6 juillet 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.141

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300513

Texte de la décision

CIV. 3

RM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2023




Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 513 F-D

Pourvoi n° P 22-13.141




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023

1°/ M. [F] [G], domicilié [Adresse 4],

2°/ M. [D] [G], domicilié [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° P 22-13.141 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2021 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [V] [J], domicilié [Adresse 1], artisan maçon, exerçant à titre individuel sous l'enseigne Entreprise de maçonnerie [J],

2°/ au Groupama Rhône Alpes Auvergne, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ à la société [U] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de M. [S] [U], architecte,

4°/ à M. [S] [U], domicilié [Adresse 3],

5°/ à la Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [G], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société [U] et associés, de M. [U] et de la Mutuelle des architectes français, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat du Groupama Rhône Alpes Auvergne, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 mars 2021), M. [F] [G] a confié à M. [U], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), et aux droits duquel vient la société [U] et associés la maîtrise d'oeuvre des travaux de reconstruction d'une maison d'habitation endommagée par un incendie.

2. L'exécution des travaux a été confiée à M. [J], assuré auprès de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne (la société Groupama).

3. Les travaux n'ont pas été achevés.

4. M. [F] [G] a donné la nue-propriété de la maison à M. [D] [G].

5. Après une expertise judiciaire, M. [F] [G] a assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices. M. [D] [G] est intervenu volontairement.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. MM. [F] et [D] [G] font grief à l'arrêt de limiter la condamnation in solidum de M. [J], M. [U], la société [U] et associés et la MAF à payer à M. [F] [G] à la somme de 25 107,37 euros au titre du trop-perçu par M. [J], alors « que les factures émises par les professionnels doivent, pour chacun des biens livrés ou des services rendus, préciser le prix unitaire hors taxes et le taux de TVA légalement applicable ; que l'entrepreneur peut percevoir la TVA à taux réduit lorsque, d'une part, il exécute des travaux d'amélioration ou de transformation ne concourant pas à la production d'un immeuble et que, d'autre part, le bénéficiaire de ces travaux lui remet, à la date du fait générateur de la taxe c'est-à-dire lors de la facturation au plus tard, une attestation certifiant que les travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans ; qu'à défaut de réunion de ces deux conditions, la TVA doit être facturée par l'entrepreneur au taux normal ; qu'en cas d'erreur portant sur le taux de TVA facturé, le complément d'imposition doit être mis à la charge de l'entrepreneur, en sa qualité, non seulement de collecteur de l'impôt, mais également de professionnel ; qu'en l'espèce, après avoir relevé, tant par motifs propres qu'adoptés, que les travaux de démolition et déblais avaient été facturés et payés avec une TVA à taux réduit de 5,5 %, quand ils auraient dû se voir appliquer un taux normal à 19,6 % ; qu'en retenant pourtant au titre du trop-perçu le décompte de l'expert qui avait déduit du montant payé par M. [F] [G] le montant TTC des travaux effectivement réalisés, parce que les sommes réglées par le maître de l'ouvrage l'avaient été « pour l'essentiel avec une TVA à 19,6 % », la cour d'appel a mis à la charge de M. [F] [G] le différentiel de TVA entre le taux normal et le taux réduit pratiqué par erreur par M. [J] au titre de la facture des travaux de démolition et déblais ; qu'en statuant ainsi, quand le différentiel de TVA devait être mis à la charge de l'entrepreneur, en sa qualité de collecteur de l'impôt et de professionnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 242 noniès A de l'annexe 2 du code général des impôts et 279-0 bis du même code, ce dernier dans sa version antérieure à la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 279-0 bis du code général des impôts :

8. Il résulte de ces textes que le professionnel ne peut réclamer un complément de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans le cas où il facture cette taxe à un taux réduit erroné, sauf si les parties sont convenues d'une telle rectification ou si l'attestation remise par le maître de l'ouvrage pour garantir les conditions d'application du taux réduit était inexacte de son fait.

9. Pour limiter à un certain montant la somme due par l'entrepreneur et l'architecte au titre du trop perçu, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les factures de l'entreprise comprennent une TVA au taux de 19,6 %, à l'exception de la facture de démolition et de déblais. Il en déduit, pour faire le compte entre les parties, que le prix des travaux exécutés par M. [J] doit être augmenté de cette taxe au taux de 19,6 %.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les travaux de démolition et de déblaiement avaient fait l'objet d'un devis avec l'application d'une TVA au taux de 5,5 % puis d'une facture avec l'application de ce même taux, sans qu'il soit invoqué aucun accord pour une rectification ou la remise par le maître de l'ouvrage d'une attestation erronée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3,alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Dès lors qu'il n'est pas prétendu que les parties étaient convenues du versement d'un complément de TVA ou que le maître de l'ouvrage avait remis une attestation erronée quant à la nature des travaux de démolition et de déblaiement assujettis au taux réduit, il ne peut leur être appliqué un taux supérieur à celui facturé.

14. Les travaux de démolition et déblais peuvent ainsi être évalués à la somme de 12 721,50 euros hors taxes, soit 13 421,18 euros TVA comprise, au taux de 5,5 %.

15. Les autres travaux et fournitures peuvent être évalués à la somme de 36 200 euros hors taxes, soit 43 295,20 euros TVA comprise, au taux de 19,6 %.

16. Le montant total des travaux et fournitures s'élève ainsi à la somme de 56 716,38 euros, TVA comprise, pour un total de règlements de 83 617,49 euros, de sorte que le trop versé s'élève à la somme de 26 901,11 euros. M. [J], M. [U], la société [U] et associés et la MAF seront condamnés in solidum à payer cette somme à M. [F] [G].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 25 107,37 euros la condamnation in solidum de M. [J], de M. [U], de la société [U] et associés et de la Mutuelle des architectes français au profit de M. [F] [G] au titre du trop-perçu, l'arrêt rendu le 9 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne M. [J], M. [U], la société [U] et associés et la Mutuelle des architectes français in solidum à payer à M. [F] [G] la somme de 26 901,11 euros au titre du trop-perçu par M. [J] ;

Dit n'y avoir lieu de modifier les dispositions relatives aux dépens et frais non compris dans les dépens exposés devant les juges du fond ;

Condamne M. [J], M. [U], la société [U] et associés et la Mutuelle des architectes français aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.

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