, d'appliquer le contrat sur la base d'un DFP de 6% correspondant au DFP de 3% retenu par l'Expert judiciaire et au taux de 3% d'aggravation retenu par le rapport amiable après aggravation, et de liquider les préjudices imputables à l'aggravation indemnisables au titre du contrat'.



Or, non seulement M. [N] n'a pas mis la cour en mesure de vérifier s'il avait énoncé de telles prétentions dans le dispositif de son acte introductif d'instance, et les avait maintenu dans ses conclusions au fond, mais il ne ressort de cette présentation initiale de ses prétentions, aucune dénaturation de la part du juge de la mise en état dans le résumé qu'il fait des prétentions de M. [N], qui visent trois objets, indépendamment des moyens soutenus pour les soutenir, à savoir :

- à titre principal, obtenir l'indemnisation en exécution du contrat, de l'intégralité de ses préjudices corporels résultant de l'accident du 19 septembre 2007,

- à titre subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire,

- et à titre infiniment subsidiaire, obtenir l'indemnisation en exécution du contrat des seuls préjudices imputables à l'aggravation de son état de santé, ce qui correspond parfaitement au résumé fait par le juge de la mise en état.



S'il exact que la nouvelle demande d'indemnisation fondée sur l'aggravation de l'état de santé de la victime et tendant à la réparation des préjudices complémentaires ou nouveaux nés de cette aggravation, ne se heurte en principe pas à l'autorité de la chose jugée, en l'espèce, comme le soutient PACIFICA, il y a bien identité d'objet et de cause entre l'instance jugée définitivement par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles et celle pendante devant le tribunal judiciaire de Paris, dès lors que M. [N] sollicite en réalité, par l'application du même contrat d'assurance, l'indemnisation d'un préjudice corporel qu'il a subi causé par un même accident survenu le 19 septembre 2007, objet de la demande jugée par la cour d'appel de Versailles.



Comme l'a plus précisément analysé le juge de la mise en état, ceci résulte du fait que :

- le tribunal de grande instance de Versailles a, par jugement rendu le 26 mars 2013, débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes en indemnisation relatives à l'accident du 19 septembre 2007 et formulées à l'encontre de la société PACIFICA aux motifs que compte tenu du taux de DFP de 3 % devant être retenu, le seuil d'intervention prévu par le contrat GAV n'était pas atteint ; cette décision a été confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 24 septembre 2015, qui a en outre condamné M. [N] à rembourser à la société PACIFICA les provisions indûment perçues au titre de cet accident.

- il ressort de la motivation de cet arrêt que 'de façon claire et sans équivoque les dispositions contractuelles subordonnent la mise en 'uvre de l'indemnisation des préjudices résultant d'événements accidentels au fait que l'accident a entraîné un taux d'incapacité au moins égal à 5 %. C'est une fois cette condition remplie que sont indemnisables les préjudices énumérés au contrat ('). Le fait que la société PACIFICA ait pu verser des provisions est sans incidence sur ce point. Dès lors que l'expertise judiciaire a mis en évidence le fait que les conditions de mise en 'uvre de la garantie due par la société PACIFICA n'étaient pas remplies, l'assureur est fondé à demander la restitution des provisions versées';

- il résulte de cette décision, revêtue de la chose jugée et définitive, que dans la mesure où le seuil d'intervention n'est pas atteint par le taux de DFP retenu, M. [N] n'est pas fondé à demander la mise en 'uvre de la garantie du contrat GAV aux fins d'indemnisation de ses préjudices corporels résultant de l'accident du 19 septembre 2007 ; or, dans la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Paris, M. [N] invoque l'aggravation de son état de santé imputable à cet accident pour solliciter, à l'encontre de son assureur, l'indemnisation, d'une part, des préjudices résultant de cette aggravation et, d'autre part, des préjudices préexistants à celle-ci ;

- M. [N] se prévaut, à ce titre, de son droit à un complément d'indemnisation alors même qu'il n'a pas obtenu de première indemnisation relative à l'accident du 19 septembre 2007 dans le cadre de son contrat GAV, la mise en 'uvre de la garantie ayant été exclue par la décision précédente ; il a en outre été condamné à restituer les provisions sur indemnisation, lesquelles ont été considérées comme indûment perçues compte tenu de la non application des garanties souscrites ; dès lors, comme le fait de nouveau valoir Pacifica, à défaut de première indemnisation octroyée en application du contrat GAV, le fait de statuer sur les nouvelles demandes de M. [N] reviendrait à statuer à nouveau sur l'application des conditions générales du contrat, ce qui aurait pour effet de remettre en cause ce qui a été jugé par l'arrêt du 24 septembre 2015.



Au surplus, comme l'a exactement relevé le juge de la mise en état, les demandes de M. [N] demeurent pour partie fondées sur l'expertise amiable du 28 novembre 2008 qui a été écartée par l'arrêt de la cour d'appel.



Certes, M. [N] justifie par ailleurs, dans le cadre de cette nouvelle instance, de la survenance d'éléments nouveaux, en produisant :

- le compte-rendu de consultation et le certificat de rechute d'accident de travail du docteur [C], du 11 juillet 2013, non versés aux débats devant la cour d'appel de Versailles;



- le certificat de rechute d'accident du travail du docteur [V] du 14 mars 2016 et le certificat de prolongation d'accident du travail du docteur [V] du 22 juin 2016 ;

- un certificat du docteur [I] du 07 décembre 2022 attestant que le taux d'IPP (DFP) de 3% au titre de l'aggravation s'appliquait en supplément du taux d'IPP initialement fixé à 18% par l'expertise de 2008 'Je certifie que le médecin missionné par la Cie PACIFICA, et moi même avions estimé qu'une aggravation avait débuté le 11 juillet 2013 et que cette rechute pouvait être estimée consolidée le 29/07/2017 avec une IPP supplémentaire de 3%. Nous aurions peut-être dû préciser que le taux de 18% qui était justifié en 2008, passait à 21% à la date de consolidation de l'aggravation, le 29 juillet 2017".



Ces éléments ne sont cependant pas suffisants pour modifier la solution retenue par le juge de la mise en état.



En effet, comme le fait valoir PACIFICA, le fait d'avoir accepté de mener une expertise amiable contradictoire ne vaut pas reconnaissance de garantie, et ne saurait priver d'effet les conditions générales du contrat qui donnent en page 16 une définition claire et précise de la notion d'aggravation de l'état de santé de l'assuré, à savoir 'l'évolution de votre état séquellaire, si elle est en relation directe et certaine avec l'accident et de nature à modifier les conclusions médicales qui ont servi de base à l'indemnisation initiale, ouvre droit à un complément d'indemnisation'.



Il ressort de cette définition que l'évolution de l'état de santé peut être de nature à ouvrir droit à un complément d'indemnisation, mais seulement si les conclusions médicales ont effectivement servi de base à l'indemnisation initiale.



Dans le cas d'espèce, il n'y a eu aucune indemnisation initiale puisque les seuils permettant l'application du contrat n'étaient pas atteints.



Par conséquent, si l'accident initial n'a pas permis la mise en 'uvre des garanties contractuelles, l'aggravation de cet accident ne peut permettre une telle mise en 'uvre.



Il est dès lors vain pour M. [N] de se prévaloir du certificat du docteur [I] pour démontrer que la garantie lui est acquise du fait du dépassement en avril 2018 du seuil d'intervention prévu par le contrat GAV.



Compte tenu de la solution, M. [N] ne peut qu'être débouté de l'intégralité de ses demandes.











4) Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



M. [N] succombant en ses demandes, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens et à verser à la société PACIFICA la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [N] sera par ailleurs condamné aux dépens d'appel et au paiement en cause d'appel de la somme de 2 000 euros à la société PACIFICA au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il verra sa demande à ce titre rejetée.





PAR CES MOTIFS





LA COUR,

statuant en dernier ressort, contradictoirement, publiquement et par mise à disposition de la décision au greffe,



Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture afin d'intégrer les conclusions de l'intimée notifiées par voie électronique le 08 février 2023 et prononce la clôture des débats;



Confirme l'ordonnance entreprise ;



Y ajoutant :



Déboute M. [R] [N] de ses demandes ;



Condamne M. [R] [N] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



Condamne M. [R] [N] à payer à la société PACIFICA en cause d'appel la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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